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Les biens et les services produits à l'occasion des cycles capitalistes génèrent une production de valeur économique. Nous avons vu que cette valeur ajoutée était finalement produite par les seuls salaires. La valeur intrinsèque, difficilement quantifiable (et éventuellement négative) des biens et des services produits est leur valeur d'usage. Cette valeur est tautologique : la valeur de la brosse à dent, c'est celle de l'utilité de pouvoir se brosser les dents (avec éventuellement toutes les caractéristiques techniques de ladite brosse). Cette valeur d'usage est liée au travail concret, à ce qui a effectivement été réalisé lors de la production.
La
notion de valeur d'usage est indépendante de la valeur économique
même si la violence sociale de l'économie conforme les aspirations,
les désirs et les besoins des acteurs économiques. Si vous vous
préparez un café, pour vous et pour une amie, vous créez la même
valeur d'usage qu'en allant acheter ce café au bistrot. Vous aurez
créé une valeur d'usage de même nature que celle créée par le
serveur. La différence, c'est qu'il n'y aura pas eu de création de
valeur économique chez vous (sauf à facturer votre café à votre
amie mais nous quittons alors le cadre de notre exemple tout simple).
De
même, une papeterie peut créer du papier – bien doté d'une
valeur concrète, d'une valeur d'usage bien réelle – mais, ce
faisant, si la papeterie empoisonne votre air et votre eau, elle vous
vole une valeur d'usage. C'est alors une activité productive de
valeur économique qui enlève,
qui diminue la
valeur d'usage disponible globalement. La création de valeur
économique peut créer ou
supprimer de
la valeur d'usage. Éventuellement, cette valeur économique peut
faire les deux en même temps, à des acteurs différents qui, du
fait de leurs points de vue opposés sur la production, la percevront
de manière opposée. Si un barrage rapporte à des actionnaires
d'une compagnie électrique privée et qu'il enlève l'usage de
terres à des paysans, les paysans et les actionnaires auront des
points de vue ennemis sur le même barrage, sur la même activité
économique.
Argent et concurrence
Pour
l'investisseur, l'activité de production de valeur économique est
tournée vers le profit. Cet investisseur consacre de l'argent
accaparé sur le travail des employés à une activité économique
soumise à de la concurrence pour générer de la plus-value, pour
s'enrichir quel que soit le type d'activité concrète de
l'entreprise : l'investisseur peut acheter des actions dans le
nucléaire, les poupées gonflables ou l'aide aux personnes âgées,
cela n'a pas d'importance, il veut récupérer son investissement
avec une
plus-value la plus élevée possible.
Proposition
35
La
valeur économique détermine des intérêts sociaux antagoniques.
|
Dans cette opération, le goût du lucre, l'avidité de
l'investisseur aura déterminé la nature du travail concret, elle
aura organisé la production, la gestion de la main-d’œuvre,
l'encadrement, la façon de produire et la nature de la production
sans considération pour le point de vue de l'intérêt public ou
pour celui des producteurs soumis au terrorisme de l'aiguillon de la
nécessité. Ce que Marx appelle le fétichisme de la marchandise
consiste à gommer toute trace, toute visibilité au goût du lucre
de l'investisseur mais aussi aux conditions de travail des employés.
La marchandise se présente au consommateur vierge de toute condition
de réalisation, vierge de l'avidité du patron ou de la sueur de
l'ouvrier, vierge des vallées détruites ou du management par la
haine.
Note
22. Le marché et le capitalisme
Le
fétiche de la plus-value
Le
fétichisme de la marchandise voile la logique capitaliste par
excellence en tant que fétiche. Quand il se produit des marchandises
dans la logique capitaliste, pour Marx, la marchandise initiale M
devient une autre marchandise M' via le capital.
(5.1)
M-C-C'-M'
avec
M=la valeur des marchandises initiales (en termes comptables, les
consommations intermédiaires, ce qu'il faut acheter pour produire)
avec
C=la valeur du capital investi (salaire et investissements)
avec
C'=la valeur du capital après le travail (la différence entre C et
C', est la valeur ajoutée, produite exclusivement par les
travailleurs, hors emploi et dans l'emploi)
avec
M'=la valeur des nouvelles marchandises qui réalisent C', que le
capital constitué permet d'acheter.
Le
principe de cette équation, de ce mouvement de la marchandise, c'est
l'accumulation. Nous l'avons vu, l'accumulation s'inscrit dans une
logique exponentielle, c'est une arnaque type pyramide de Ponzi.
C'est cette logique de l’appât du gain que la marchandise voile.
Pour
autant, il nous faut distinguer la logique de la marchandise et celle
du capitalisme du marché. Le marché est l'ensemble des biens et des
services, des productions économiques qui ont un prix. Tous les
biens et les services qui ont un prix ne sont pas nécessairement
produits de manière capitaliste.
La
logique capitaliste repose sur quatre institutions selon l'économiste
Bernard Friot. Ces quatre institutions déterminent le caractère
capitaliste de la production économique alors que les prix
déterminent le caractère mercantile de la production économique.
Le fait d'être soumis à un marché, le fait que les marchandises
soient liées à des prix n'implique pas nécessairement une
production capitaliste.
Les
quatre institutions capitalistes
1.
La propriété lucrative des moyens de production permet aux
actionnaires ou aux créanciers de s'accaparer les fruits du travail
des employés, ils s'attribuent aussi bien les dividendes que la
gestion des investissements - tous produits par le travail des
employés et des hors emploi.
2.
La convention du travail capitaliste mesure la valeur produite par le
travail en se référant à la mesure de la quantité de temps. Ceci
marque profondément le travail concret dans les usines, dans les
bureaux. Il faut aller vite et produire le plus rapidement possible
de la valeur.
3.
La concurrence organise l'activité. Il faut être plus rapides que
les autres, il faut produire davantage de valeur ajoutée par unité
de temps, etc. L'emploi est organisé par un marché du travail. Le
temps humain est alors une marchandise comme une autre. Le but des
employeurs est logiquement d'en diminuer le coût.
4.
Le crédit privé finance l'investissement et la dépense. Ce crédit
est assorti de taux d'intérêt qui, combinés à une échelle
macro-économique, constituent eux aussi une fonction exponentielle
qui concentre mécaniquement la richesse.
Marchandises
à prix et capitalisme
On
peut imaginer
-
des marchandises à prix disponibles sur un marché qui ne soient
pas capitalistes.
Par
exemple: les marchandises d'un petit artisan sans dette; la part du
prix de toutes les marchandises qui correspond à la valeur produite
hors du capitalisme par les retraités, les chômeurs, les malades,
les médecins, les instituteurs ou les fonctionnaires. Cette part du
prix est intégrée via l'impôt pour les salaires des fonctionnaires
ou les cotisations sociales pour les salariés hors emploi.
-
des marchandises à prix disponibles sur le marché qui soient
capitalistes.
C'est
le cas de tout ce qui est produit par des sociétés à actions
privée dans un but lucratif. Les sodas, les meubles ou le ciment en
font généralement partie. Les économistes vulgaires croient et
tentent de nous faire croire que ce type de marchandise est le seul
qui crée de la valeur économique légitime, « réelle ».
-
des biens et des services sans prix qui soient capitalistes.
C'est
le cas des dépenses de l'État, les dépenses d'énergie,
d'infrastructure ou de restauration immobilière, par exemple. Elles
ne coûtent rien directement, elles sont intégrées dans les prix
des autres marchandises par l'impôt mais elles sont produites par
des sociétés privées selon la logique capitaliste.
-
des biens et des services sans prix qui ne soient pas capitalistes.
C'est
le cas aussi bien de l'économie domestique vampirisée par
l'économie lucrative que des services publics gratuits - les écoles,
les hôpitaux, les commissariats, les casernes de pompier, les routes
(sauf si elles sont sous-traitées au privé), etc.
La
mise en cause de l'emploi et des institutions capitalistes comme
rapport d'asservissement exclut la logique capitaliste mais pas
nécessairement le marché, l'échange de marchandises à prix. Les
prix intègrent la notion de consommation intermédiaire et de valeur
ajoutée. Cette valeur ajoutée est créée par les salaires – mais
la gratuité rend la nécessité des salaires moins prégnante.
Proposition
36
La
marchandise agit comme fétiche : elle se cache pour ce
qu'elle est et se montre pour ce qu’elle n’est pas. Elle
détermine les actes des agents économiques.
|
La
gratuité doit être intégrée dans les prix des marchandises à
prix et, à l'extrême, pour reprendre l'exemple d'école que Bernard
Friot m'évoquait, si une seule marchandise à prix se trouve sur le
marché, elle doit intégrer dans son prix toute la valeur ajoutée
utile aux salaires et aux investissements de toute la production
économique gratuite - ce qui la rendrait assurément impayable, sauf
à travailler pour rien mais c'est là une démarche qui risque de
mettre à l'encan les acquis des luttes féministes ou des luttes
antiesclavagistes. L'argent permet de gérer la violence sociale en
se dégageant des structures de violence sociale antérieure, des
structures personnelles, lige, féodales. L'argent est le prix, en
quelque sorte, de cette émancipation des structures traditionnelles.
Ce prix peut lui-même générer, soutenir, construire une violence
sociale intimement liée à celle qu'il peut dépasser.
La
nature de la cristallisation de la violence sociale doit être
réfléchie quand on opte pour la gratuité. On peut imaginer une
société qui s'émancipe des prix et des salaires à condition
qu'elle
ait pensé la violence sociale incarnée par la féodalité puis par
le capitalisme de telle sorte qu'elle constitue un devenir désirable
pour ses membres. Pour le dire en terme simple, si la gratuité
implique la fuite dans une communauté sous le joug d'un gourou, elle
ne constitue pas un devenir souhaitable pour nous qui avons connu la
libération de ce type de liens de soumission grâce à l'argent –
nous éprouverons des difficultés à revenir en arrière, à revenir
à l'époque des prêtres tout-puissants ou des seigneurs plus ou
moins bienveillants parce que nous avons bénéficié de la
neutralisation sociale et de la distanciation de la violence sociale
par l'argent. Pour autant, la piste de la gratuité universelle n'est
pas à exclure dans la mesure où elle intègre le
dépassement des structures traditionnelles de domination, de
violence sociale.
Note
23. La violence sociale chez Engels
Pour
Engels, ce sont les infrastructures
économiques
qui déterminent les superstructures
sociales,
religieuses ou politiques. Pour faire simple, c'est le moulin à vent
qui donne le Moyen-Âge et non la religion, l'organisation sociale ou
les enjeux politiques qui donnent le moulin à vent.
Résumé
de l'extrait.
La
société ante-capitaliste s'organise en gens (mot latin
signifiant la famille, prononcé avec le "g" de gaffe et le
"en" comme "haine" et le "s"), en
groupes de familles élargies, en tribus. Au moment où l'évolution
technique de la production agricole permet la sédentarisation, les
champs, les cultures et l'échange, de ce fait, entre gentes.
La
sédentarisation a rendu la main d’œuvre nécessaire, ce qui a
ouvert la voie de l'esclavage. La maîtrise du fer a amené la
division du travail entre artisans et paysans et, avec elle le
commerce. Le commerce a fait apparaître les riches et les pauvres
et, avec cette stratification sociale, l'apparition de la famille
comme unité économique de la société. La division du travail fait
aussi apparaître les commerçants, intermédiaires parasites entre
les producteurs. Cette organisation du travail rend les anciennes
institutions tribales caduques. Elle lui substitue l'État - et ses
élections bourgeoises - en intermédiaire soi-disant neutre.
Le développement de la production dans toutes les branches - élevage, culture, artisanat, domestique - permit à la force de travail humaine de créer plus de produits que n'en exigeait son entretien. En même temps, il augmentait la somme de travail journalier qui incombait à chaque membre de la gens, de la communauté familiale ou de la communauté isolée.
L'acquisition de nouvelles forces de travail devint utile. La guerre les fournit [Engels lie les formes deux et trois de la violence dès l'origine]: les prisonniers de guerre furent réduits en esclavage. La première grande division sociale du travail accru la productivité du travail, donc de la richesse. Elle étendit le champ de la production [la création de richesse sociales est liée à la violence sociale et physique](...). De la première grande division sociale du travail, jaillit la première division de la société en deux classes: maîtres et esclaves, exploiteurs et exploités.
(...)
La même cause qui assurait autrefois la prédominance de la femme dans la maison, c'est-à-dire son emploi exclusif au travail ménager, cette même cause assurait désormais l'autorité de l'homme: celui-ci était tout, l'autre, un complément insignifiant.
(...)
Le fer permit [ensuite] de cultiver de plus grandes étendues de terre et de défricher d'immenses espaces boisés. Il donna au travail manuel un instrument d'une dureté et d'un tranchant dont pas une pierre, pas un autre métal ne pouvait fournir l'équivalent.
(...)
La richesse se développait rapidement, mais comme propriété individuelle. Le tissage, la métallurgie et les autres travaux manufacturiers, qui se distinguaient de plus en plus les uns des autres, créèrent une différenciation croissante des branches de la production. (...) Une activité si variée ne pouvait plus être exercée par les mêmes individus: la deuxième grande division du travail s'opéra, le travail artisanal se sépara de l'agriculture.
(...)
Avec la division de la production en deux grandes branches: l'agriculture et l'artisanat, naît la production destinée expressément à l'échange, la production de marchandise, ainsi que le commerce, non seulement à l'intérieur de la tribu, ou avec ses voisins, mais déjà par mer.
(...)
À côté de la distinction entre hommes libres et esclaves apparaît la distinction entre riches et pauvres. C'est une nouvelle division de la société en classes que provoque la nouvelle division du travail. L'inégalité entre chefs de famille selon les richesses dont chacun est propriétaire privé fait disparaître l'antique communauté villageoise. (...) La terre labourable fut assignée aux familles privées d'abord temporairement, plus tard de façon définitive. Sa transformation intégrale en propriété privée s'opéra graduellement et parallèlement avec la transformation du mariage syndiasmique en monogamie. La cellule familiale commençait à devenir l'unité économique de base de la société.
(...)
La guerre qui autrefois n'était déclarée que pour se venger des offenses ou pour étendre le territoire devenu trop étroit, fonctionne maintenant comme moyen de pillage. Elle devient une industrie permanente.
(...)
[L]es organes de l'organisation gentilice se détachent progressivement de leur racine - le peuple, la gens, la phratrie, la tribu - toute l'organisation gentilice se transforme en son contraire: d'une organisation de tribus établie en vue de régler librement leurs propres affaires, elle devient une organisation destinée au pillage et à l'oppression des voisins. Parallèlement à cette transformation, les organes de la volonté populaire deviennent des institutions indépendantes dont la raison d'être est la domination exercée sur le peuple et son oppression.
(...)
[La civilisation] s'ouvre par un nouveau progrès de la division du travail. Dans une période barbare inférieure, les hommes ne produisaient qu'en vue de leurs propres besoins. L'échange n'intervenait que rarement et portait sur des produits qui se trouvaient par hasard en surabondance.
(...)
La civilisation consacre et développe toutes les formes antérieures de division du travail. Elle accentue notamment l'opposition entre la ville et la campagne (d'où dérive la possibilité pour la ville de dominer économiquement la campagne, comme dans l'antiquité, ou pour la campagne d'exercer la même prédominance sur la ville, comme au Moyen-Âge). Et elle ajoute une troisième division du travail qui lui est propre, et qui a une importance décisive: elle enfante une classe qui ne s'occupe plus de la production, mais de l'échange des produits, exclusivement: les marchands.
(...)
Voici que, pour la première fois, apparaît une classe qui, sans prendre part d'une façon quelconque à la production, en acquière la direction complète et asservit économiquement les producteurs, qui se fait l'intermédiaire indispensable entre deux producteurs et les exploite tous les deux. (...) Tant que dure la civilisation, elle est appelée à recevoir de nouveaux honneurs et à exercer une domination croissante sur la production - jusqu'au jour où elle produit enfin elle-même quelque chose: les crises commerciales périodiques.
(...)
Les institutions gentilices étaient nées d'une société qui ne connaissait point d'antagonisme internes et elles n'étaient adaptées qu'à une pareille société. Elles ne disposaient d'aucun moyen de contrainte en dehors de l'opinion publique. Maintenant, au contraire, nous sommes en présence d'une société qui, en vertu des conditions générales de la vie économique, dut se diviser en hommes libres et en esclaves, en riches exploiteurs et en pauvres exploités, d'une société qui non seulement est impuissante à résoudre ses antagonismes, mais doit les accentuer de plus en plus. Semblable société avait seulement le choix entre deux solutions: ou bien vivre en état de lutte ouverte, permanente, opposant ses classes entre elles, ou bien se placer sous l'autorité d'une troisième puissance qui, planant en apparence au-dessus des classes en guerre, paralyserait les actes de violence et ne permettrait à la lutte des classes rien de plus que des affrontements soi-disant légaux sur le terrain économique. Les institutions gentilices avaient vécu. Elles avaient succombé sous la pression de la division du travail et de son produit, la division de la société en classes. Elles furent remplacées par l'État.
Engels,
Théorie de la violence, 10/18, 1972, pp. 228-233, nous
mettons en gras.
Proposition
37
La
valeur économique est une forme d'organisation de la violence
sociale.
|
La
valeur d'échange se manifeste par les prix, par une quantité
d'argent allouée à un bien ou à un service produit dans la sphère
du marché – de manière capitaliste ou non. Mais la valeur
exprimée par les prix ne reprend pas la seule valeur d'échange de
la marchandise à prix. Dans le prix sont inclus les impôts – donc
de la valeur ajoutée créée par les salaires des fonctionnaires –
les cotisations sociales – donc de la valeur ajoutée créée par
les salaires sociaux des retraités, des chômeurs ou des invalides.
Comme
les prix permettent la création de valeur ajoutée, les salaires
sont finalement reconnus par les prix – ce qui est susceptible d'en
faire l'intérêt. L'extension de la gratuité impliquerait
l'augmentation des prix des marchandises à prix sauf à supprimer
les salaires.
L'argent
est donc un vecteur de
valeur économique. Différentes valeurs économiques créées par
les salaires s'agrègent de manière spécifique dans les prix. Mais
les prix servent également de vecteurs à la concurrence
– soit indirectement dans le cas
de guerre de monnaie, de dévaluation compétitive, soit comme
expression directe de cette concurrence dans les prix.
Mais
l'argent en soi, le fait qu'il soit ou non gagé sur des biens de
valeur, le fait qu'il y ait création monétaire n'est pas
nécessairement déterminant par rapport à l'inflation. Nous avons
vu que c'est la nature de l'affectation de l'argent qui va déterminer
la nature inflationniste (ou non) de la création monétaire.
L'argent affecté au salaire n'est pas inflationniste, il crée du
PIB puisqu'il est réalisé et l'argent dévolu à l'épargne, à la
thésaurisation, à l'accumulation disparaît des circuits productifs
qui sont alors sujets l'inflation.
Note
24. La concurrence et
l'externalisation
Messieurs,
il n’y a qu’un moyen d’abolir la guerre entre les peuples,
c’est abolir la guerre économique, le désordre de la société
présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie
— qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille —
un régime de concorde sociale et d’unité.
J. Jaurès
Dans la vulgate libérale, la
concurrence permet au meilleur de l'emporter. C'est par elle que
passe 'la main invisible' du marché qui va régir nos activités au
mieux des intérêts communs.
Dans les faits, du point de
vue de l'emploi, nous sommes obligés de constater que les choses ne
se passent pas tout à fait comme cela. Si, dans un premier temps, on
peut avoir une niche, une innovation particulière qui permet à une
entreprise donnée de faire de plantureux bénéfices sans
concurrence, dans un second temps, quand la concurrence joue, les
entreprises vont se livrer une guerre entre elles en baissant les
prix.
Pour baisser les prix et
l'emporter sur la concurrence, il faut diminuer la valeur ajoutée
et, pour ce faire, réduire l'un des postes qui la constitue.
- Soit on diminue les
dividendes. C'est une solution de dernier recours puisque, du point
de vue des propriétaires des entreprises qui décident de la nature
de l'activité et de son organisation, cette solution rend leur
investissement moins lucratif.
- Soit on dégrade la qualité
du produit vendu en utilisant des matières premières de moins bonne
facture, en réduisant les frais de fabrication, ce que, en
comptabilité, on appelle les consommations intermédiaires. Cette
solution a pour inconvénient de faire fuir les consommateurs à long
terme. Elle n'est donc pas tenable dans la durée sauf pour ce qui
est de l'externalisation des coûts: l'entreprise la plus polluante
(celle qui consacre le moins d'argent à prévenir les dégâts
écologiques que son activité pourrait générer) retire un avantage
concurrentiel.
- Soit on comprime les
salaires. C'est toujours cette solution qui a la faveur des
propriétaires. La compression des salaires peut impliquer
- une augmentation de la
production par unité de temps par travailleur,
- une réduction des salaires
bruts,
- une réduction des salaires
sociaux,
- le recours à l'emploi au
noir (ce qui réduit les salaires sociaux et individuels),
l'augmentation de la durée de travail par salarié sans compensation
salariale (heures supplémentaires gratuites obligatoires, non
indemnisation des trajets, des déchargements, etc.)
- une pression accrue sur la
production horaire, ce qui implique un management par la haine, une
dévalorisation des prestations de l'employé, une pression à faire
vite, des injonctions paradoxales (faire vite mais faire bien, ce que
l'employé doit traduire par faire vite et cacher les malfaçons)
- le recours à une main
d’œuvre flexible, aux contrats précaires. Surexploitation d'un
personnel en 'turn-over' permanent: les travailleurs s'épuisent
rapidement à la tâche et sont remplacés constamment par des
chômeurs en besoin de salaire. La sécurité sociale doit couvrir
les soins et l'incapacité des malades produits par ces pratiques
managériales
Comme,
du fait de la concurrence, toutes les entreprises ont les mêmes
pratiques, l'avantage concurrentiel final est nul puisqu'elles sont
finalement contraintes de réduire le prix de vente de leurs
productions plutôt que d'augmenter leurs marges. Par contre,
l'entreprise à la pointe de ces pratiques, celles qui les mettra en
œuvre le plus rapidement et le plus complètement en retirera un
avantage concurrentiel relatif. En termes économique, c'est le taux
d'exploitation (Plus-value/V, avec V=les salaires) qui augmente avec
ces pratiques mais, comme elles affectent tous les producteurs, c'est
la réalisation du capital produit qui va diminuer avec la part
salariale dans la valeur ajoutée (la composition organique du
capital C/V, le capital fixe, les machines, sur le capital vivant,
les salaires). Avec la diminution de ρ,
la réalisation du capital antérieur, du PIB, c'est la quantité
totale de PIB qui diminue de pair avec la part qui en est consacrée
aux salaires
(nous avons démontré que le PIB était produit par les salaires).
La concurrence ne récompense
donc pas les entreprises les plus efficaces mais celles qui
maltraitent le plus leurs employés et celles qui parviennent à
externaliser leurs coûts - notamment écologiques et sociaux - sur
le contribuable ou sur la sécurité sociale.
Les entreprises en concurrence
vendent les biens et les services produits par les producteurs, par
les travailleurs à un certain prix.
Le prix se compose de la valeur ajoutée et des frais. Comme toutes les entreprises sont en concurrence, elles ont toutes intérêt à vendre leurs biens et leurs services au prix le plus bas pour l'emporter sur la concurrence. Par ailleurs, les propriétaires des entreprises ont intérêt à maximiser leurs marges et leurs dividendes. Pour ce faire, à prix constant, ils peuvent bien sûr réduire les salaires en augmentant leurs dividendes, ce qui laissent le prix et la valeur ajoutée inchangés mais ils peuvent aussi augmenter la valeur ajoutée et diminuer les frais.
L'externalisation
est la diminution des frais de production. Elle
permet d'augmenter la valeur ajoutée pour le même prix (et donc les
dividendes) ou de baisser les prix (et donc de vitrifier la
concurrence).
Concrètement, l'externalisation peut avoir bien des formes:
- les coûts écologiques sont déplacés sur la collectivité, sur l'impôt acquitté par les classes moyennes. L'entreprise qui pollue ne dépollue pas, l'entreprise qui pille les ressources naturelles ne les reconstitue pas, etc.
Concrètement, l'externalisation peut avoir bien des formes:
- les coûts écologiques sont déplacés sur la collectivité, sur l'impôt acquitté par les classes moyennes. L'entreprise qui pollue ne dépollue pas, l'entreprise qui pille les ressources naturelles ne les reconstitue pas, etc.
-
les coûts
d'infrastructure sont
assumés par la collectivité - c'est la principale
ambition du projet
économique de l'Europe pour le moment et le principal projet
économique de la Belgique ou de la France. L'impôt des classes
moyennes finance les autoroutes, les ports et les aéroports qui
permettent aux entreprises de délocaliser sans surcoût et de
pratiquer les flux tendus. La pollution produite par toute cette
politique de transport délirant provoque des dégâts économiques
et sanitaires également financés
par les contribuables.
- les coûts sanitaires des managements modernes sont assumés par la sécurité sociale. C'est l'entreprise qui encaisse les gains de productivité, c'est la sécurité sociale ou la charité publique qui assument les frais liés au surmenage que génère la surproductivité des employés, ce sont elles qui paient les turn-over, les burn-out, les complications, les frais de santé, l'invalidité provisoire ou permanente des producteurs suite à ces mauvais traitements
- les coûts de formation, d'éducation sont assumés par la collectivité. Tant qu'il s'agit de formation ou d'éducation généraliste, tout va bien. À partir du moment où ce sont les exigences de productivité de l'entreprise qui déterminent les contenus et les méthodes d'enseignement, l'entreprise charge la collectivité du financement de la formation de ses cadres, elle se défausse de cette responsabilité et de ces frais.
Bien sûr, du fait de la concurrence, l'externalisation permet de survivre si elle est généralisée dans le secteur, elle permet de dégager des bénéfices plantureux pour l'entreprise si la concurrence n'y a pas recours. Elle récompense l'irresponsabilité des propriétaires et le caractère sociopathique de l'entreprise lucrative comme acteur économique.
- les coûts sanitaires des managements modernes sont assumés par la sécurité sociale. C'est l'entreprise qui encaisse les gains de productivité, c'est la sécurité sociale ou la charité publique qui assument les frais liés au surmenage que génère la surproductivité des employés, ce sont elles qui paient les turn-over, les burn-out, les complications, les frais de santé, l'invalidité provisoire ou permanente des producteurs suite à ces mauvais traitements
- les coûts de formation, d'éducation sont assumés par la collectivité. Tant qu'il s'agit de formation ou d'éducation généraliste, tout va bien. À partir du moment où ce sont les exigences de productivité de l'entreprise qui déterminent les contenus et les méthodes d'enseignement, l'entreprise charge la collectivité du financement de la formation de ses cadres, elle se défausse de cette responsabilité et de ces frais.
Bien sûr, du fait de la concurrence, l'externalisation permet de survivre si elle est généralisée dans le secteur, elle permet de dégager des bénéfices plantureux pour l'entreprise si la concurrence n'y a pas recours. Elle récompense l'irresponsabilité des propriétaires et le caractère sociopathique de l'entreprise lucrative comme acteur économique.
C'est pourtant la concurrence
et son corollaire, l'externalisation, qui sont gravées dans le
marbre des institutions européennes, c'est cette concurrence et
l'externalisation que veut favoriser une série de futurs traités
internationaux négociés dans le plus grand secret.
Vu qu'il s'agit de favoriser
la maltraitance des salariés (employés, ouvriers, chômeurs,
retraités, etc.) qui constituent la grande majorité du corps social
de ces pays, vu qu'il s'agit de supprimer toute entrave au pillage
des ressources dont nous avons tous besoin au profit d'une activité
lucrative pour une infime minorité, on peut comprendre cette
discrétion.
Proposition
38
La
concurrence entre les travailleurs contraint à la guerre aux
salaires, à la dégradation des conditions de travail et à
l'augmentation du taux d'exploitation. Elle est antilibérale
puisque ce type de concurrence n’organise pas l’efficacité
mais le moins-disant social.
|
Argent et décroissance
On
peut voir l'argent lui-même comme un vecteur d'informations entre
différentes unités économiques – qu'il s'agisse des acteurs
économiques ou des objets, des biens et des services, économiques.
C'est une information particulière, unidimensionnelle et
quantitative. Unidimensionnelle car l'information contenue dans
l'argent exprimé par le prix se focalise sur la seule valeur
économique, sur la valeur produite par les salaires, par le marché,
souvent géré par le processus de production capitaliste.
La
valeur économique exprimée par les prix n'est pas une mauvaise
chose en soi. En tant que signe des salaires, elle peut être une
bonne chose puisqu'elle signifie que des salariés (éventuellement
hors emploi, comme les retraités, les chômeurs, les vacanciers ou
les parents) peuvent vivre, payer leurs factures et entreprendre des
projets personnels ou familiaux à prix. En ce sens, la perspective
de la décroissance est inaudible pour la plupart des gens. Comment
croire que, alors que le quotidien est déjà souvent empoisonné par
les frustrations, par la renonciation à des projets légitimes, que
la perte de revenus pourrait constituer une perspective politique
intéressante ou désirable ? Comment croire à la décroissance
alros que la nécessité et la pauvreté poussent déjà à accepter
les boulots les plus anti-écologiques ? Le discours
anti-salarial est inacceptable pour les pauvres, les travailleurs
précaires, les endettés et pour tous les partisans du rêve
américains, pour tous ceux qui pensent que, par le travail, on peut
s'élever dans la société. Par ailleurs, la décroissance confond
les problèmes écologiques – de l'ordre du travail concret, de
la production concrète de biens et de services –
avec
les problèmes économiques – de l'ordre du travail
abstrait,
du salaire et de la valeur ajoutée.
Notre
modeste réponse à ce problème à la suite de Bernard Friot, c'est
de démocratiser le processus de création de valeur ajoutée en
sapant les bases des institutions capitalistes de création de valeur
et non de diminuer la création de valeur ajoutée elle-même. Il
s'agit de faire de la nécessité (la valeur ajoutée) vertu (une
gestion démocratique, salariale de la chose).
Faire
diminuer le PIB ne fait pas nécessairement diminuer les nuisances de
la production de l'économie réelle : il faut changer les
moteurs, le mode d'organisation de l'économique pour en diminuer la
nuisance – la réduction du PIB n'est en rien un gage de diminution
des nuisances écologiques.
Proposition
39
La
diminution du PIB ne fait pas nécessairement diminuer l'empreinte
écologique.
Proposition
40
L'empreinte
écologique est corrélée au mode de production économique.
|
Note
25. L'écologie
Chaque
progrès de l'agriculture capitaliste est un progrès non seulement
dans l'art d'exploiter le travailleur, mais encore dans l'art de
dépouiller le sol; chaque progrès dans l'art d'accroître sa
fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources
durables de fertilité. Plus un pays, les États-Unis du Nord de
l'Amérique, par exemple, se développe sur la base de la grande
industrie, plus ce procès de destruction s'accomplit rapidement. La
production capitaliste ne développe donc la technique et la
combinaison du procès de production sociale qu'en épuisant en même
temps les deux sources d'où jaillissent toute richesse: la terre et
le travailleur.
K.
Marx
L'écologie
peut être prise dans l'hypothèse Gaïa qui voit l'être humain
comme un ôte ingrat de son vaisseau-terre, elle peut être à
l'inverse une préoccupation envers les conditions de vie humaine
liées à la dégradation de l'environnement.
Dans
un cas comme dans l'autre, c'est la production économique qui est au
centre de l'enjeu. C'est elle qui organise le pillage des ressources
naturelles (y compris humaines d'ailleurs) et l'externalisation des
coûts sur l'environnement, sur la société, sur la communauté.
En
économie, face à un dysfonctionnement, on peut avoir deux
approches. Soit on regarde les consommateurs, la demande. Dans cette
optique, on va encadrer l'activité économique par des lois et
pousser les consommateurs à agir de telle ou telle façon. À ce
moment-là, pour pousser la logique jusqu'au bout, le salaire
soutient la demande et ... dégrade la planète. En poussant jusqu'à
l'absurde, il faudrait tous mourir de faim pour pouvoir soutenir la
terre!
C'est
la logique des labels, de Greenpeace ou du Grenelle de
l'environnement. Culpabiliser le consommateur, comprimer le salaire
(via les écotaxes, par exemple) et ne pas réguler les entreprises.
Si
l'on s'oppose à la convention capitaliste du travail, à l'emploi,
il faut prendre le problème par l'autre bout. C'est l'offre qui doit
changer - et quand nous parlons de politique de l'offre, ce dont nous
parlons n'a évidement rien à voir avec la soumission servile d'un
Hollande au productivisme bon marché des patrons-propriétaires
qu'on appelle généralement la "politique de l'offre".
On
peut imaginer moraliser les acteurs économiques, infléchir leurs
politiques par la taxe mais on ne s'attaque pas au cœur du problème.
La logique du profit des propriétaires lucratifs explique la logique
de l'emploi, la vente de la force de travail par des gens contraints
(l'aiguillon de la nécessité). Les producteurs sont contraints
d'obéir à la logique du profit (dont ils ... ne tirent pas profit),
par la logique de l'emploi. Or c'est cette logique même qui condamne
l'écologie aux intentions pieuses, aux gesticulations velléitaires.
Dans les mains des propriétaires, l'écologie est une publicité, un
argument de vente, guère plus puisque le but de la société de
l'emploi, c'est de faire du profit. Au détriment du reste.
On
n'attaquera valablement la question de l'écologie que si l'économie
devient démocratique, ce qui implique aussi bien la fin de l'emploi,
des institutions capitalistes que nous avons définies, que la fin
des droits des propriétaires lucratifs des entreprises.
Sans
cette démocratisation, l'écologie demeurera une gesticulation
culpabilisante contre-productive. Comment adhérer à la compression
des salaires (c'est une décroissance!) à l'heure où tant de
familles, de gens seuls galèrent (hors et dans l'emploi)? comment
cette idéologie peut connaître le moindre écho si elle recommande
tacitement de réduire les salaires, individuels ou sociaux, des plus
pauvres?
Nous
devons réconcilier l'écologie et le salaire et de prendre acte que
l'écologie - quelle qu'elle soit - est incompatible avec l'emploi et
qu'elle demande nécessairement une démocratisation de l'économie.
La
démocratisation de l'économie, c'est le rétablissement de la
propriété d'usage des travailleurs (contre la propriété lucrative
des actionnaires). Concrètement, il s'agit pour eux de décider ce
qui sera produit, comment, dans quelles conditions, comment sera
gérée la production, etc.
Dans
des conditions de démocratie économique, on imaginerait mal des
propriétaires d'usage (sans intéressement à la propriété, à
l'activité économique de l'outil de production) décider librement,
sans pression financière, d'abîmer leur santé, d'empoisonner leur
lieu de vie ou d'externaliser les coûts de la production sur les
travailleurs!
Argent et énergie
En
tout état de cause, l'argent fonctionne comme un type d'information
un peu particulier. À l'instar de l'énergie, il fonctionne comme
une flux de propriétés qui circule entre des unités. Le mouvement
de l'argent détermine l'évolution des prix : l'ensemble des
salaires qui fonde les prix rend la vente de la marchandise
réalisable ou non par rapport à la demande, demande qui agrège
également les salaires. Le prix est une propriété discrète des
marchandises c'est-à-dire une propriété latente susceptible
d'exister, d'être incarnée par un prix … ou non. Ce prix est donc
affecté par les mouvements de l'information elle-même (salaires,
rente et prix).
Le
mouvement des prix détermine leur évolution. C'est dire que le prix
comme vecteur d'information, comme grandeur mathématique associée
affecte son contenant par son mouvement-même. C'est une grandeur
auto-référentielle. C'est pour tenter de sauver l'économie du
solipsisme1
que l'école monétariste entend arrimer la valeur de l'argent à une
valeur indiscutable. Cette démarche pour intellectuellement
compréhensible qu'elle soit – il s'agit de s'affranchir de
l'absurde, du caractère auto-référentiel de ce qui fait tourner
l'économie – échoue dans son projet. Ni l'or, ni l'argent métal,
ni le pétrole, ni un panier de monnaies internationales n'ont la
moindre objectivité économique, n'ont en soi
la
moindre valeur économique intrinsèque. Nous l'avons vu, la seule
chose qui fonde la valeur économique en soi,
ce sont les salaires sous toutes leurs formes.
L'argent équivalent au prix fonctionne donc de manière
auto-référentielle : l'économie est la valeur créée par les
salaires et les salaires sont réalisés dans la vente de production
de valeur économique – et la rente parasite ce processus. Si l'on
admet que l'information est une forme d'énergie, nous devons nous
poser la question du caractère thermodynamique de la circulation
auto-référentielle de l'argent par les prix et les salaires.
Un système fermé en thermodynamique nivelle son énergie locale
dans un tout indistinct. C'est l'image de l'aquarium dans lequel on
verse de l'encre. L'encre se répand dans l'eau et s'y mélange
jusqu'à former une eau légèrement colorée en passant par une très
belle phase de volutes nuageuses. Une fois l'eau colorée, il est
(statistiquement) impossible que les colorants se séparent de l'eau
à laquelle ils sont mélangés. De même, si vous plongez un glaçon
dans votre jus, le glaçon fond et le niveau moyen d'énergie entre
le glaçon froid et le jus tiède prendra une moyenne fraîche sans
que l'eau glacée et le jus tiède ne puissent se séparer. C'est le
principe de l'augmentation de la stabilité énergétique, de
l'indifférenciation des éléments constitutifs, c'est le principe
d'entropie.
Si l'argent fonctionne en système fermé, en tant que vecteur
d'information-énergie, il doit être soumis à l'augmentation de
l'entropie. Les échanges de prix-argent donnent de la valeur à
toute chose et toute chose se voit attribuer un prix indistinct.
Toute chose tend vers la même valeur et tout agent économique tend
à recevoir le même salaire quelle que soit son activité.
Cette
hypothèse d'école ne correspond pas à la réalité des prix et des
salaires, ce qui prouve que le système d'informations-prix ne
constitue pas un système fermé mais qu'il s'agit, au contraire,
d'un système ouvert. Un système ouvert est soumis à des apports
d'énergie (ou à des pertes d'énergie) avec l'extérieur, avec ce
qui est considéré comme extérieur à ce système ouvert. Ce sont
les apports (ou les pertes) d'énergie extérieure qui permettent le
maintien de la différentiation énergétique interne au système.
Ces apports d'énergie externes sont susceptibles de modifier l'état
d'équilibre du système par paliers brutaux, il s'agit de la
néguentropie.
Dans
le cas de l'information-prix, le travail
concret nourrit
le système de l'extérieur. Le travail concret peut aussi bien être
le fait de travailleurs en emploi que de travailleurs hors emploi
mais, en considérant le système salaire-travail en
emploi-information-prix comme un tout ouvert, il nous faut admettre
que c'est ce système, ce système de l'économie productive de
valeur économique qui est ouvert à ce qui lui est extérieur, à ce
qui n'est pas valorisé par la valeur économique. Ce système
d'information économie-prix dépend d'apports d'énergie,
d'information extérieur pour que les prix-informations ne sombrent
pas dans l'indistinct. Cet apport extérieur vital pour l'économie
est mis dans un rapport asymétrique avec l'extérieur. L'extérieur
amène l'énergie au système qui permet au système d'éviter la
bouillie de l'indistinction alors que le système n'amène pas
d'énergie à l'extérieur ou que, à tout le moins, l'équilibre
entre l'apport d'énergie extérieure au système économique et
l'apport d'énergie du système à l'extérieur se fasse au profit
(énergétique et informationnel, c'est-à-dire, en l'occurrence,
économique) du système économique.
Le caractère non indistinct des prix atteste la dépendance de la
valeur économique créée par les salaires aux éléments qui lui
sont extérieurs. Il prouve la néguentropie du fonctionnement de
l'argent-information-énergie. Les stases sont des états
métastables. Les éléments extérieurs qui amènent de l'énergie
au système ouvert sont de plusieurs ordres, il s'agit
-
du
travail concret,
comme nous l'avons dit. Il peut être presté dans l'emploi –
l'emploi dévore alors la force de vie, de travail du travailleur
pour maintenir l'équilibre du système de prix – ou hors emploi –
la valeur économique phagocyte alors la valeur réelle créée en
dehors d'elle par le travail concret, telle le travail domestique,
les aidants agricoles non valorisés, l'esclavagisme, pour maintenir
la possibilité de la hiérarchie, de la distinction des prix2.
C'est de première importance si l'on considère les conséquences
philosophique de la chose : ce ne sont pas les femmes au foyer,
les enfants, les malades, les retraités ou les chômeurs qui coûtent
à
l'économie, c'est leur travail concret qui permet
à
l'économie productive de valeur de subsister. Les salaires créent
la valeur ajoutée mais la valeur ajoutée est gagée sur le travail
concret extérieur au salaire : ce n'est pas l'employé qui
permet à son épouse effacée de survivre, c'est la prestation de
services de l'épouse effacée qui permet à l'employé de toucher
son salaire. Sans cette épouse, si aucun des employés n'avait
d'épouse, le processus de création de valeur économique serait
impossible. L'épouse en question
est
affectée au sens propre, comme forme de vie visible, comme point de
vue, comme élément structurant la narration du monde.
-
des
ressources naturelles.
Au premier rang des ressources naturelles, il y a le temps, la force
humaines. Ces ressources sont consommées
par
le système économique, elles sont assimilées pour maintenir ce sur
quoi sont gagés les prix et les salaires. Mais il y a aussi les
ressources minières, pétrolières qu'épuise le système économique
sans que le système économique ne lui donne rien en retour. Cette
dépendance de l'économique à l'extérieur est intrinsèque au
système-économie mais elle peut être concentrée sur des sources
d'énergie (au sens de notre métaphore entropique) renouvelables
telles la production agricole en permaculture ou la production
écologique, la production d'énergie éolienne, géothermique ou
solaire. Le système-économie prendra toujours des ressources
naturelles, il dépendra toujours d'un apport énergétique extérieur
– que ce soit la force humaine, la force animale, les moulins à
vent ou les centrales nucléaires ne change rien à nos propos.
Proposition
41
L'économie
comme mode d'organisation de la production humaine par le
truchement du travail abstrait fonctionne comme un système
thermodynamique ouvert. Elle tire son énergie de l'extérieur, du
travail humain concret et des ressources naturelles.
|
Forts
de ces quelques considérations, nous pouvons réfléchir à
l'économie réelle, à l'organisation du travail humain et à la
gestion des ressources humaines de manière sereine. Une économie de
la production de valeur qui serait efficace devrait respecter ses
sources extérieures d'énergie faute de devoir s'en passer à terme
et de disparaître dans l'indistinct. Ces sources incluent la terre,
les minéraux, le temps, le psychisme, le désir
et
la force humaines. C'est précisément ce que la pensée de
l'économie du travail réel doit mettre au centre de ses
préoccupations.
Le système-économie ouvert s'inscrit également dans d'autres
enjeux. Comme nous l'avons dit, un système ouvert, face à un apport
d'énergie de l'extérieur, est susceptible à un moment donné de
changer brutalement de nature, de niveau d'énergie. Il s'agit alors
d'un système métastable confronté à la loi de la néguentropie.
Prenons
de l'eau pure. La température descend en dessous de zéro et, à un
moment donné la glace prend, l'eau gèle. L'état de l'eau alors que
la température est négative et que le gel n'a pas encore trouvé la
petite impureté pour la cristalliser est dit métastable. À ce
moment-là, l'eau est susceptible de devenir glace du fait de
l'énergie extérieure mais le gel n'a pas encore trouvé d'impureté
comme catalyseur. La métastabilité de l'économie comme système
d'information, de circulation d'argent, peut s'appréhender à l'aune
de ses crises et de ses mutations technologiques, sociales ou
industrielles. Ce système est en état d'équilibre précaire
permanent, la révolution permanente de l'économie induit une
angoisse face à son caractère imprédictible. Les travailleurs
doivent sans arrêt adapter leur qualification, leur travail concret
aux spasmes de l'économie de la valeur ajoutée, ces spasmes sont
liés aux pratiques concurrentielles et les pratiques
concurrentielles sont modifiées de manière brutale parce que
l'accaparement des ressources humaines et naturelles permet
au
système-économie d'accumuler une énergie qui le fait passer à un
autre stade de production et d'accumulation. Le travail réel est
vampirisé par la logique économique et, ce faisant, la logique
économique évolue en état métastable, en révolution permanente.
Les effets anxiogènes des nouveaux types de management, de la
modification de l'environnement productif et de l'encadrement, de la
modification permanente du travail concret se montrent souvent
contre-productifs. Qu'importe, l'énergie extérieure accumulée
impose le changement de modèle de production, elle modifie également
la consommation selon le rythme effréné de l'obsolescence et de la
mode. Le bien et le service sont transitoires parce que l'énergie
nécessaire à la production du bien et du service suivants y
sont
déjà accumulés.
La
fonction parasite de l'économie de valeur ajoutée sur le travail
réel en sape les fondements et, ce faisant, saborde ses propres
bases. Ce phénomène de production économique est parasité par la
production de rente et le phénomène comme un tout parasite lui-même
le travail réel, le travail hors emploi, et les ressources
naturelles en le détruisant. La destruction périodique de capital
accumulé dans les crises de surproduction, la destruction de ce que
nous avons appelé le ε.
Ce capital accumulé est pris (est prix) sur le travail vivant et
doit être détruit. Dans ces spasmes économiques, le fondement de
l'accumulation, le travail réel, est lui-même entravé et saboté
par son parasite.
La brutalité des phénomènes
de destruction de l'accumulation du capital met en cause l'économie
en tendance longue – nous l'avons vu. À toutes autres choses
égales, l'enjeu est de diminuer le parasitisme de l'économie du
travail concret envers l'économie du travail abstrait. Pour éviter
le parasitage du travail concret par le travail abstrait, il faut
protéger le travail abstrait de ce vampirisme. Pour ce faire, il
convient de
-
autonomiser le travail concret en l'extrayant de l'aiguillon de la
nécessité, il faut que le
salaire soit lié au statut du travailleur et non au poste ou à la
force de travail
-
supprimer le ε, la notion d'accumulation par la rente – et la
notion de propriété lucrative – parce qu'elle pompe l'énergie
extérieure au système économique, parce qu'elle pompe l'énergie
du travail concret.
Proposition
42
L'énergie
extérieure accumulée dans le système-économie aboutit à des
changements d'état d'équilibre brutaux, des destructions
brutales de valeur économique lors de crises ou de guerres.
|
Le fétichisme de l'argent
Nous
en avons parlé, Marx parle du fétichisme de la marchandise. La
marchandise agit comme un dieu caché pour les capitalistes, elle
devient le chiffre de tout acte, le moteur de toute chose. Son
évidence, sa vérité demeurent évidente à travers tout, il est
impossible de les mettre en cause. Si l'attachement à la marchandise
est de l'ordre de la foi religieuse, absolu et impossible à mettre
en doute, l'effet actuel du fétichisme marchand se fait sentir dans
toutes les strates de la vie humaine en général et de l'économie
en particulier.
De
même, nous parlerons de fétichisme de l'argent quand il s’agit de
lui attribuer une puissance, une évidence et une légitimité
d'ordre religieux mais aussi quand les gens construisent leurs actes
en fonction de ce dieu monomaniaque. La croyance dans l'argent est
l'une des évidences sociales les plus troublantes : on attribue
à cette propriété liée à la marchandise une valeur absolue.
Quand un créancier avance de l'argent, le débiteur trouve normal de
lui rembourser – même si cet argent vient de la plus-value
extraite de force, par l'aiguillon de la nécessité – de son
propre travail. La foi dans l'argent, c'est admettre sans discuter
qu'un propriétaire accapare une partie significative de la valeur du
travail concret (et qu'il parasite le travail abstrait, nous l'avons
vu) à une personne, qu'ensuite le propriétaire devienne créancier
et prête de l'argent à celui à qui il l'a pris et que, pour prix
de ses services, le créancier-rentier soit rémunéré pour son
exploit. Au fond, le créancier prête l'argent qu'il a volé au
débiteur et, pour se faire, il corsète, contrôle et contraint
l'activité de ce débiteur.
Le
fétichisme de l'argent, c'est, toujours dans le domaine de la dette,
admettre et trouver normal qu'un pays sacrifie sa prospérité, qu'il
laisse mourir ses enfants de scorbut3,
qu'il détruise son tissu industriel, qu'il laisse mourir de faim ses
retraités, qu'il abandonne ses enfants et ses malades pour
rembourser ses dettes. L'argent des créanciers est pourtant toujours
issu de l'accumulation. Cette accumulation est toujours le
fait de la rente – puisque les salaires n'accumulent pas,
globalement – et la rente est toujours
une
catastrophe pour l'économie productive. À ce titre, on peut juger
que les appels à trier les dettes
illégitimes
(et
les dettes légitimes) participent de cette religion : dénoncer
une partie de la dette comme illégitime, c'est laisser croire qu'une
partie de la dette puisse être légitime alors que la dette obéit
toujours à
ces deux
principes :
elle est issue de la rente et elle est mortelle pour l'appareil
économique productif – et ce même si les créanciers sont des
saints, des grands hommes, des philanthropes, des évergètes ou des
amateurs de gros rouge.
Pour autant, le fétichisme de l'argent ne se limite pas à la
religion de la dette-créance qu'il faut « évidemment »
payer, il touche aussi
-
le
salaire au mérite
ou
la force de travail
Selon
la vision du salaire au mérite, c'est la quantité de force, la
quantité de choses produites par le travailleur qui doit déterminer
sa rémunération. Il s'agit de lier la production de choses réelles,
le travail concret à la production de valeur économique, au
salaire. S'il pleut, si la valeur économique du produit baisse,
c'est le salaire du travailleur qui est amputé. Tous les risques
sont à charge du saisonnier, du journalier et l'investisseur
découple sa rente de tout risque. La vision de la rémunération au
mérite va de pair avec une mystique de la rémunération comme
révélation d'un état de grâce, comme mise en acte d'un salut
antérieur, cette mise en acte du salut doit être quantitativement
strictement proportionnée aux actes prestés, au travail concret.
Cette façon de voir se heurte à cinq
contradictions
internes :
- l'investisseur ne travaille
pas et est tout de même (grassement) payé sans mérite au travail
aucun
- la concurrence pousse les
salaires à la baisse sans que le mérite des prestataires de travail
concret soit à mettre en cause (au contraire puisque le mérite
collectif pousse la rémunération individuelle à la baisse en
saturant l’offre de travail)
- les vieux, les malades, les
enfants ou les femmes enceintes en tant qu'improductifs ne méritent
pas de salaires (et on doit donc les laisser mourir dans une économie
fondée sur la rémunération à la force de travail) – si on
laisse mourir les vieux, les malades, les enfants et les femmes
enceintes, on est dans la fin de la culture, dans la fin de la
civilisation et de l'humanité
-
l'économie vénale parasite l'économie gratuite comme nous l'avons
vu plus haut. Les actes, le travail concret gratuit ne sont pas
rémunérés alors qu'ils sont susceptibles d'être pénibles,
répétitifs, rébarbatifs, etc. Inversement, le travail rémunéré
peut être intéressant, gai, agréable.
- le travail concret dans
l'économie vénale ne peut plus être donné. Les seules prestations
concrètes dans l'économie vénale sont celles qui sont rémunérées.
C'est ce qu'on appelle une grève du zèle et, quel que soit le
secteur concerné, le type de travail concret qu'implique le
processus productif, cette grève du zèle sabote la production de
manière très efficace.
Proposition
43
Le
fétichisme de l'argent est la naturalisation ou la divinisation
de l'argent.
Proposition
44
Le
fétichisme de l'argent trouve « naturel » de payer
les dettes ou de vendre sa force de travail.
|
Note
26. Le producérisme
Que
les puristes m'excusent ce néologisme à la hussarde. Puissent ils
admettre que ce sont parfois les réalités évoquées qui font
siffler les oreilles plus que les mots.
Définition
Extrait
d'un article de Jérôme Janin extrait de Politique4.
Chip
Berlet et Matthew Lyons définissent le « producérisme » [1] comme
« une des structures les plus élémentaires du récit populiste ».
Le producérisme évoque l’existence « d’une classe moyenne
noble et laborieuse constamment en conflit avec des parasites
malveillants, paresseux et coupables au sommet et au pied de l’ordre
social. Les personnages et les détails ont changé de façon
répétée, ajoutent Berlet et Lyons, mais les grandes
caractéristiques de cette conception des choses sont restées les
mêmes pendant près de deux cents ans »
Conséquences
Cette
façon de voir les choses des classes moyennes envahit l'intégralité
des médias dominants de manière hégémonique.
-
1.
Le mérite est lié au seul travail dans l'emploi.
Dans
cette optique, c'est la richesse créée dans l'emploi qui génère
seule la richesse sociale, le travail hors emploi ne génère pas de
richesse. Le salaire sanctionne un mérite, une tâche, un effort.
L'argent se gagne durement, par un labeur continu et soumis.
Les
parents ne produisent donc pas de valeur économique, les retraités
ne produisent pas de valeur économique et les fonctionnaires -
enseignants, médecins, pompiers, infirmières ou policiers - ne
produisent pas de valeur économique dans cette curieuse logique.
Pourtant, le fait de maîtriser la pensée ou le langage, par
exemple, est acquis par du travail gratuit, il conditionne la
productivité de tous les producteurs.
-
2.
Le travail de l'emploi est lié à une pénibilité, pas à une
soumission à un quelconque ordre
Cette
façon de voir fait l'impasse sur les rémunérations des
contre-maîtres, des esclaves domestiques par rapport aux esclaves
des champs. La rémunération est souvent inversement proportionnelle
à la prestation quantitative de travail sous emploi. Le pillage des
ressources communes est extrêmement bien rémunéré or il ne
produit aucune valeur économique, il en distrait, en accapare.
Le
travail en emploi ne produit pas de bien ou de service, il n'est pas
voué à être utile, à produire de la valeur d'usage. Il produit
seulement - et c'est à ce titre qu'il est rémunéré et
rémunérateur de la valeur d'échange - c'est-à-dire éventuellement
les pires choses qui soient, ou les meilleures, sans considération
pour la nature de la production mais à la seule fin de produire de
la valeur ajoutée.
-
3. Le
travail n'a pas de dimension sociale
Dans
la vision producériste, c'est l'individu qui 'gagne' son pain, qui
extrait, produit, fabrique la richesse, le travail n'est pas le fruit
d'interactions sociales. Cette façon de voir le travail est
parfaitement en phase avec les formes les plus individualistes, les
plus pernicieuses, les plus malsaines du management.
Aucune
forme de production ne peut en fait faire l'impasse sur les
productions antérieures, sur les traditions, l'héritage matériel
et immatériel ; toute production s'inscrit dans une chaîne
d'actions (éventuellement individuelles) - les mineurs extraient les
matières premières (et leur famille leur prépare les repas, tient
leur ménage, etc.), les ouvriers d'usine transforment le produit (et
leur famille), les commerciaux
rendent
le produit consommable (et leur famille), les designers
conçoivent
les produits (et leur famille), les vendeurs les vendent (et leur
famille), les paveurs ont fait la route pour amener les clients au
magasin (et leur famille), les ouvriers de la construction ont
construit le magasin (et leur famille), les ouvriers du pétrole ont
foré les puits et transporté le liquide qui a alimenté les
automobiles des clients, les camions des fournisseurs ou les machines
à tous les niveaux de la chaîne (et leur famille), les ouvriers
automobile ont fabriqué les voitures des clients (et leur famille).
La
valeur ajoutée elle-même est une convention sociale, elle repose in
fine sur le temps de travail cristallisé dans le produit par le
jeu de la production et de la concurrence. C'est la société qui
crée cette valeur que l'individu accapare au titre de salaire ou de
rémunération en fonction des rapports de force sociaux. Le salaire
reconnaît une position acquise par le truchement de la violence
sociale qui stratifie le champ social. Le désir du consommateur,
l'attrait de la marchandise sont des productions sociales. C'est le
désir comme machine sociale qui attribue la valeur aux choses.
Sans
besoins sociaux, l'économique n'existerait tout simplement pas: on
ne produit pas pour des morts.
-
4. ceux
qui ne 'méritent' pas leur croûte doivent en être privés
Les
visions de barbarie hantent cette vision du monde. Euthanasier les
vieux, massacrer les pauvres d'une ethnie quelconque, abolir
l'enfance sans emploi, interdire les malades ... Pour aller plus
loin, les inadaptés sociaux, trop sensibles, trop ou trop peu
intelligents, les dépressifs, les malades physiques ou mentaux, les
autistes, les blessés sont condamnés à 'être à charge' en tant
qu'improductifs (au sens de l'emploi). Pousser la logique de la
classe moyenne qui se 'charge' des improductifs jusqu'au bout, c'est
limiter l'humanité à son utilité économique capitaliste,
c'est-à-dire à dénier toute humanité aux faibles, aux malades,
aux poètes, aux rêveurs, aux sensibles, aux idéalistes, aux
paresseux, etc. Dans cette vision du monde, Galilée, Villon,
Rabelais, Shakespeare, Cervantes, Van Gogh, Mozart, des artistes,
Marie Curie, le facteur Cheval ou Jonas Salk, des fonctionnaires,
sont des parasites. L'idéologie tend à appuyer par la négative la
thèse de Luxemburg, 'socialisme ou barbarie' tant les idées
construites de cette façon, autour du mérite, du travail
individuel, de l'emploi laissent augurer d'une société en tout
point opposée au socialisme et à l'humanité.
Derrière
la modernité du producérisme se cache la mentalité de la dame
patronnesse qui distingue les « bons pauvres », les
méritants, ceux qui ne font pas de vague et se plaignent comme il
faut, des « mauvais pauvres », les remuants, les
syndiqués, ceux qui se battent encore pour leur dignité.
-
l'assurantiel
ou
salaire différé au mérite
L'assurantiel
est construit à partir de la même vision de la rémunération au
mérite que le salaire à la pièce, au mérite, à la force de
travail. Il s'agit d'attacher un droit – le salaire socialisé pour
la pension, pour le chômage ou pour l'invalidité – à une
cotisation individuelle. C'est parce que
le
travailleur a cotisé qu'il ouvre des droits individuels aux
prestations assurantielles. Cette manière de voir lie elle aussi le
mérite, la prestation individuelle de travail abstrait à un droit
individuel à une contrepartie financière.
Au
niveau technique, cette technique d'assurance s'apparente à la boîte
à chaussure. Ceux qui ont les moyens de remplir la boîte, la
remplissent et espèrent couler de vieux jours tranquilles à l'abri
de l'inflation – le fait que cette boîte soit une
entreprise qui prenne une commission sous forme de dividendes et de
frais de fonctionnement ne change rien au principe.
-
la légitimité de l'illégitime, la
sociopathie comme norme sociale
Dans
toute société, les comportements individuels soucieux du bien-être
collectif ont tendance à être valorisés socialement alors que les
comportements égoïstes, dans la mesure où ils mettent en cause la
survie ou la prospérité communes sont condamnés. Le vol, l'arnaque
ou l'usure ne sont pas des comportements individuels compatibles avec
une vie en communauté saine et apaisée puisqu'ils induisent la
guerre de tous contre tous, la méfiance et le sabotage. En marge de
ces considérations, le fétichisme de l'argent prend la richesse
monétaire pour la révélation d'un mérite individuel alors que
l'accumulation pille le travail concret d'autrui et qu'elle parasite
son travail abstrait. Si l'avidité est bonne, comme dans l'idéologie
d'une Ayn Rand, des libertariens, alors le pillage, l'arnaque, le vol
sont légitimés en tant que modèles sociaux. On construit alors une
société de sociopathes, étrangers au bien-être commun, à
l'intérêt de l'autre, par le fétiche de l'argent.
Cette
société n'est pas viable en tant que société – ce qui n'est
certes pas un problème en soi du point de vue économique – mais
elle menace aussi la prospérité générale, y compris celle de ceux
qui ne pillent personne, et constitue un danger pour tous les membres
de la société. La société libertarienne se heurte à un paradoxe
insurmontable. La propriété lucrative, le droit d'extraire de la
plus-value du fait de titres de propriété, s'oppose aussi bien à
la fin de l'État qu'à la liberté individuelle.
-
La violence sociale de la propriété lucrative (vous mourez de faim
alors qu'un propriétaire terrien laisse son champ en friche pour
spéculer sur la valeur du blé) impose un détenteur exclusif de la
violence légitime, un État. Faute d'État, les paysans sans terre
affamés récupèrent
la
terre avec leurs fourches. C'est la peur de la violence légitime de
l'État et elle seule qui prévient cette récupération, qui permet
à la propriété lucrative de s'imposer, de régner sur les
miséreux.
-
Par ailleurs, la liberté individuelle est entravée par la propriété
lucrative puisque, quand toutes les ressources communes ont été
accaparées par des propriétaires, les gens qui n'ont pas de
propriété sont contraints dans leur liberté à accepter les
conditions des propriétaires. Ils sont fondamentalement entravés
dans leur liberté. Les propriétaires lucratifs eux-mêmes sont
entravés dans leur liberté puisque leur droit de propriétaires
s'assortit de tradition, d'un statut à incarner soit par l'argent
(dans le cas du capitalisme) soit par la nature de la caste qu'ils
incarnent (dans le cas de l'ancien régime). Dans tous les cas, la
violence sociale de la propriété – et la violence extrême de la
propriété lucrative – fige les agents sociaux dans des rôles,
organise leur travail concret et abstrait et limite leur devenir
social.
Comme
l'explique Jacques Généreux, la vision pessimiste de Hobbes, de la
nécessité d'un État absolu qui jugule
les
mauvaises passions humaines ne s'oppose en rien à la théorie de la
main invisible6.
Si la main invisible paraît plus libérale, plus ouverte d'esprit,
plus soucieuse de liberté et plus philanthrope, à la réflexion, il
apparaît qu'il n'en est rien. L'État dictatorial contrôle les
passions humaines
d'un
humain inadapté à sa propre existence. L'humain est
né
dangereux pour lui-même, il est fondamentalement mauvais et l'État
lui permet, en dépit de sa
malignité
congénitale,
de faire société, de vivre avec ses pairs. Dans cette manière de
voir, l'Homme est un loup pour l'Homme.
La
main invisible construit la même vision de l'humain mais, au lieu
d'avoir un État violent qui organise et contrôle les passions
humaines, c'est la main invisible du marché qui s'en charge. Cette
main permet de transformer les mauvaises passions humaines en forces
sociales centripètes harmonieuses. L'Homme est intrinsèquement
mauvais également mais la main invisible fait de son vice vertu et
permet la société en
dépit de et
grâce au
mal humain congénital.
Dans
un cas comme dans l'autre, la liberté humaine est corsetée
dans
un cas par un monopole de la violence légitime ou, dans l'autre cas,
par un mécanisme régulateur. Le mécanisme régulateur, la main
invisible intègre une série de dispositifs : la dépossession
des communs, la propriété lucrative, les institutions du
capitalisme détaillées plus haut selon
Bernard
Friot ou la notion de plus-value. Dans aucunes des deux visions de
l'humanité, il n'est envisagé que l'humain est nécessairement
un
animal social, pour le meilleur comme pour le pire, et qu'il n'est
nul besoin de réguler (fût-ce par la main invisible de la propriété
lucrative) – comme il n'est nul besoin de réguler la société des
lapins ou des araignées qui se débrouillent très bien sans CAC40
et sans CRS.
Ce
n'est pas de la malignité humaine que protègent le CAC40 ou les
CRS. Ils incarnent un type de violence sociale, avec ses détracteurs,
ses thuriféraires, son opposition, ses victimes et ses
bénéficiaires. Ce type de violence sociale est défendu par les
bénéficiaires de la violence sociale et par leurs philosophes, par
leurs économistes appointés.
-
le travail concret vénal et gratuit.
Alors
que le travail vénal jouit d'une reconnaissance sociale exclusive,
le travail gratuit est déconsidéré. Le travail vénal est
naturalisé alors que le travail gratuit est nié, minimisé. À
l'extrême, la violence sociale du travail abstrait oint le travail
concret à la
source
de la légitimité. Le ménage doit être fait rapidement, la
présence d'enfants, de malades et de personnes âgés est vue comme
une perte de temps. Cette idéologie du temps utile comme temps vénal
fait l'impasse sur le fait que c'est
l'économie vénale qui parasite l'économie gratuite et non
l'inverse.
De
la même façon que les rentiers sapent les bases productives sur
lesquelles repose leur parasitisme, les tenants du temps vendu et
acheté sapent la production gratuite dont le travail abstrait a
besoin comme extérieur. Nous avons vu que, sans extérieur, le
travail vénal, l'outil productif capitaliste et l'accumulation
s'effondrent très rapidement faute de marchés pour réaliser le
capital. En d'autres termes, ce ne sont pas les employés qui aident
les malades, les chômeurs ou les retraités, ce sont les retraités,
les chômeurs et les malades qui, par leurs salaires, par la
reconnaissance
salariale de leur contribution à la
production
de valeur économique, permettent à la production de valeur
économique de se vendre, c'est eux qui constituent le cœur de
l'économie productive de valeur et qui permettent aux parasites de
ne pas faire effondrer le système.
Note
27. Les chômeurs et les fonctionnaires créent la valeur ajoutée
correspondant à leur salaire
Que
nos courageux lecteurs nous pardonnent cette démonstration
laborieuse. Il nous faut partir des fondements de l'économie
politique pour tenter de comprendre ce qui se passe quand un salaire
socialisé est touché par un chômeur, un fonctionnaire, un retraité
ou un invalide.
1.
Il nous faut d'abord reprendre la distinction entre la valeur d'usage
et la valeur économique. L'économie s'occupe de production de
valeur d'échange, non de valeur d'usage. L'employé est payé non
pour produire des biens et des services (s'il en produit, c'est de
manière, paradoxalement, accessoire), il est payé pour produire une
valeur ajoutée. Cette valeur ajoutée peut ne correspondre à aucune
valeur humaine produite - valeur en terme de besoins ou de désirs
matériels ou non.
Prenons
l'exemple d'une compagnie ferroviaire quelconque. Elle gère des
infrastructures de transports, du matériel roulant, du transport de
marchandises et de personne. Tous ces différents secteurs se rendent
mutuellement service sans qu'il y ait facturation. Dans le cadre de
la privatisation du rail anglais, les différentes sections ont
facturé leurs prestations aux autres ce qui a créé de la valeur
ajoutée sans le moindre supplément d'activité ou de service
produits.
La
convention du travail porte sur une création de valeur (économique)
ajoutée, non sur la façon, l'ouvrage ou la réalisation de biens et
de services en particuliers. On peut être payé pour saboter, pour
abîmer, pour gâcher, pour salir, pour polluer ... ce qui ôte de la
valeur d'usage au cadre de vie de la communauté. De sorte qu'un
couvreur n'est pas payé pour faire un toit mais pour produire de la
valeur économique ajoutée par le biais de chantier. Ceci a l'air
anodin mais ne l'est pas du tout puisque la logique de la valeur
d'usage voudrait que le toit fût correctement effectué alors que la
logique de la valeur économique exige que l'ouvrage soit réalisé
le plus rapidement possible et que les défauts de façon soient
couverts par l'assurance ou invisibles. Si le toit, source de profit,
ne fuit pas, c'est tout à fait fortuit.
2.
L'emploi est une convention qui rémunère des gens, les employés,
contre un salaire. Cette rémunération sanctionne la création de
valeur ajoutée que génère leur activité. La valeur ajoutée,
c'est le prix moins les frais.
(5.2)
Prix=Frais+Valeur
ajoutée (VA)
Dans
la valeur ajoutée, créée par le seul travail (le capital ne crée
pas de valeur, essayez d'enterrer une boîte à chaussure remplie
d'argent et, au bout d'un an, vous n'aurez absolument aucune bonne
surprise).
Cette
valeur ajoutée est constituée
-
des salaires (individuels et socialisés)
-
des investissements qui appartiennent aux propriétaires lucratifs
alors qu'ils sont produits, comme nous le voyons, par le travail
comme valeur ajoutée
-
des dividendes reversées aux propriétaires lucratifs comme gabelle,
ces propriétaires peuvent être des propriétaires directs, des
actionnaires ou des créanciers.
(5.3)
VA
= Salaires (ind. et socialisés) + Investissements + Dividendes
3.
La totalité des valeurs ajoutées à l'échelle d'un pays constitue
le PIB (ou PNB selon qu'on tienne compte du territoire ou des
nationaux).
4.
Les salaires sont constitués par les salaires socialisés et par les
salaires individuels. Les salaires individuels figurent sur les
fiches de paie. Ils sont néanmoins amputés par les TVA sur la
consommation.
Les
salaires socialisés sont constitués de
-
la sécurité sociale attestée par la cotisation sociale
-
les salaires des fonctionnaires attestés par les impôts.
5.
Les salaires sociaux ne coûtent rien aux salaires individuels.
Cette
notion est peut-être la plus délicate à comprendre dans la
démonstration.
Nous
avons plusieurs éléments de preuve: quand on rajoute une cotisation
sociale ou que l'on l'augmente, l'augmentation se répercute par une
augmentation du PIB, pas par une diminution de salaire individuel.
D'autre
part, quand un salaire individuel est amputé de cotisation sociale
(c'est le cas, à des degrés divers, de tous les 'contrats aidés',
de tous les contrats 'jeunes' et autres monstruosités
anti-sociales), on voit que le salaire individuel n'augmente pas
(voire diminue).
6.
Les salaires sociaux soutiennent les salaires individuels. Ceci est
plus simple à comprendre, plus intuitif. Si les chômeurs ou les
retraités perdent toute allocation, ils vont chercher un travail à
tout prix - y compris au prix du salaire. Ces malheureux vont
inéluctablement pousser les salaires de leurs collègues à la
baisse.
7.
Les salaires - individuels ou sociaux - sont dépensés quasiment
intégralement (contrairement aux dividendes). Un salaire dépensé
l'est en tant que valeurs ajoutée de certaines productions. Mettons
que je dépense mon chômage, mon salaire fonctionnaire ou mon
salaire ouvrier à acheter des machins, l'achat de ces machins crée
une valeur ajoutée, permet de transformer une production en capital
à des entreprises qui, du coup, peuvent tourner.
De
ce fait, quand les salaires augmentent (et nous ne distinguons pas
les salaires individuels et les salaires socialisés dans notre
raisonnement), la valeur ajoutée au terme du processus de production
augmente
(5.4)
M'>M
avec C'>C
8.
Quand on met ces éléments ensemble, on constate que le chômeur, le
retraité ou le fonctionnaire créent le salaire socialisés qu'ils
touchent ou, pour le dire autrement, s'ils cessaient de toucher leurs
indemnités, elles iraient dans un premier temps aux dividendes.
Comme les entreprises sont en concurrence entre elles, elles seraient
finalement amenées à diminuer leur taux de bénéfice ce qui
ramènerait les valeurs ajoutée à leur niveau de départ diminué
des salaires sociaux.
Donc,
les gens qui touchent les salaires sociaux les créent. Si on
supprime ces salaires sociaux, on ampute le PIB d'autant sans que
personne n'en profite.
Harribey
a démontré que les impôts augmentaient les prix, la valeur
ajoutée et le PIB. Tout se passe comme si toutes les entreprises en
concurrence devaient intégrer leurs impôts en plus de leur
prix et, comme ils le font tous, c'est sans effet sur les positions
concurrentielles relatives mais l'augmentation de prix nourrit la
valeur ajoutée au niveau global, le PIB. Comme la valeur ajoutée
représente à peu près un cinquième du total des prix,
l'augmentation des impôts ou des cotisations de trente pour cent,
par exemple, fera augmenter les prix de six pour cent seulement dans
un premier temps.
Friot
montre que les cotisations sociales fonctionnent de la même façon :
elles sont un ajout de valeur ajoutée et non une quelconque
ponction.
Il
y a mieux: comme les salaires se contractent, si l'on diminue les
salaires sociaux, la demande diminue. Comme la demande diminue, la
valeur ajoutée totale diminue, ce qui pousse à comprimer les
salaires, comme les salaires sont diminués, la demande se contracte,
etc.
C'est
ce qu'on appelle une crise de surproduction.
Proposition
45
Les
chômeurs et les retraités créent la valeur ajoutée
correspondant à leur salaire.
Proposition
46
Pour
augmenter la production de valeur économique de quelqu'un, il
faut et il suffit d'en augmenter le salaire individuel ou
socialisé.
|
La propriété inorganique
La
contre-valeur monétaire d'un bien ou d'un service est une propriété
liée à cette chose, à ce service, à l'instar de son poids, de sa
taille ou de sa couleur. Mais cette propriété a plusieurs
spécificités :
-
l'étalon de référence, l'unité monétaire est sujet à des
variations en fonction de l'évolution du système productif. Ce qui
sert à évaluer, à mesurer économiquement les biens et les
services est affecté par l'ensemble de la production économique
(voir l'équation de Fisher ci-dessus). L'argent est un thermomètre
dont le fonctionnement est affecté par la température corporelle.
-
l'argent est une valeur solipsiste gagée sur le travail concret,
dans l'emploi et hors de l'emploi. C'est la production, le travail
concret, qui produit les biens et les services sur lesquels est
greffée la valeur et, c'est l'ensemble de ces greffons biens (ou
services)-valeur, qui va asseoir la légitimité de la valeur
monétaire, de l'argent. L'argent a de la valeur parce qu'on lui en
attribue et on lui en attribue parce que, quand on en a, on peut
acquérir des biens et des services. L'argent est un raisonnement
circulaire, il est susceptible de dévaluer avec l'inflation ou avec
une crise bancaire. On croit à la valeur de l'argent parce qu'il
permet d'acquérir des biens et des services, on peut acquérir des
biens et des services contre de l'argent parce qu'on croit à sa
valeur mais, à partir du moment où les gens doutent de l'argent, de
sa fonction, de sa valeur, il disparaît ou dévalue fortement.
L'argent fonctionne avec un sentiment de l'ordre de l'adhésion
implicite, indiscutée, l'argent est de l'ordre de la foi, de la
confiance que les acteurs économiques ont en l'économie elle-même.
L'argent est une métaphysique implicite, une métaphysique qui ne
s'assume pas en tant que telle ou une métaphysique en soi mais
non pour soi.
-
l'argent sert de vecteur à l'expression des valeurs dans les prix
mais les prix incluent des valeurs plus larges que celle du bien ou
du service auquel il est lié : les prix comprennent la partie
socialisée, par l'impôt ou par la cotisation sociale, de la valeur
ajoutée, ils intègrent aussi bien les salaires (individuels ou
socialisés) créateurs de la valeur économique que la rente
parasite, destructrice des capacités productives. En outre, les prix
négligent d'intégrer une partie de la valeur négative de
la marchandise.
Les
externalisations chassent les coûts de production du prix de la
marchandise capitaliste. Les cotisations sociales nécessaires à la
réparation des dégâts psychiques et sanitaires de l'activité
productive, les impôts nécessaires à la réparation des dégâts
écologiques ou à la construction des infrastructures utilisées
sont reportés sur le prix d'autres marchandises, étrangères aux
nuisances, aux coûts externalisés. L'externalisation ne diminue pas
les coûts, elle les fait assumer par d'autres acteurs économiques,
elle défausse les auteurs des nuisances de leurs responsabilités.
L'argent comme évidence traduite
par des prix est en fait une opération mentale, une opération de
type ésotérique de légitimation de la production et de ses
externalités.
- l'argent fonde aussi un rapport au monde, il entérine un mode
d'organisation de la violence sociale et, en ce sens, il en est
l'expression, le symbole, le fétiche. La violence sociale de
l'argent se caractérise par
→
l'absence de propriété, de
caractéristiques intrinsèques signifiantes des agents économiques.
Peu importe qui paie, peu importe comment il paie et pourquoi,
l'argent le vide de toute propriété en
tant qu'utilisateur de la monnaie.
→
les
agents impliqués par l'échange monétaire sont des égaux en droit.
Il ne faut pas d'inégalité de statut, de rôle social pour fonder
la domination sociale. Il n'y a pas de privilège, de droit féodal.
La domination sociale repose au contraire sur l'accaparement, sur la
propriété lucrative et sur l'aiguillon de la nécessité entre
égaux en droit.
→
une
évaluation des biens et des services quantitative. On attribue selon
le principe du marché une caractéristique, le prix, à tous les
biens et à tous les services. Cette caractéristique est
quantifiable. La comparaison sur base de cette caractéristique se
fait donc sur une base quantifiable. Telle quantité
de
carottes vaut
telle quantité
d'oignons,
etc.
→ la
propriété lucrative légitime l'appropriation d'une partie du
travail d'un agent par un autre
→ les
ressources communes sont privatisées, l'accès à la nourriture, au
logement, à la vie sociale, aux transports est restreint. Les
piétons pouvaient traverser la France. Aujourd'hui, sans voiture, ce
serait un cauchemar de traverser ce pays : les autoroutes
barrent le chemin, les voies rapides empêchent la flânerie, les
barrières, les barbelés coupent de nombreux sentiers, etc. La
privatisation des ressources communes a été – et est, que l'on
songe à l'héroïque résistance que provoque le projet d'aéroport
de Notre-Dame des Landes – l'objet d'un âpre combat, d'une âpre
résistance.
Proposition
47
Le
prix intègre la valeur ajoutée de la production, celle des
salaires des fonctionnaires correspondant aux impôts et celle des
prestataires sociaux.
Proposition
48
Le
prix n'intègre pas les externalisations de la production. Ces
externalisations sont intégrées dans l'ensemble des prix des
autres marchandises et dans les impôts.
|
Note
28. L'enclosure7
Définition
Qu'est-ce
que l'enclosure? Au moyen-âge, il y avait des terres communales, des
moulins communaux, des fours communaux. Cela n'avait rien à voir
avec une quelconque municipalité, avec de quelconques élections
dans lesquelles la griserie du pouvoir émousse les amitiés les plus
fidèles, non. Il s'agissait de propriétés, de biens communs,
utilisables par tous.
À
l'aube de la révolution industrielle, ces biens communs ont été
privatisés à tour de bras. Ceci a eu comme conséquence que les
gens ont dû louer leur bras pour avoir accès aux fruits de la terre
au lieu de travailler eux-mêmes une terre commune pour se nourrir.
Ce phénomène est connu sous le nom d'enclosure.
Histoire
L'Angleterre
s'est tournée vers l'élevage à ce moment-là : le bétail est
un capital qui se transporte mieux, s'exporte mieux et se conserve
mieux que les légumes que faisaient pousser auparavant les peasants,
des
roturiers.
Parallèlement,
le braconnage est criminalisé: les forêts domaniales deviennent
l'apanage exclusif de leurs propriétaires. Le Black Act de 1723
criminalise le glanage, la récolte de bois mort et la chasse dans
les bois des nobles. Cette loi approfondit la notion de propriété
jusqu'à prononcer la peine de mort pour les braconniers. Cette
acception, cette sacralisation de la propriété privée n'allait pas
du tout de soi auparavant. Elle a privé les manants de ressources,
de moyens de survie disponibles et les a condamnés à mourir de faim
dans un pays de forêts giboyeuses8.
En
Angleterre, les paysans sans terre ont eu droit à une allocation
misérable de survie (la Speenhamland9),
allocation payée par les impôts des classes moyennes - qui ont
commencé à s'appauvrir - et distribuée par les paroisses. Les
misérables après avoir été privés de leur terre devaient se
contenter d'une allocation chiche alors qu'ils avaient été des
paysans fiers et dignes. Les manufactures naissantes pouvaient
embaucher les misérables moins chers puisqu'ils avaient déjà de
quoi survivre. C'est ainsi que les classes moyennes ont dû payer les
salaires que l'industrie anglaise ne souhaitait pas payer - ce qui a
rendu ladite industrie la plus concurrentielle du monde à l'époque,
comme vous devez vous imaginer.
Le
jour où l'industrie eut besoin de davantage de bras, que croyez-vous
qu'il arrivât? Mais oui, les paroisses ont coupé les robinets et
les misérables tenaillés par la faim se sont précipités à
l'usine pour vendre leurs bras à prix cassé.
Ressources
en ligne, actualité
Phénomène
d'enclosure à l'heure actuelle en mode dynamique et en anglais à
Landmatrix, nature, montant, localisation des 'investissements', sur
la planète entière. On parle aujourd'hui d'accaparement des
terres10.
La création monétaire
Dans
ce chapitre, nous présenterons les différents types de créations
monétaires connus. Nous reprenons l'excellent résumé qu'en font A.
Jackson et B. Dyson dans leur livre Modernising
Money11.
L'argent
que nous utilisons peut être créé de bien des manières. La
première, la plus évidente (et la moins utilisée, pourtant), c'est
la planche à billet. La banque nationale imprime des billets, fait
des pièces de monnaie et, avec l'argent créé, le gouvernement peut
régler ses petits frais. C'est le droit de battre monnaie, le
seigneuriage. Les bénéfices de ce droit appartiennent aux
gouvernements (mais ce droit est aux mains des banques centrales
nationales hors de tout contrôle démocratique en Europe
continentale). Seulement, la proportion de monnaie créée de cette
façon est dérisoire : comparez ce que vous avez dans votre
portefeuille et sur votre compte ! Nous avons parlé du
Greenback et nous avons prouvé que ce n'était pas l'impression de
monnaie qui était inflationniste mais la nature des investissements
financés par la création monétaire : si les investissements
sont dévolus aux salaires, ils ne génèrent pas d'inflation ;
s'ils sont dévolus à la rente, ils créent de l'inflation.
La
création électronique peut, elle aussi, être le fait d'une banque
nationale (et d'un État qui bénéficie alors du seigneuriage). Le
procédé est le même sauf qu'il n'y a pas de monnaie physique mais
des comptes qui sont crédités par de la monnaie électronique.
La réserve fractionnelle
Dans
le fonctionnement actuel des banques, les comptes crédités par les
banques nationales ne sont pas les comptes des particuliers, des
entreprises ou des institutions publiques. Les banques nationales
créditent les comptes des banques privées en leur consentant des
prêts. La
plupart des gens pensent que les banques prêtent l'argent qu'elles
ont en dépôt. Les dépôts des particuliers ou des entreprises sont
effectivement prêtés
par
les banques mais ce n'est qu'une petite partie des prêts consentis.
Les banques nationales prêtent donc aux banques privées.
Une fois cet argent prêté à une banque privée, disons la banque
A, cette banque va consentir des prêts sur fonds propres avec
l'argent de ce crédit. Elle va faire crédit à un client et, selon
le taux de réserve exigé par la législation en vigueur, elle ne
prêtera pas tout. Imaginons qu'elle prête 90 % de la somme
qu'elle a elle-même empruntée auprès de la banque centrale. Elle
va prêter cet argent à un client (disons quelqu'un qui achète une
maison) qui va le donner à une personne (le vendeur). Cette autre
personne va déposer l'argent sur un compte d'une banque (que ce soit
la même ou une autre n'a pas d'importance), disons la banque B. Avec
ce nouveau dépôt, la banque B va pouvoir prêter à son tour à un
nouveau client (en gardant 10 % de fonds propres dans notre
exemple) et ainsi de suite.
Si
la création monétaire par le crédit de la banque nationale s'élève
à 100€, le premier prêt s'élève à 90€, le deuxième à 81€,
le troisième à 73€, le quatrième à 66€, le cinquième à 59€,
etc. C'est ce qu'on appelle la
réserve
fractionnelle.
Si vous poursuivez la simulation, à partir d'une ligne de crédit de
100€ de la banque centrale, le total des prêts interbancaires
successifs à raison d'un taux de prêt de 90 % s'élèvera à
900€ en tout.
La création monétaire par le crédit
Seulement,
cette théorie de la création monétaire par réserve fractionnelle
a
elle
aussi ses limites :
le ratio entre la monnaie effectivement en circulation – sous
toutes ses formes, produits dérivés, financiers inclus – et la
monnaie injectée par les prêts de la banque nationale ne correspond
pas
au ratio théorique de cette
théorie.
Les campagnes massives de QE, de quantitative
easing, de
prêts massifs des banques centrales aux banques privées, sont
l'application de la théorie des intérêts composés (et infirment
de ce fait cette théorie) : en prêtant des trilliards aux
banques privées, les banques centrales auraient dû relancer le
crédit, l'activité économique et la circulation monétaire or il
n'en a rien été, même si, indéniablement, les créances publiques
ont soutenu les cours de la bourse dans une mauvaise conjoncture.
L'argent prêté par la banque centrale aux banques privées a été
investi dans les bourses – notamment dans les produits dérivés
les plus dangereux. Inversement, les périodes de fortes croissance
du crédit privé, dans les années 2000, n'ont pas été des
périodes de création monétaire des banques centrales par le
crédit.
La
création monétaire s'avère beaucoup simple (et beaucoup plus
dangereuse du point de vue de l'économie productive) que cela. Dans
le bilan d'une banque, les actifs et les passifs doivent
s'équilibrer. Dans l'exemple de la création de monnaie-dette, les
banques privées empruntent aux
banques publiques (de leur point de vue, ce sont des passifs) et
prêtent aux
clients privés (de leur point de vue, ce sont des actifs). De
manière générale, pour prêter, il suffit, d'un trait de plume,
d'effectuer une opération comptable simple : créditer les
passifs et les actifs d'une même somme – et tant pis pour les
règles
prudentielles au fondement de la théorie des réserves
fractionnelles. La somme prêtée au client est créditée sur
son
compte. Le montant du compte du client crédité à hauteur de
l'emprunt fait partie des passifs de la banque et des actifs du
client (la banque doit cette somme au client titulaire du compte qui
peut
en disposer) et la dette du client fait partie des actifs de la
banque et du passif du client (le client est tenu de la rembourser et
cette dette est considérée comme un avoir de la banque). C'est la
création
monétaire par crédit privé.
Ce type de création monétaire ne connaît aucune limite, aucune
contrainte : il peut s'accélérer alors que les crédits de la
banque centrale se tarissent et se ralentir alors que les vannes de
la banque centrale sont grandes ouvertes.
Comme
ce système monétaire repose sur le crédit avec
intérêts,
l'ensemble de l'argent créé par crédit est moindre que l'ensemble
des crédits à rembourser. À une échelle macro-économique, les
dettes ne sont remboursables que dans la mesure où le capital total
augmente de … ε.
Le coût pour l'emprunteur correspond à l'accumulation, à la rente
pour le créancier. L'écart entre la création de dette et la
création de monnaie correspond à une addition de valeur économique
créée sans contre-partie dans l'économie du travail concret. Il
s'agit donc d'une bulle, d'une pyramide de Ponzi. Les dettes sont du
fait des taux d'intérêt
impossibles
à rembourser à long terme. Le jour de la faillite du système, des
États, des institutions publiques, il y a un défaut, un
effondrement, une destruction gigantesque de valeur économique, de
patrimoine.
Par ailleurs, cette création
monétaire par crédit privé va augmenter la monnaie en circulation
à l'infini. Cet argent (surnuméraire, pourrait-on dire) va dans les
secteurs les plus rentables pour le capital, il va là où les taux
de profit sont les plus importants – dans les secteurs financier,
dans des produits dérivés plus ou moins sophistiqués, dans
l'assurantiel et, de manière encore plus dangereuse, dans
l'immobilier.
La création monétaire par
crédit, fût-elle le fait d'une banque centrale « indépendante »,
s'oppose à la création monétaire par monétisation dont nous avons
vu que, pour peu qu’elle soit dévolue aux salaires, elle n'était
pas nécessairement inflationniste. L'impossibilité de monétisation
– comme en Europe, aux États-Unis ou au Japon – empêche toute
politique publique ambitieuse et toute relance par le salaire. Cette
politique d'impuissance des acteurs publics prolonge indéfiniment
les crises (et les hauts profits de quelques uns).
Proposition
49
La
création monétaire par crédit condamne les autorités publiques
à l'impuissance et concentre les profits.
Proposition
50
La
création monétaire par crédit entretient les bulles
spéculatives et les crises économiques.
|
Création monétaire et bulles
Le
flux de capital dans ces secteurs explique pourquoi leur valeur
stagne ou augmente alors que les motifs de spéculer à la baisse ne
manquent pas. La contraction historique des salaires à l'échelle de
l'Europe, des États-Unis ou du Japon laisse un trou énorme à
solder en terme de valeur ajoutée. À terme, l'immobilier n'est pas
solvable puisque les salariés des classes moyennes ne pourront plus
s'offrir leur cottage,
le
boursier n'est pas non plus solvable puisque, avec la disparition
régulière de l'ε, les salariés ne peuvent
plus
acheter la production industrielle, ce qui participe de la baisse du
taux de profit. De même, le financier, l'assurantiel ou les produits
dérivés ne sont que valorisations potentielles qui, au jour d'une
crise, au jour où il faudra les réaliser, n'auront rien, aucune
valeur économique et aucune valeur concrète pour les solvabiliser.
Ce
chapitre sur la finance comme épiphénomène de la création
monétaire est volontairement limité en taille et en importance dans
notre traité économique. Le phénomène peut se comprendre quand on
a expliqué les mécanismes de fonctionnement du capital. Quelle que
soit la créativité des ingénieurs spécialisés dans la conception
de produits financiers plus ou moins exotiques, nous avons vu que les
investisseurs sont confrontés à la baisse tendancielle du taux de
profit. Face à cette tendance à long terme, ils tentent de trouver
des secteurs, des oasis économiques où le profit demeure élevé.
L'immobilier, les produits spéculatifs puis les produits dérivés
(et leur savante ingénierie financière) permettent au capital de
trouver des débouchés juteux. Nous avons néanmoins prouvé que la
valeur ajoutée, que la valeur économique était intégralement
créée
par les salaires. Les prélèvements par la spéculation sur la
valeur économique sont donc des prélèvements sur la valeur
économique, sur les salaires. Pour dire la même chose de manière
plus intuitive, ce sont les salariés qui vont payer leur loyer ou
leur mensualités plus cher – comme si les spéculateurs
immobiliers prélevaient une redevance, un impôt privé, une gabelle
sur les salaires. Ces prélèvement augmentent mécaniquement l'ε,
l'accumulation et, ce faisant, comme la production économique
concrète sur laquelle la valeur économique est gagée ne suit pas
la même courbe exponentielle, c'est l'économie dans son ensemble –
l'économie concrète et l'économie abstraite – qui sont menacées
par ce qui n'est qu'un épiphénomène de l'accumulation.
Il faut noter que, soit
l'activité financière dans son ensemble crée une valeur que
l'économie concrète doit solvabiliser et, à ce moment-là, tout
gain financier est une pyramide de Ponzi, soit l'activité financière
ne crée aucune valeur (ni concrète, ni abstraite) et, à ce
moment-là, tout gain financier est une perte sèche pour l'économie.
Dans tous les cas, l'idée de Lordon de fermer les bourses, de
nationaliser avant de socialiser les banques paraît une solution de
bon sens, une solution pragmatique et équilibrée aux problèmes du
pillage de la finance et de la fragilisation du tissu économique
qu’il provoque. La finance est un problème ? Supprimons la
finance.
Pour
revenir à notre propos sur la création monétaire, si les banques
privées, si les organismes de crédit privé sont un problème,
nationalisons-les ; si la création monétaire par crédit privé
est un problème, interdisons-la ; si les dettes sont un
problème, que ne faisons-nous défaut ? Et si l'accumulation et
la rémunération des propriétaires lucratifs est un problème
économique,
pourquoi ne pas abolir la propriété lucrative – en maintenant la
propriété d'usage privée ou sociale ?
Note
29. Les produits dérivés
Le
contrat à terme est un produit financier. Selon la définition de
Wikipédia,
Un
contrat à terme (futures
en anglais) est un engagement ferme de livraison
standardisé, dont les caractéristiques sont connues à l'avance,
portant sur :
-
une quantité déterminée d'un actif sous-jacent précisément défini,
-
à une date, appelée échéance, et un lieu donnés,
-
et négocié sur un marché à terme organisé.
Dans
les contrats à terme, il ne s'agit pas d'acheter un produit
financier, un titre, un actif mais il s'agit de s'engager à acheter
ce qu'il vaudra à un moment donné à une valeur donnée.
On peut ensuite revendre les contrats à terme comme des "titres sur les titres" sur le marché secondaire. Les obligations d'État, les dettes privées titrisées font l'objet de contrats à terme.
Les contrats à terme constituent l'essentiel des échanges financiers du monde. Il s'agit de produits hautement spéculatifs qui permettent de hauts profits rapides.
Les contrats à terme contraignent à tenir un rendement, un taux de profit plus élevé, ce qui augmente mécaniquement le taux d'exploitation et le surtravail.
Concrètement, les produits hautement techniques que sont les contrats à termes, les produits dérivés, contribuent à pourrir le monde de l'emploi, la nécessité de plus-value rapide, la nécessité d'aller vite pour gagner de l'argent.
Voici quelques uns des contrats à terme les plus prisés.
On peut ensuite revendre les contrats à terme comme des "titres sur les titres" sur le marché secondaire. Les obligations d'État, les dettes privées titrisées font l'objet de contrats à terme.
Les contrats à terme constituent l'essentiel des échanges financiers du monde. Il s'agit de produits hautement spéculatifs qui permettent de hauts profits rapides.
Les contrats à terme contraignent à tenir un rendement, un taux de profit plus élevé, ce qui augmente mécaniquement le taux d'exploitation et le surtravail.
Concrètement, les produits hautement techniques que sont les contrats à termes, les produits dérivés, contribuent à pourrir le monde de l'emploi, la nécessité de plus-value rapide, la nécessité d'aller vite pour gagner de l'argent.
Voici quelques uns des contrats à terme les plus prisés.
-
Produits dérivés
Les produits dérivés sont un type de contrat à terme particulier. Ils ne nécessitent l'apport d'aucun capital puisqu'il s'agit de promesses d'achat ou de vente à terme. Comme les définit Wikipédia,
Un
produit
dérivé ou
contrat
dérivé ou
encore derivative product est un instrument financier :
-
dont la valeur fluctue en fonction de l'évolution du taux ou du prix d'un produit appelé sous-jacent ;
-
qui ne requiert aucun placement net initial ou peu significatif ;
-
dont le règlement s'effectue à une date future.
Il
s'agit d'un contrat entre deux parties, un acheteur et un vendeur,
qui fixe des flux financiers futurs fondés sur ceux d'un actif
sous-jacent, réel ou théorique, généralement financier.
Le
règlement s'effectuant dans une date future, ces produits sont
également des produits hautement spéculatifs. Même s'il n'y a pas
de lien direct entre l'actif sous-jacent et les produits dérivés,
ceux-ci ont de l'influence sur les investisseurs qui se comportent de
manière prédatrice afin de consolider les valeurs desdits actifs et
empocher la mise des paris que constituent les produits dérivés.
Les produits dérivés fonctionnent comme des mises, comme des paris sur n'importe quoi. Ils ont le même effet que les paris de tiercé sur les chevaux. Ils induisent une corruption chez les jockets, la tentation de triche et, surtout, le risque de dopage des chevaux. Mais les chevaux, in fine, ce sont des travailleurs, des collectifs de travail, des pays, des usines, etc.
Les produits dérivés fonctionnent comme des mises, comme des paris sur n'importe quoi. Ils ont le même effet que les paris de tiercé sur les chevaux. Ils induisent une corruption chez les jockets, la tentation de triche et, surtout, le risque de dopage des chevaux. Mais les chevaux, in fine, ce sont des travailleurs, des collectifs de travail, des pays, des usines, etc.
-
Stock Options
Les stock options sont une forme de rémunération des travailleurs. Les employeurs les paient en produits dérivés sur les actions de leur entreprise. Le travailleur est mis en situation d'avoir intérêt à ce que sa compagnie fasse un maximum de profits, à l'instar d'un actionnaire, mais il est soumis aux aléas du marché – sauf à revendre ses stock options avant un éventuel krach.
-
Titrisation
La titrisation consiste dans le fait de mettre une série d'avoirs, d'actifs ensemble et de les revendre sous forme de titres. Selon Wikipédia,
La
titrisation
(securitization
en anglais) est une technique financière qui consiste classiquement
à transférer à des investisseurs des actifs financiers tels que
des créances (par exemple des factures émises non soldées, ou des
prêts en cours), en transformant ces créances, par le passage à
travers une société ad hoc, en titres financiers émis sur le
marché des capitaux.
Une
telle titrisation s'opère en regroupant un portefeuille
(c'est-à-dire un lot) de créances de nature similaire (prêts
immobiliers, prêts à la consommation, factures mono-thématiques …)
que l'on cède alors à une structure ad
hoc (société,
fonds ou trust)
qui en finance le prix d'achat en plaçant des titres auprès
d'investisseurs. Les titres (obligations, billets de trésorerie...)
représentent chacun une fraction du portefeuille de créances
titrisées et donnent le droit aux investisseurs de recevoir les
paiements des créances (par exemple quand les factures sont payées,
ou quand les prêts immobiliers versent des mensualités) sous forme
d'intérêts et de remboursement de principal.
La
titrisation a techniquement permis les fameux prêt à taux d'intérêt
variables, les subprimes. Comme les détenteurs des titres
correspondant aux prêts hypothécaires pourris exigent un fort
retour sur investissement, les taux d'intérêt des emprunteurs
s'envolent pour les payer. Comme les prêteurs avaient intérêt à
cette crise, ils ont prêté à n'importe qui, notamment dans les
prêts qu'on a nommé NINJA (no income, no job or asset – des
prêts à des gens sans revenu, sans travail et sans
avoirs). La titrisation des prêts immobiliers a déclenché la crise
des subprimes, a contribué au déclassement de la classe des
travailleurs américaines (ce ne sont pas les seuls sur la liste des
subprimes) et à l'accentuation de l'aiguillon de la nécessité dans
ce pays.
-
Leverage buy out
Il s'agit de racheter en empruntant. L'acheteur possède une fraction de la somme nécessaire au rachat et "se paie sur la bête" en prélevant les intérêts sur le tout qui payeront l'achat. J'achète avec 10 millions quelque chose qui vaut 100 millions. Avec les 15% de taux de profit annuels, je me paie et rembourse mon emprunt technique, mon achat à effet de levier.
Ce type de financement oblige l'entreprise achetée à crédit, en quelque sorte, à des rendements très élevés, à un taux de surtravail (voir le chapitre suivant), à un taux d'exploitation et à un taux de profit très élevés. Ceci dégrade les conditions de travail, oblige l'entreprise à une rentabilité accrue, ce qui la contraint parfois à la délocalisation et, toujours, à la compression du personnel.
1Concept
qui trouve sa référence en lui-même, que rien d'extérieur ne
légitime.
2On
se souviendra que Smith dans sa recherche sur la richesse des
nations avait fait totalement l'impasse sur l'esclavage pourtant
pratiqué à une échelle industrielle alors.
3Voir
l'introduction de M. Graeber, Debt, the first 5.000 years,
op. cit. Nous
serions tentés de parler de fétichisme de la dette.
L'anthropologue américain donne l'exemple d'un pays où le
remboursement des dettes a contraint à diminuer l'offre médicale
publique, ce qui a généré plusieurs milliers de morts … sans
que jamais n'ait été interrogé le principe de remboursement de la
dette.
4J.
Janin, Les Nouveaux Parasites,
in Politique n°55,
juin 2008. Il cite C. Berlet et M. Lyons, Right-Wing
Populism in America. Too close to comfort,
New-York, Guilford Press, 2000, pp. 348-349. Accessible sur la toile
à <www.politique.eu.org/spip.php?article703>
5Généreux,
op. cit.
6Théorie
attribuée à Smith par la vulgate néo-libérale mais qui, comme
nous le verrons dans la note sur les économistes ci-dessous, est le
fruit d'une lecture de l'école de Chicago un peu rapide de son
texte. La main invisible à laquelle il fait allusion est la force
qui … maintient les capitaux dans leur pays d'origine. Rien à
voir avec le libre-échange à l'origine donc.
7K.
Polanyi, La Grande Transformation,
op. cit.
8Voir
E.P.
Thompson, La
Guerre des forêts,
op. cit.
9Voir
K. Polanyi, op. cit.
10Voir
les ressources en ligne en anglais à ce sujet,
<http://landmatrix.org/en/>
11A.
Jackson, B. Dyson, Modernising Money,
Positive Money, 2013. Le groupe Positive Money anime un site
internet sur ce sujet – et sur la nécessaire démocratisation de
la création monétaire – appliquée à la livre sterling :
<www.positivemoney.org>
(en anglais).