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Arrivé à ce stade, nous avons prouvé que la propriété lucrative permettait l'accumulation et que l'accumulation de capital condamnait le tissu économique d'une société donnée et cette société elle-même, nous allons réfléchir dans ce chapitre sur ce problème spécifique. Nous allons aborder les effets économiques de l'accumulation dans le temps, quand la fonction d'accumulation amène celle-ci à engloutir l'intégralité de la valeur produite.
Exponentielle et concentration
(4)
la fonction d'accumulation
en
lissant ε
par un taux constant du stock
global
de capital, en ramenant l'ensemble des accumulations annuelles
successives à une moyenne, on a :
(4.1)
C'est-à-dire une fonction
exponentielle pour peu que l'épargne de départ ne soit pas nulle
(ce qui est facile à admettre) et qu'il y ait une accumulation
constante en moyenne à terme, strictement positive – ce qui est le
principe-même du capitalisme : les investisseurs achètent des
titres de propriété pour s'enrichir.
(4.2)
La part de l'accumulation dans
la distribution des revenus économique va tendre vers un, vers
100 %. L'accumulation phagocyte l'ensemble de la production de
valeur économique1.
Ce sont les conséquences de cet état des choses que nous allons
examiner dans l'histoire – que la forme d'accumulation soit
spécifiquement qualifiée de capitaliste, comme dans l'Europe
contemporaine, ou que cette forme d'accumulation ne soit pas
unanimement qualifiée de capitaliste, comme dans l'Empire Romain.
Proposition
26
Le
principe d'accumulation concentre toutes les richesses et
appauvrit l'ensemble du corps social.
|
À
l'extrême, le capital s'accumule entre des mains de moins en moins
nombreuses puisque il rémunère ses propriétaires au-delà de leurs
dépenses et que les travailleurs appauvrissent à mesure qu'ils
travaillent davantage, à mesure que le prix du travail baisse du
fait de la concurrence, à telle enseigne que la misère se
généralise auprès des producteurs. La société se clive jusqu'à
son point extrême – quand tout appartient à un seul propriétaire.
Exponentielle et structure organique du capitalisme
L'accumulation est générée
par l'épargne et affecte la composition organique du capital. Les
avoirs des possédants augmentent en valeur absolue et, via
l'investissement, la valorisation des outils de production augmente
par rapport à la valeur des salaires. Ce qu'on appelle la structure
organique du capital (le rapport C/V, le capital fixe –
c'est-à-dire la valorisation des outils de production – divisé
par le capital vivant – c'est-à-dire les salaires). À mesure que
le capital s'accumule sous forme d'outils de production, l'outil de
production représente une valeur de plus en plus importante par
rapport aux seuls salaires qui, comme nous l'avons démontré,
génèrent seuls sur le long terme la valeur économique.
À l'extrême, la part des
salaires disparaît dans la composition de la valeur ajoutée et,
avec cette disparition, c'est le fondement même de l'économie qui
disparaît. À l'extrême, il faut imaginer des outils de production
entièrement robotisés qui appartiennent à un seul propriétaire,
des travailleurs faméliques et une production de biens et de
services qui ne trouve pas acquéreurs, une économie qui tourne à
vide et nourrit des avoirs théoriques de rentiers, avoirs
impossibles à réaliser puisque la fabrication d'un produit
entièrement mécanisée ne générerait pas de valeur économique.
L'investissement global dans
l'outil de production obère la productivité économique. En Chine
en particulier, les capacités de surproduction sont gigantesques
mais les investisseurs continuent à augmenter la productivité des
outils industriels, à augmenter les cadences alors qu'il n'y a plus
personne pour acheter cette production.
Note
17. La productivité
Nous
définirons la productivité comme production de valeur ajoutée par
unité de temps.
L'augmentation
des cadences, du temps de travail, la flexibilisation du travail, la
dégradation des conditions de travail n'augmentent pas la valeur
ajoutée produite et, partant, la productivité. Au contraire, comme
ces mesures augmentent les dividendes non dépensées, elles ont
tendances à diminuer la productivité.
En
termes mathématiques, on dira que la productivité est la dérivée
dans le temps de la valeur ajoutée, c'est-à-dire la production de
valeur d’échange par unité de temps. Avec P= productivité, V=
valeur créée et t= temps.
(4.3)
La
fonction P(x) sera la pente de la fonction V(x) en fonction du temps.
Si la production de valeur tend vers l'infini (P(x)=∞), la pente de
V(x) tendra vers la verticale, si la production de valeur tend vers
(P(x)=0), la pente de V(x) tend vers l'horizontale, s'il y a
destruction de valeur, la courbe de V(x) descend (P(x)<0). Comme
la productivité est la dérivée de la valeur créée, la valeur
créée est l'intégrale de la productivité sur t.
(4.3.1)
ou
encore:
(4.4)
La
valeur créée est égale à la productivité par unité de temps
multipliée par le temps.
Pour
une période donnée, nous avons :
(4.5)
On
notera que pour un temps donné (mettons un an = ∆t) le V constitue
le PIB. Nous avons vu que le PIB est directement proportionnel à la
réalisation du PIB antérieur, c'est-à-dire à l'importance
relative de la part du PIB réalisée intégralement, de la part du
PIB consacrée aux salaires. Pour résumer, on peut dire que plus la
part du PIB consacrée aux salaires – et notamment aux bas salaires
qui se réalisent intégralement – est importante, plus l'économie
est productive.
Effondrement
Ahmed Nafeez résume une étude de la NASA dans un article du
Guardian qui a fait pas mal de bruit2 .
Cette étude lie concentration des richesses, pillage des ressources
et effondrement des civilisations.
Pour résumer (nous traduisons les citations mises en exergue
ci-dessous) ladite étude:
La chute de l'Empire Romain et des empires tout aussi avancés - si
ce n'est plus - des Han, des Maurya ou des Gupta, ainsi que l'empire
Mésopotamien, atteste le fait que les civilisations complexes et
créatives peuvent être fragiles et disparaître.
L'étude identifie les facteurs les plus importants corrélés au
déclin de civilisation: la population, le climat, l'eau,
l'agriculture et l'énergie.
Note
18. Le pic pétrolier
Selon
certaines informations bien étayées, l'ère du pétrole arrive à
sa fin3.
L'extraction de cette forme d'énergie l'épuise sans qu'elle ne se
renouvelle.
Sans
nous prononcer sur la pertinence des scénarios du 'pic pétrolier'
ou même de la fin du pétrole, sans nous engager sur un calendrier
de la chose, nous allons examiner les conséquences possibles sur
l'économie et, particulièrement, sur la part des salaires dans la
production de valeur économique - si un plan B était trouvé pour
remplacer le poisseux liquide comme source d'énergie, nous aurons
simplement perdu un peu de temps en conjectures, par contre, si le
scénario de la fin du pétrole devait se vérifier, il serait bon
d'anticiper les choses du point de vue qui nous préoccupe: la
pérennité de la production économique (et donc, comme nous l'avons
prouvé, l'importance relative des salaires dans la valeur ajoutée).
Le
pétrole concentre l'énergie à très haute dose. Il est utilisé
dans l'agriculture, la (pétro)chimie ou les transports. Du point de
vue de l'économie productive, il a pris une place de choix dans les
transports, la production d'énergie électrique, le chauffage,
l'agriculture.
Agriculture
La
fin du pétrole signifie la fin de l'agriculture industrielle. Sans
pétrole, plus de gros tracteurs, plus de grosses
moissonneuses-batteuses, plus d'engrais ou d'insecticide non plus
puisque ces produits sont issus du pétrole.
Les
rendements agricoles, la production agricole risquent de s'effondrer
en cas de disparition du pétrole. Cet effondrement ne sera pas
accompagné d'un effondrement de la demande, des besoins
alimentaires.
Pour
accompagner la fin du pétrole sans dégât, les exploitations
agricoles devront nécessairement diminuer de taille, elles devront
se multiplier et devront recourir à des techniques agricoles sans
pétrole (genre permaculture) à rendement élevés. Ces techniques
existent. Faute de cette adaptation, les populations sont condamnées
à la disette à côté de terres géantes en friche comme les
Anglais au XVIIIe4
ou les Brésiliens d'aujourd'hui. Ce problème est fondamentalement
politique, ce n'est pas un problème d'argent ni de possibilités
techniques.
Au
niveau de l'emploi, il est clair que ces politiques de transition
agricole, si elles sont adoptées - et il faut espérer qu'elles le
soient pour qu'on puisse continuer à manger - comme après les
grandes épidémies au moyen-âge, l'augmentation de la demande de
main d’œuvre changera le rapport de force sur le marché de
l'emploi. Les employés seront rares, recherchés, demandés alors
que les employeurs auront un besoin impératif d'investir dans
l'emploi. Par ailleurs, le prix, la valeur ajoutée produite par le
secteur va exploser (les prix agricoles augmenteront). L'augmentation
des prix agricoles imposera une répartition des richesses produites
faute de quoi, la disette menacera la majorité de la population.
Dans une situation de famine presque générale, la productivité
s'effondre et, avec elle, la société telle que nous la connaissons.
On ne voit pas alors ce qui garantirait quelque propriété que ce
soit.
Par
contre, si l'augmentation des prix agricoles est accompagnée d'une
distribution de la richesse, elle peut être indolore pour les
producteurs et synonyme de demande d'emplois patronale.
Le
devenir de l'agriculture est donc un enjeu éminemment politique du
point de vue des producteurs. De la lutte, du rapport de force que
les producteurs seront capables d'induire ou non, sur lequel ils
surferont ou non, dépend la prospérité commune générale, dépend
la forme de civilisation, de société qui peut émerger de la fin du
pétrole.
Les
transports et l'industrie
Le
secteur va complètement changer. Sans pétrole, sans énergie de
substitution (c'est-à-dire dans le cas de figure que nous examinons
ici), le secteur s'anémie. Plus de flux tendu, plus de cargo, plus
de trente-nuit tonnes, plus de délocalisation, du coup, plus de
division extrême du travail.
La
relocalisation de l'économie offre une opportunité a priori,
celle de limiter drastiquement le cadre de la concurrence. Or, on
pourrait croire que moins il y a de la concurrence, plus les
producteurs peuvent s'affranchir de l'obsession de l'emploi, du
chantage à l'emploi et peuvent récupérer du salaire. Cette idée
n'est vraie que si le rapport de force entre propriétaires et
producteurs impose un cadre légal, une limite à la propriété
lucrative. Ce rapport de force n'est absolument pas évident au
niveau local, il faut l'établir - comme la société du transport
gratuit impose de l'établir au niveau mondial. Pour un employeur, il
a été possible d'opposer les travailleurs de Verviers et d'Eupen,
des bourgades distantes de quelques kilomètres, comme il oppose
aujourd'hui les travailleurs du Bangladesh et de Picardie5.
C'est
dire que la fin du pétrole ne signifie pas la fin de l'emploi ou
l'avènement du salaire. Elle représente à coup sûr une
opportunité pour les producteurs dont les bras deviennent précieux
et peu délocalisables, elle constitue aussi un danger pour les
consommateurs, pour les populations, pour les besoins humains. Ce
danger peut servir d'aiguillon de la nécessité, il peut contraindre
les producteurs à accepter l'inacceptable sous la menace de la faim.
Ces facteurs peuvent amener à l'effondrement quand ils se combinent
à deux traits sociaux:
La
tension sur les ressources liée à la pression sur la capacité
écologique [et] la polarisation économique de la société en élite
d'un côté et masse de l'autre. [Ce phénomène social] a joué un
rôle central dans le processus d'effondrement ces derniers cinq
mille ans.
Aujourd'hui, l'extrême polarisation sociale est liée au pillage des
ressources:
... les surplus accumulés ne
sont redistribués dans la société mais sont contrôlés par une
élite. La masse de la population qui produit la richesse n'en reçoit
qu'une petite partie (...) juste au-dessus du seuil de subsistance.
Mais, selon l'étude, la technologie ne résoudra pas ces problèmes
en augmentant l'efficacité de la production.
Les
changements technologiques peuvent augmenter l'efficacité de
l'utilisation des ressources mais elle augmente aussi la consommation
de ressources par personne de telle sorte que, outre les effets
politiques, l'augmentation de la consommation compense souvent
l'amélioration de l'efficacité de l'utilisation des ressources.
Si l'on suit ces modélisations de civilisations effondrées,
l'effondrement de notre propre civilisation semble difficile à
éviter. Les civilisations paraissent
... être durables pendant
longtemps mais, même avec un taux d'épuisement optimum et en
partant d'un nombre très restreint d'élites, les élites finissent
par consommer trop, ce qui provoque une famine dans les masses, cause
de l'effondrement de la société. Il faut noter que ce type
d'effondrement de Type-L est provoqué par une inégalité qui induit
une famine qui fait disparaître les travailleurs plutôt que par un
effondrement naturel.
Un autre scénario met l'accent sur le rôle de l'exploitation
continue des ressources et fait émerger le fait que avec une
accélération de l'épuisement des ressources, le déclin des masses
se produit plus rapidement alors que les élites prospèrent encore
mais elles les suivent dans leur disparition.
Dans les deux scénarios, les élites ne subissent les dégâts de
l'effondrement écologique qu'après les masses. Elles continuent le
business as usual malgré la catastrophe pendante - ce fut
notamment le cas chez les Romains et les Mayas.
Ces scénarios catastrophe ne sont pas inévitables. Des changements
politiques structurels peuvent stabiliser la civilisation et en
empêcher l'effondrement. Pour les auteurs de l'étude, il faut
réduire les inégalités économique pour garantir une distribution
plus juste des ressources et il faut réduire massivement la
consommation en s'appuyant sur des ressources renouvelables et en
stabilisant la population, ce qui s'obtient efficacement en assurant
aux gens un avenir économique garanti.
En tout cas, comme Polanyi en son temps, cette étude de la NASA lie
l'accumulation à l'infini des élites, la concentration des moyens
de production et l'effondrement de l'économie productive, ce qui va
dans le sens de nos propres découvertes relatives au salaire et à
l'accumulation : une accumulation à long terme n'est pas
soutenable pour l'économie productive ; l'économie productive
tient tant qu'elle trouve des marchés extérieurs pour réaliser la
plus-value accumulée et s'effondre quand elle n'en trouve plus ;
plus la part des (bas) salaires intégralement dépensés est élevée,
plus l'effondrement économique est repoussé ; si les salaires
intègrent l'ensemble du PIB, la perspective de l'effondrement
s'éloigne parce qu'il n'y a plus d'accumulation, il n'y a plus de
valeur ajoutée non réalisée.
Accumulation et Ponzi
Pour
tenter de comprendre le phénomène mis en avant par Ahmed
Nafeez, nous allons
faire un détour par la notion de système de Ponzi. Un
système de Ponzi est défini par Wikipédia comme
un
montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les
investissements des clients essentiellement par les fonds procurés
par les nouveaux entrants. Si l'escroquerie n'est pas découverte,
elle apparaît au grand jour le jour où elle s'écroule,
c'est-à-dire quand les sommes procurées par les nouveaux entrants
ne suffisent plus à couvrir les rémunérations des clients. Elle
tient son nom de Charles Ponzi qui est devenu célèbre après avoir
mis en place une opération basée sur ce principe à Boston dans les
années 1920.
La
fonction d'accumulation ε
telle que nous l'avons définie
permet aux propriétaires de capitaux rémunérateurs d'amasser des
valeurs. L'ensemble de ces valeurs additionnées forme un capital de
plus en plus important à mesure que le temps s'écoule. La valeur de
ces capitaux est virtuelle : il faut des biens et des services
produits pour que ces capitaux aient quelque valeur. La valeur du
capital – quelle qu'en soit la forme – est toujours gagée sur le
travail réel.
Nous
rappelons que le travail réel, c'est l'ensemble des tâches réelles
effectuées pour produire des biens et des services réels. Le
travail réel n'a pas de lien direct avec le travail abstrait, la
création de valeur économique, laquelle est liée, comme nous
l'avons vu, in fine
aux
seuls salaires. Ce sont les salaires, le travail abstrait, qui créent
la valeur économique alors que le travail réel crée la valeur
d'usage sur laquelle est gagé tout capital. Si plus personne ne
produit rien de réel (en imaginant un cas d'école, une économie de
cimetière), personne ne peut plus rien acheter avec son argent, avec
son capital sous quelque forme que ce soit et la valeur de l'argent
ou du capital égale alors à zéro. Pour le dire autrement, c'est
parce que des gens prestent du travail concret que la valeur de
l'argent, du capital a un sens.
Pour expliquer la différence
entre travail concret et travail abstrait, nous allons énumérer les
différents aspects que peut recouvrer le travail concret.
L'emploi rémunère la
prestation de travail concret, la réalisation concrète de biens et
de services. Mais la rémunération constitue en elle-même du
travail abstrait, c'est elle qui fonde la valeur économique des
biens et des services réalisés. Le prix de la marchandise réalisée
par le travail concret à l'occasion du travail abstrait intègre le
montant du salaire, le travail abstrait, de l'employé mais aussi du
fonctionnaire correspondant aux impôts ou du prestataire social
correspondant aux cotisations sociales.
Le
travail réalisé hors emploi réalise aussi les biens et les
services sur lesquels le capital gage sa valeur. La prestations de
services à domiciles, les tâches domestiques en constituent une
part appréciable. On notera aussi l'importance de la production
réelle
des
chômeurs, des retraités ou des malades : garde d'enfant, école
de devoir, échanges sociaux, potager, présence, aide à domicile …
L'ensemble des services et des biens produits
par
le travail réel est tout simplement inestimable et soutient
l'ensemble de l'économie, l'ensemble du travail abstrait, l'ensemble
de production de valeur économique qui, sans ce travail concret hors
emploi, disparaîtrait. Sans le travail concret hors emploi, personne
ne survivrait (les enfants ont besoin de contact physique, de soin et
d'affection), personne ne parlerait (l'acquisition du langage est
conditionnée au temps passé à échanger en langue maternelle avec
l'enfant), personne ne jouerait (il s'agit de travail réel hors
emploi) et, donc, personne ne développerait ses sens, ses capacités
motrices et ses capacités intellectuelles : l'humanité serait
ramenée à l'état de champignon. Par ailleurs, tout ce qui est
produit dans le cadre de l'économie a deux aspects : la valeur
économique est le fruit du travail abstrait et les biens et les
services viennent tous de l'action humaine sur la nature, du travail
concret6.
Ceci
nous permet de distinguer
deux
formes du salaire, du travail abstrait
pour
la production réelle :
les salaires socialisés de la sécurité sociale augmentent
le
ρ de la production économique et permettent donc de pérenniser la
production économique – il s'agit des retraites, des pensions
d'invalidité ou des allocations de chômage7
d'une part et, d'autre part, il s'agit des salaires de la fonction
publique liés non à une prestation de travail concret mais à une
qualification personnelle. En continuant dans le sillage
de
Bernard Friot, dans les deux cas, la production de valeur économique
est totalement dissociée de la production de valeur d'usage, le
travail abstrait et sa violence sociale sont
dissociés
du
travail concret. Si cette dissociation permet de libérer le travail
concret de son asservissement au travail abstrait, à la violence
sociale, elle ouvre aussi la perspective d'une stabilisation de la
machine économique à
condition que
les salaires à la qualification personnelle, que les salaires
socialisés englobent l'intégralité du PIB, soit directement, sous
forme de cotisations, soit indirectement, sous forme
d'investissements qui rémunéreront des salariés par le truchement
des
cotisations.
Mais
l'accumulation menace le travail concret hors emploi parce qu'elle
entend étendre les sphères de sa domination à tout ce qui est
non-capitaliste, elle entend englober toute la production réelle
extérieure à son champ. Ce faisant, elle sape les bases-mêmes de
ce sur quoi elle est gagée, elle sape la réalité,
l'effectivité-même de son incarnation. Pour résumer, on pourrait
dire que le capital s'accumule et que, s'accumulant, il sape aussi
bien la réalité de sa valeur en détruisant les bases de ce qui lui
est extérieur, le travail réel, que les fondements de la création
économique, les salaires. Cette forme d'accumulation détruit le
capital sous toutes ses formes. Ce sont les outils de production qui
finissent par rouiller, les champs qui sont laissés en friche alors
que les affamés se bousculent à la soupe populaire, ce sont ces
travailleurs qualifiés laissés oisifs, désespérés et,
finalement, c'est la connaissance-même utile à la production qui
disparaît du fait de l'accumulation.
Note
19. Les retraites par répartition sont durables, les retraites par
capitalisation sont une pyramide de Ponzi, une arnaque
Pour
examiner le caractère spéculatif des retraites à long terme, nous
allons d'abord évaluer l'impact de l'inflation sur la valeur
d'argent. Une fois que cela sera fait, nous allons voir à quelles
conditions les prestations indexées pourront ne pas être une
pyramide de Ponzi, une arnaque spéculative.
Un
euro donné vaut celui de l'année précédente multiplié par un
plus le taux d'inflation.
(1)
avec i qui est égal au taux d'intérêt corrigé de l'inflation.
On en déduit qu'un euro vaut celui de l'année précédente divisé par un plus le taux d'inflation.
(2)
Ceci
implique que les prestations des retraites indexées seront elles
aussi inscrites dans cette équation générale.
(3)
avec =prestations de retraite d'une année t
on a i=0 en retraite par répartition et i>0 pour les retraites par capitalisation.
Les retraites par capitalisation accumulent du bénéfice, des dividendes. La valeur du capital-retraite doit augmenter plus vite que l'inflation pour pouvoir rémunérer les retraites. Si le i est plus petit ou égal à zéro, les retraites par capitalisation ne paient pas leurs bénéficiaires une fois leur carrière finie, elles ne servent à rien (et on se demande ce qui forcerait les futurs retraités à cotiser pour une caisse qui va disparaître, diminuer ou stagner).
(4)
Avec C= cotisations à un temps donné et P= prestations de retraite à un temps donné.
Cette inéquation montre que les cotisations antérieures sont nécessairement inférieures ou égales aux prestations actuelles. Si elles sont strictement inférieures, cela signifie que le système de retraite n'est pas tenable à long terme, que c'est une pyramide de Ponzi, une arnaque à long terme fondée sur la confiance ; si elles sont égales, le système peut fonctionner dans le long terme sans heurt.
Pour que cette inéquation devienne une équation, pour que les cotisations antérieures soient égales aux prestation actuelles, il faut
- que , les cotisations d'un temps donné, soit indexé, qu’il soit lié au PIB et aux prix
- que i=0, ce qui est le cas pour les retraites par répartition mais non pour celles par capitalisation
- par ailleurs, il n'y a pas de thésaurisation dans les retraites par répartition : ce sont les cotisations de l'année t qui paient les retraites de l'année t.
L'inéquation devient une inéquation stricte dans le cas des retraites par capitalisation et une équation dans le cas de retraites par répartition. En considérant tout ce que nous avons dit, il reste de (4) pour les retraites à répartition :
(5)
si l'on additionne l'ensemble des prestations P et l'ensemble des cotisations C, il vient :
(6)
Dans le cas de retraites par répartition, i=0 et , l'inégalité devient donc une égalité sans que cela ne pose de problème. Les cotisations couvrent toujours parfaitement les prestations à conditions que les retraites demeurent liées à l'inflation – à condition que la base salariale sur laquelle se calcule les cotisations sociales finançant les prestations de retraites soit consciencieusement indexée, qu'il n'y ait pas d'exemption de cotisation, de contrat d'emploi sans cotisation.
Il vient à ce moment-là, pour les retraites par répartition.
(7)
Par contre, cette inégalité, quand i est strictement positif et que le temps de la cotisation est décalé par rapport au temps de la prestation, quand il y a accumulation de capital sur des cotisations régulières à long terme, montre le problème de la capitalisation. À un moment donné, les cotisations deviennent infiniment plus petites que les prestations et ne peuvent plus les couvrir. Comme les retraités par capitalisation ont cru acheter un produit spéculatif qui augmenterait de valeur mais que l'augmentation de valeur n'a eu lieu qu'au bénéfice de quelques uns et au détriment de tous les autres, il s'agit bien d'une pyramide de Ponzi.
Proposition
27
Les
retraites par capitalisation sont destinées à s'effondrer.
Proposition
28
Les
retraites par répartition sont pérennes à condition de garantir
l'assiette salariale.
|
Note
20. La prolétarisation
Prolétaire
et bourgeois
Karl
Marx a pensé le concept de prolétarisation et de prolétaire quand
il a analysé le fonctionnement d'un système économique qu'il a
appelé le capitalisme.
Le
capitalisme est un mode de production dans lequel le capital investit
dans du travail vivant - du salaire - ou du travail mort - des
machines, des matières premières, etc. De cet investissement, le
propriétaire des outils de production retire une plus-value.
En
examinant le fonctionnement de ce système, il a distingué deux
classes sociales, les propriétaires de l'outil de production, ce
qu'il a nommé les bourgeois et les gens contraints de vendre leur
force de travail, les prolétaires. Les prolétaires ne sont pas
propriétaires (même d'usage) de ce qu'il leur faut pour survivre,
pour vivre. Les bourgeois, les propriétaires lucratifs, retirent par
contre un bénéfice du travail sous contrainte des prolétaires.
Ces
deux classes sociales ne sont pas constituées par des gens, par des
castes (même si le capitalisme tend à fonctionner comme cela) mais
par des rapports de production. Les prolétaires ne possèdent pas
leur outil de travail et doivent vendre leur temps alors que les
bourgeois possèdent un outil de travail qu'ils n'utilisent pas et
qu'ils en retirent un gain, ils en ont une propriété vénale,
lucrative et non une propriété d'usage.
L'existence
même de prolétaires constitue un démenti cinglant à la notion de
liberté chère aux libéraux. L'aiguillon de la nécessité -
contrainte au travail - prend une telle emprise sur les existences
qu'il en réduit la liberté à néant.
Prolétarisation
La
prolétarisation est le processus par lequel un producteur est
dépossédé des ressources utiles à sa survie, de son outil de
travail.
-
L'enclosure, la privatisation des ressources communes a comme
conséquence une prolétarisation, elle pousse les producteurs à
vendre leur force de travail et les dépossède de ce dont ils ont
besoin pour vivre dignement. Nous parlons alors de prolétarisation
des ressources. Cette prolétarisation touche l'ensemble du corps
social. L'accaparement des terres s'est doublé d'une privatisation
du droit à la reproduction des semences par les patentes ou des
œuvres par la propriété intellectuelle devenue propriété
lucrative.
-
Le mode de production industriel prive également les producteurs de
toutes ressources. À mesure que les capitaux se concentrent, la
production se fait à une échelle de plus en plus grande, ce qui
implique des capitaux de plus en plus gigantesques investis dans
l'outil de production, ces capitaux gigantesques sont hors de portée
des producteurs. Les petits producteurs ne peuvent affronter la
concurrence des grands, leurs économies d'échelle et sont
contraints de vendre leur force de travail sur le marché de
l'emploi, ils sont prolétarisés. Nous parlons alors de
prolétarisation de l'outil de production.
-
La connaissance, les savoirs qui interviennent dans la production
font partie des ressources utiles à la survie, à la vie. Le mode de
production industriel puis l'organisation fordiste du travail (y
compris le recours actuel aux protocoles dans les métiers de
service), la division extrême du travail, le recours aux tâches
répétitives prolétarisent également les producteurs8.
Nous parlons alors de prolétarisation de la connaissance. Cette
prolétarisation touche l'ensemble du corps social - y compris les
propriétaires d'outils de production - elle est consubstantielle au
mode de production capitaliste et y est à l’œuvre depuis ses
origines.
Proposition
29
La
prolétarisation est le processus de dépossession de l'économie
concrète.
Proposition
30
La
prolétarisation des ressources est la transformation des
communaux en propriété privée.
Proposition
31
La
prolétarisation de la connaissance est la dépossession des
savoirs-faire, des techniques utiles à la production économique
concrète.
|
Le
capital est un dieu impitoyable qui dévore aussi bien ses séides
que ses ennemis ; l'accumulation ne peut être rassasiée par
quelque sacrifice que ce soit. Le principe-même de l'accumulation
s'oppose à la théorie du trickle down ou
du ruissellement : nous avons vu que plus les revenus sont
élevés, plus ils sont liés à la propriété lucrative et non au
travail abstrait, moins ils sont réalisés. Le seul ruissellement
possible est celui du salaire.
Proposition
32
La
théorie du ruissellement ne fonctionne pas du fait de
l'accumulation de la rente.
|
Critique du Capital au 21e siècle
Résumé
des développements mathématiques du chapitre
Dans
son livre Piketty examine le rapport entre valeur patrimoniale et
production de valeur économique. Nous mettons en cause cette
grille de lecture – en dépit de la qualité du travail
d'enquête de l'économiste français et de son équipe – parce
que la valeur du stock de valeur patrimoniale est sujette à
caution : elle est auto-référentielle et peut s'effondrer à
la faveur de la première crise venue. Par contre, nous suivons
Piketty dans la notion d'accumulation relative puisque la partie
de la valeur économique produite qui est accumulée sous forme de
rente n'est pas réalisée, n'est pas dépensée de la même
manière que la partie de la valeur consacrée aux salaires.
L'importance
relative des salaires et de la rente est déterminante pour
évaluer son impact en terme d'inflation salariale et
d'effondrement. Plus la partie consacrée à la rente est élevée,
plus le système est en crise permanente et est sujet à
l'inflation salariale ; à l'inverse, si l'on attribue la
valeur ajoutée aux salaires, la production de valeur économique
est durable et n'est pas sujette à l'inflation salariale.
Nous
avons désigné l'accumulation au moyen de la lettre grecque
epsilon.
|
Arrivés à ce stade, armés de la conviction que seuls les salaires
créent la valeur économique, que la valeur économique est autre
chose que la valeur d'usage créée par la travail concret, nous
pouvons aborder une lecture critique de Picketty. Dans son livre à
succès Le capital au 21e siècle
l'économiste français développe la notion de σ9,
de rapport entre le capital patrimonial et la production de valeur
ajoutée par unité de temps. Ce σ n'a de sens que dans un cadre de
temps prédéfini – par exemple, l'année pour prendre l'unité de
mesure temporelle du PIB. L'arbitraire de la mesure temporelle n'est
pas très important dans la mesure où la comparaison des tendances
longues se fait sur les mêmes bases temporelles. Le rapport σ isolé
ne veut rien dire mais l'évolution de ce rapport dans le temps, en
fonction de l'évolution de la conjoncture économique est, elle,
très significative. C'est bien le sens de la démarche adoptée par
Piketty. Par contre, ce σ rapporte un stock (le patrimoine) à un
flux (la production de valeur ajoutée annuelle), ce qui peut poser
quelques problèmes. La
valeur du stock se construit par accumulation – ce que nous avons
défini en
(4.6) comme
Nous avons déterminé que ce
patrimoine n'avait de valeur que dans la mesure où il pouvait être
gagé sur le travail abstrait lié à un travail concret, que dans la
mesure où cet argent, ce capital, ces avoirs de toute nature
pouvaient servir à acquérir des biens et des services produits par
un travail concret et rémunérés à hauteur du travail abstrait,
des salaires qu'il concentre. Cette accumulation définit, comme nous
l'avons vu, une fonction exponentielle avec le temps. Nous sommes
arrivés à un stade où le σ
vaut plusieurs dizaines de fois la valeur économique créée
annuellement par le travail abstrait. Pour le dire autrement, si les
propriétaires de capitaux sous quelque forme que ce soit se
fatiguaient de leurs titres de propriété et voulaient s'offrir des
biens et des services, s'ils voulaient réaliser leur capital, il
faudrait, pour ce faire, mobiliser l'intégralité de la machine
économique pendant des dizaines d'années. On imagine facilement que
ce cas d'école – qui s'est déjà produit à une échelle locale –
générerait une inflation monstrueuse ou un boom économique s'il
était étendu dans le temps.
La valeur attribuée au
patrimoine est effective au niveau de l'individu, de l'acteur
individuel mais en termes macro-économiques, elle n'a pas de sens.
Si tous les propriétaires immobiliers français vendaient leur bien
en même temps, le prix du mètre carré à Montmartre s'effondrerait
et ce σ s'effondrerait avec lui. C'est dire que la valeur du
patrimoine n'existe que dans la mesure où elle ne se réalise pas
massivement, elle n'existe que dans la mesure où les acteurs qui la
réalisent demeurent minoritaires, isolés et que cette réalisation
partielle peut être gagée sur une production abstraite et concrète.
À partir du moment où l'accumulation elle-même détruit l'outil
économique, la valeur patrimoniale ne permet plus d'acquérir des
biens et des services – ils ne sont plus produits – et devient
absurde.
Par contre, il est intéressant
d'examiner l'évolution de l'accumulation, l'évolution du patrimoine
dans le temps. Si le patrimoine s'accumule de manière exponentielle,
comme la production réelle sur laquelle la valeur patrimoniale est
gagée n'augmente pas de cette façon – au mieux, elle augmente de
manière linéaire – il y a un moment où le patrimoine est destiné
à disparaître en tant que valeur économique.
Définissons donc la fonction σ
du patrimoine et examinons sa dérivée dans le temps en fonction de
la fonction d'accumulation que nous avons défini plus haut :
(4.7)
si cette fonction
est exponentielle à un moment donné, sa dérivée
– la dérivée seconde de σ10
– sera strictement positive à
ce moment, si
est linéaire, la dérivée sera
nulle et, si
est de type logarithmique, la
dérivée seconde sera négative.
Nous sommes passés cependant de la fonction σ
à la fonction ε en la multipliant par le facteur k. Ce facteur k
correspond au rapport entre le stock de capital à un moment donné
et le flux sur l'unité de temps considérée. Les dérivées dans le
temps de ces fonctions sont semblables, elles ont la même allure
mais il y a une différence fondamentale entre les deux (et c'est
pourquoi nous nous en tiendrons à notre fonction ε) : l'ε est
liée au flux de valeur économique alors que le σ est lui lié au
stock de valeur économique. Le facteur k lui-même est sujet à
variation en fonction des cycles économiques, de la vitesse de
réalisation du patrimoine accumulé mais, dans la mesure où on
considère un laps de temps court, sans variation significative de la
vitesse de réalisation du patrimoine, ce facteur peut être
considéré comme une constante.
Nous avons défini ε, la
fonction d'accumulation, comme
la différence entre la valeur ajoutée et la réalisation de (2.8)
VA= ρ+ε, il vient que ε=VA-ρ. Nous avons vu que cette valeur ε
était d'autant moins élevée que la proportion des salaires était
importante dans la valeur ajoutée, nous avons vu que la productivité
de l'économie en tant que production de valeur économique était
d'autant plus élevée que la valeur de la fonction
d'accumulation était basse, c'est-à-dire que la part des salaires –
et, notamment, des bas salaires – était importante dans le PIB.
Mais nous avons veillé à
convertir l'épargne comparée au stock patrimonial en épargne
comparée au flux de production de valeur. Le soin que nous avons mis
à cette conversion s'explique aisément. Comme le patrimoine n'est
réalisable que parce
qu'il n'est pas réalisé comme
nous l'avons dit plus haut, il ne nous a pas semblé pertinent de
l'intégrer comme élément de réflexion. Par contre, comparer un
flux de valeur économique – lié de manière indirecte, comme nous
le verrons plus loin, au flux de valeur d'usage, à la production
concrète de biens et de services – à une épargne nous a semblé
plus pertinent. De ce fait, l'épargne est rapportée au flux de
production de valeur et non au stock. L'épargne étant gagée in
fine sur la
production de biens et de services concrets, il fallait qu'elle fût
lié à ce qui était lié par ailleurs à cette production de biens
et de service. En examinant le rapport entre un flux de production de
valeur d’échange et une accumulation de valeur d’échange,
c’est-à-dire un flux aussi, nous nous détachons de l'embarrassant
solipsisme de la valeur patrimoniale et sommes sûrs de comparer des
choses comparables. Nous ne comparons donc plus un flux et un stock
mais un flux et un autre flux.
En effet, que les châteaux de
la Loire doublent de valeur ou qu'ils perdent la moitié de leur
valeur comptable, que le Palais impérial au Japon double de valeur
ou qu'il perde la moitié de sa valeur comptable ne modifie en rien
en soi le comportement de l'épargne, de l'accumulation, des salaires
dans le PIB ou de la durabilité de l'économie. En considérant la
valeur capitalistique, comptable des biens et des services, on fait
trop grand cas de l'effet économique de la spéculation. La
spéculation a de l'effet en tant qu'épargne, en tant que capital
qui se rémunère par une ponction contre-productive sur la valeur
ajoutée mais, en soi, elle ne modifie pas le fonctionnement de
l'économie. L'exemple des palais et des châteaux n'est pas tout à
fait innocent : il s'agit typiquement de biens qui ne seront
jamais
vendus. Et, s'ils devaient
l'être un jour, nous aurions vraisemblablement changé de régime
politique et économique.
L'aspect virtuel – et
économiquement peu pertinent, si ce n'est du point de vue du
parasitisme – de la valeur économique patrimoniale éclaire d'un
jour nouveau la question de la destruction cyclique de valeur
économique pendant les crises économiques. Les châteaux ne
disparaissent pas, ni les yachts, ni les montagnes : ce qui
disparaît pendant les crises, c'est la valorisation économique de
ces choses. Il n'y a plus de demande, les salaires sont anémiés,
l'outil industriel tourne au ralenti, le chômage s'étend – la
valeur de quartiers entiers, d'usines disparaît avec la
surproduction.
La valeur du capital
Les avoirs immobiliers peuvent fluctuer en valeur en fonction des
crises ou du contexte économique. De la même façon, les avoirs
mobiliers – les créances, les titres, les assurances, les produits
dérivés ou les actions – peuvent changer de valeur en fonction de
la conjoncture économique.
La politique de la dette peut favoriser les détenteurs de biens
mobiliers, la valeur des créances, des titres et de l'argent ou,
inversement, elle peut favoriser le dynamisme économique au
détriment de la valeur de l'argent.
On ne confondra pas l'argent et le capital. L'argent est ce qui
atteste le capital, il en est la contre-partie, l'expression. Le
capital prend d'autres formes que l'argent, il peut s'incarner en
marchandises, en outils de production, en patentes ou en biens
mobiliers et immobiliers. L'argent est une forme transitoire du
capital mais le capital peut prendre d'autres formes.
La politique de la dette peut favoriser les détenteurs de capital
mobiliers, la valeur des créances, des titres ou de l'argent ou,
inversement, elle peut favoriser le dynamisme économique au
détriment de la valeur du capital ou de l'argent. Les politiques
ordo-libérales européennes, inspirées par le traumatisme mal
compris de l'inflation outre-Rhin, sont rivées sur des indices comme
le NAIRU, le taux optimal de chômage qui évite l'inflation. Ces
politiques s'inscrivent dans une option monétariste alors que des
politiques économiques inspirées de Keynes recommandent
d'euthanasier les rentiers, de diminuer la valeur de l'argent pour
favoriser la valeur de l'activité économique.
L'avantage du keynésianisme, c'est qu'il diminue l'accumulation
capitaliste, l'inconvénient, c'est qu'il ne résout pas la baisse
tendancielle du taux de profit. Il ne résout pas les contradictions
du capitalisme mais il permet de tenir des cycles longs de
croissance. Par contre, l'ordo-libéralisme augmente l'accumulation
capitalistique et, avec elle, la paralysie de l'économie. L'avantage
de l'ordo-libéralisme – dans la mesure où on peut parler
d'avantage s'agissant d'une politique économique qui plonge dans la
misère des millions de personnes – c'est qu'il rend les
contradictions capitalistiques insurmontables et force à penser le
cadre.
Note 21. Le syndrome de Stockholm chez les endettés
Notes
de lecture – Michael Hudson, The Stockholm syndrom in the
Baltics, in The Contradictions of the austerity11.
Nous
traduisons et résumons un article de Michael Hudson. Si
nous ne partageons pas nécessairement le point de vue économique
plutôt social-démocrate de l'auteur, nous devons admettre qu'il
apporte par la rigueur de sa synthèse une belle pierre à l'édifice
de notre raisonnement. Nous reprenons donc son article comme partie
rapportée de notre propre raisonnement.
Il
s'agit d'illustrer les politiques de rentiers à l’œuvre en Europe
par un exemple extrême. Dans le choc post-soviétique, les électeurs
étaient prêts à suivre les libéraux les moins communistes qui
soit. Depuis 20 ans, on les distrait des enjeux économiques, des
effets des politiques d'austérité, avec des problèmes ethniques -
notamment autour de la minorité russe.
La
Lettonie, petite république balte, a souffert de la contraction
économique la plus importante suite à la crise financière de 2008.
Les prêts inconsidérés des banques suédoises ont nourri une bulle
immobilière. Cette bulle aurait dû exploser comme toutes les
bulles. Par ailleurs, la dette publique lettone était libellée en
euros, ce qui a posé les mêmes problèmes que ceux des économies
du sud qui étaient endettés en dollars forts.
La
Lettonie a sacrifié les intérêts économiques nationaux à ses
créanciers. Elle a mené sans interruption une politique de diète
néo-libérale depuis son indépendance en 1991. En 2008, face à la
crise financière, elle a persisté dans l'austérité pour le
travail et les sauvetages pour les banques. Pour restaurer la
confiance de la Swedish Bank, la Lettonie a détruit l'emploi, le
gouvernement, les salaires et les prestations du secteur public.
Le
néologisme technocratique appelle cette politique d'austérité
salariale la 'dévaluation interne' chère au consensus de
Washington. En totale opposition aux intérêts nationaux, il s'est
agi de privatiser les entreprises au profit d'une caste kleptocrate,
d'ouvrir le pays aux marchandises occidentales. Il s'est agi de
sabrer les dépenses publiques, de réduire les salaires afin de
permettre aux créanciers étrangers d'acheter les propriétés les
plus riches (les terres, les ressources naturelles et les
infrastructures monopolistiques privatisées) et de payer les dettes
en renforçant la dépendance aux secteurs financiers des nations
industrielles.
Après
2008, les coupes dans les dépenses gouvernementales ont augmenté le
chômage et diminué les salaires de la fonction publique de 30%, ce
qui a diminué les importations alors que les exportations passaient
de 42% du PIB en 2008 à 60% du PIB en 2012 alors que le déficit
commercial passait de 26% du PIB à 2% et que la dette extérieure
passait de 57% du PIB à 38%.
Après
l'éclatement de la bulle immobilière et la crise de la
construction, l'amortissement de la crise hypothécaire s'est fait
sur le dos des dépenses sociales lettones. L'émigration accélérait
alors que le chômage atteignait plus de 21% de la population en
janvier 2010. Malgré l'augmentation de 6% du PIB en 2011-2012, le
chômage dépasse encore les 10% et le PIB n'a pas retrouvé le
niveau d'avant la crise. L'austérité a donc appauvri l'économie
lettone mais a sauvé les banques étrangères.
La
Lettonie demeure l'un des pays les plus pauvres, les plus dépendants
d'Europe au terme de ces six années d'austérité. La Lettonie a
sciemment entretenu un chômage élevé pour faire baisser les
salaires, son économie en a été détruite et les inégalités ont
explosé.
La
démographie a marqué le pas. Les mariages et les naissances ont
diminué suite à la crise. Quelques 14% de la population active,
surtout de jeunes adultes, ont émigré ces dernières années en
laissant une population âgée sur place.
L'éducation
et la santé ont été sacrifiées par les budgets d'austérité, ce
qui a accentué le problème démographique. Pour retourner la
situation, il faudra a minima reconnaître que les salaires sont trop
bas et que le chômage est trop élevé.
Trois
choix se présentent:
-
l'austérité salariale : la diminution des salaires pour
conserver la valeur de l'argent et les rendements du capital.
-
la dépréciation monétaire: impossible avec une dette à 90%
libellée en monnaies étrangères. Elle aurait augmenté le prix des
marchandises importées. Cela aurait fonctionné si la Lettonie avait
d'abord converti sa dette en monnaie nationale.
-
la détaxation du travail: la propriété est très faiblement taxée
en Lettonie (moins de 1%). La Lettonie pratique la flat tax, la taxe
à taux fixe, quel que soit le revenu, sur les salaires alors que le
capital est taxé à 10%. Cette taxation très favorable à la rente
a gonflé la bulle. Cette bulle a stimulé le secteur de la
construction, ce qui a augmenté les salaires mais les politiques
d'austérité ont mis un frein à ces augmentations. L'alternative
aurait été de porter les fortes taxes lettones sur la propriété
plutôt que sur les salaires. Cette option libérale classique aurait
eu les faveurs des physiocrates, d'Adam Smith ou de John Stuart Mill
qui recommandaient d'éviter les taxes sur le salaire. Cette option a
également prévalu pendant l'ère réformatrice aux États-Unis ou
pendant un siècle en Europe quand ces pays investissaient dans les
infrastructures publiques, quand ils fournissaient des services de
base à prix coûtant et réduisaient les coûts économiques. Mais,
pendant les années 1980, les Chicago boys après avoir accompagné
Pinochet ont combattu pour les intérêts des rentiers et des
banquiers, pressant de privatiser les monopoles publics. L'impôt
progressif a été remplacé par la flat tax qui pèse sur l'emploi
et non sur la propriété. Les taxes sur la propriété immobilière
ont été supprimées et le fardeau fiscal a été transféré sur
les consommateurs et les travailleurs. Ceci a redistribué la
richesse vers le haut. La question est de savoir pourquoi la Lettonie
n'a pas suivi une politique classique de taxation de la propriété
mais une politique néo-libérale favorable aux propriétaires.
En
1991, la Lettonie n'avait aucune dette, ni privée, ni publique. En
vingt ans, les dettes ont explosé sans moderniser l'agriculture ou
l'industrie mais en augmentant la valeur des biens immobiliers. Les
républiques soviétiques avait recours au crédit d'État et
n'avaient aucune expérience du crédit privé. La Lettonie et ses
voisins baltiques se sont mis sous la coupe des banques scandinaves.
Au lieu de créer un système bancaire domestique public ou privé
pour prêter en devise nationale, les Lettons ont emprunté à
l'étranger en monnaie étrangère pour avoir des taux d'intérêt
moindres. Ceci a créé une dépendance envers l'étranger. Les
Lettons étaient payés en lat et devaient rembourser leurs emprunts
en euros. Si l'équilibre commercial letton venait à faiblir, le
taux de change montait et augmentait le coût du crédit. Un principe
de bonne politique pour éviter ce problème est d'avoir des dettes
exclusivement en monnaie nationale.
Un
second principe de bonne politique de crédit est d'allouer les
crédits à des secteurs productifs alors que, en l'occurrence, seul
le secteur immobilier improductif a bénéficié de ces crédits.
Le
fait que le traité de Lisbonne interdise le recours à la
monétisation, au financement de l'État par création monétaire
empêche toute politique contra-cyclique de relance, de dépenses
publiques pour favoriser l'emploi, les investissements ou les
infrastructures.
La
Lettonie est passé de liens pesant avec la Russie à une situation
de protectorat européen. Mais, en Pologne, 60% des hypothèques
étaient libellées en francs suisses. Le zloty a perdu la moitié de
sa valeur face à cette monnaie. La Hongrie, les Balkans et l'Ukraine
ont tous souffert de variante de cette histoire. Les banques
européennes sont responsables de cette folie comme prêteuses et
comme emprunteuses - toute les dettes de l'Europe de l'Est sont
détenues par des banques autrichiennes, suédoises, grecques,
italiennes et belges.
Ce
n'est que maintenant que l'on commence à réagir dans les économies
dévastées d'Europe centrale et des PIIGS (Portugal, Italie,
Irlande, Grèce, Espagne - [en acronyme anglais]). Le premier
ministre slovaque s'est opposé à des nouvelles coupes dans le
budget public parce qu'elles aggraveraient le chômage. Il a "appelé
à en finir avec les politiques d'austérité 'complètement
contre-productives' et à donner la priorité à la croissance
économique." Il a affirmé être à la tête de chefs de
gouvernement opposés à l'austérité. "Nous avions un
gouvernement conservateur en Slovaquie de 2010 à 2012. Ils avaient
une flat tax, ils avaient un code du travail néo-libéral et le taux
de chômage augmentait et la croissance économique diminuait".
Il
faudrait à tout le moins tracer une ligne pour dire qu'un
appauvrissement de la population active qui la force à quitter le
pays n'est pas une guérison.
La
politique néo-libérale prétend qu'il n'y a pas d'alternative au
fait de payer ses dettes en imputant tous les coûts du crédit aux
endettés. Les lettons ont été distraits de l'austérité par
l'existence de grandes minorités russes et du ressentiment de
décennies d'occupation soviétique. La majorité lettone a accepté
le TINA (il n'y a pas d'alternative) thatchérien aussi longtemps que
toutes les alternatives ont pu être liées à la Russie dans
l'opinion publique.
De
telles capacités à déplacer les enjeux électoraux non-économiques
existent dans le sud de l'Europe ou en Irlande, ce glissement
ethnique n'a pas pu être transplanté en Grèce ou dans d'autres
pays, à l'exception des tentatives de l'extrême droite de
stigmatiser les immigrants. Les électeurs grecs et italiens ont
rejeté les politiques d'austérité imposées quand les banques
européennes et les détenteurs de bon du trésor ont envoyé des
"technocrates" pour agir comme des proconsuls.
Les
électeurs baltes n'accepteront les politiques d'austérité que tant
que l'attention politique électorale sera détournée de
l'économique.
L'expérience
lettone met en avant les coûts financiers évacués par la doctrine
néo-libérale [NDT : nous reprenons les termes de l'article
original, ce ne sont pas les nôtres]:
-
les intérêts hypothécaires augmentent les prix des logements
-
la déflation des dettes accapare les salaires, les profits et les
impôts gouvernementaux pour payer les créanciers. Cet accaparement
diminue les dépenses de biens et de services dans l'économie
"réelle".
Le
coût du secteur financier est tout simplement ignoré. L'économie
du XXIe siècle a transformé le caractère de la compétition
internationale. Jusqu'au XIXe siècle, la nourriture était la budget
principal des travailleurs et elle était essentielle dans la
valorisation du travail. La clé de la compétition internationale,
c'était la technologie: réduction des prix de production par
l'innovation et, notamment, remplacement de la force de travail par
d'autres produits qui réduisaient la valorisation du travail. La
force motrice de l'économie, c'était la consommation et la
production. Mais, de manière constante ces deux derniers siècles,
les prix ont intégré de plus en plus d'intérêts et autres charges
financières. La clé de la compétition internationale, c'est
l'organisation du système financier et le caractère institutionnel
de sa politique fiscale et, dans le cas de monopoles
d'infrastructures, l'investissement public et la régulation des
prix.
A
minima, il faudrait déplacer la charge fiscale du travail vers
la propriété pour rendre le travail plus attractif dans ce pays en
proie à l'émigration et la dénatalité.
La
doxa monétariste européenne inscrite dans le traité de Lisbonne
est un dévoiement de la théorie libérale classique, c'est la voie
de la dépendance financière, de la dépendance commerciale, de
l'asservissement par la dette. C'est un cas classique du syndrome de
Stockholm envers les banquiers-preneurs d'otages, pas une voie
d'indépendance.
Ce
petit point explique d'ailleurs pourquoi les politiques dites
d'austérité, les politiques monétaristes, favorables aux rentiers
et aux spéculateurs ne peuvent pas fonctionner : en sapant les
bases économiques, la production de valeur ajoutée par les
salaires, l'austérité protège les
actionnaires
et les propriétaires immobiliers, met la machine économique sous la
coupe d'une destruction brutale de valeur accumulée. Au final,
plus
personne ne peut se chauffer, nettoyer, ranger ou entretenir des
propriétés immobilières devenues impayables. Juste après les
misérables que leur système économique crée, les riches
finissent
eux aussi par mourir de faim, faute de soins, dans une ignorance
totale des choses du monde et d'eux-mêmes ; ils meurent sur
leur tas d'or, dans leur palais sans comprendre la nature-même de
leur mort.
Proposition
33
L'accumulation
permet des profits considérables mais condamne à terme la
civilisation – riches et pauvres inclus.
|
1Sur
cette question (et bien d'autres) nous nous référons à l'étude
de l'accumulation de Rosa Luxemburg dans son Accumulation
du capital.
Nos références : R. Luxemburg, The
Acccumulation of Capital, Routledge,
2003. Ou, pour la version électronique en français,
<http://www.marxists.org/francais/luxembur/works/1913/>.
Luxemburg étudie l'accumulation à la fois dans sa logique
économique et dans ses conséquences en termes de superstructures
sociales et politiques. Elle soulève le problème de la réalisation
de l'épargne que nous avons développé à notre façon dans le
chapitre 3. On citera pour mémoire dans la neuvième partie du
premier chapitre de la version électronique sus-citée :
C'est par conséquent la façon même de poser
le problème qui a été dès le commencement mauvaise chez Marx. Ce
qui importe, ce n'est pas de demander : d'où vient l'argent pour
réaliser la plus-value ? mais : d'où vient la demande ?
Où est le besoin solvable pour la plus-value ? Si la question avait
été ainsi posée dès le début, il n'eût pas fallu tant de longs
détours pour montrer clairement comment on pouvait la résoudre ou
comment on ne pouvait pas la résoudre. Dans l'hypothèse de la
reproduction simple, la chose est tout à fait simple : étant donné
que toute la plus-value est consommée par les capitalistes, qu'ils
sont ainsi eux-mêmes les acheteurs, la demande pour la plus-value
sociale dans sa totalité, ils doivent par conséquent aussi avoir
en poche l'argent nécessaire pour la circulation de la plus-value.
Mais de ce même fait découle avec évidence ceci : c'est que, dans
les conditions de l'accumulation, c'est-à-dire de la capitalisation
d'une partie de la plus-value, la classe capitaliste elle-même ne
peut pas acheter, réaliser toute sa plus-value. Il est exact qu'il
faut réunir la quantité d'argent nécessaire pour réaliser la
plus-value capitaliste, si, d'une façon générale, elle doit être
réalisée. Mais cet argent ne peut absolument pas provenir de la
poche des capitalistes eux-mêmes. Ils sont tout au contraire,
d'après l'hypothèse même de l'accumulation, non
acheteurs de leur plus-value,
même si - théoriquement - ils ont suffisamment d'argent en poche
pour cela. Qui donc peut représenter la demande pour les
marchandises où se trouve contenue la plus-value capitaliste ?
2Voir
l'article de Ahmed Nafeez,
<http://www.theguardian.com/environment/earth-insight/2014/mar/14/nasa-civilisation-irreversible-collapse-study-scientists>,
disponible en ligne en anglais.
3Sur
ce sujet, voir par exemple cet excellent blogue de Matthieu
Auzanneau <http://petrole.blog.lemonde.fr/>.
4En
Angleterre, au XVIIIe, les forêts domaniales sont brutalement
devenues l'apanage de leurs propriétaires. Le Black Act de
1723 criminalise le glanage, la récolte de bois mort et la chasse
dans les bois des nobles. Cette loi approfondit la notion de
propriété, ce qui ira jusqu'à prononcer la peine de mort pour les
braconniers.
Cette acception, cette sacralisation de la propriété privée n'allait pas du tout de soi, elle privait les manants de ressources, de moyens de survie disponibles et les condamnait à la misère dans un pays de forêts giboyeuses (voir E.P. Thompson, La Guerre des forêts, La Découverte, 2014).
Cette acception, cette sacralisation de la propriété privée n'allait pas du tout de soi, elle privait les manants de ressources, de moyens de survie disponibles et les condamnait à la misère dans un pays de forêts giboyeuses (voir E.P. Thompson, La Guerre des forêts, La Découverte, 2014).
5Voir
Jean Neuville, Naissance
et croissance du syndicalisme, Tome
1, L'Origine des
premiers syndicats,
Vie Ouvrière, 1979.
6Voir
B. Friot, Émanciper le travail,
p. 10, op. cit. :
Faire société, ça n'est pas seulement organiser la production
de biens et de services nécessaires à la vie commune, ce qu'en
langage technique on désignera par l'expression « production
de valeur d'usage ». C'est aussi affronter la violence dans
laquelle cette production s'opère, une violence qui s'exprime dans
la valeur économique.
7Voir
B. Friot, L'Enjeu du salaire, op.
cit.
8A.
Smith dans sa Recherche sur la nature et sur les causes de la
richesse des nations, Economica,
2000,
insistait
sur les gains d'efficacité économique, sur l'augmentation de
prospérité générale que permettait la division du travail. C'est
certainement exact mais le prix de la division du travail est ce que
nous nommons sa prolétarisation, c'est le fait que la tâche
effectuée dans le cadre du travail devient abêtissante, répétitive
et tue l'intelligence et l'énergie vitale du travailleur plutôt
que de les cultiver.
9T.
Piketty, Le capital au 21e siècle,
Seuil, 2013.
10La
dérivée seconde donne la tendance à terme de l'évolution. Si la
courbe décrite par la fonction est convexe, si l'augmentation de la
valeur de la fonction est elle-même en augmentation ou si la
diminution de la valeur de cette fonction est elle-même en
diminution, la dérivée seconde sera positive et, inversement, si
la fonction est concave, c'est-à-dire si son augmentation diminue
ou si sa diminution augmente, la dérivée seconde sera négative.
11Disponible
ici
<http://michael-hudson.com/2014/05/stockholm-syndrome-in-the-baltics/>,
en anglais.