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Le PIB est lié à la valeur ajoutée. Il est aussi possible d'ajouter de la valeur économique par création monétaire, par émission de monnaie en liquide, sous forme numérique ou sous quelque autre forme. Il importe à ce stade de notre réflexion sur la seule valeur économique, sur la violence sociale cristallisée dans la production de biens et de services, de comprendre l'inflation. La création monétaire offre d'immenses perspectives mais elle est susceptible d'être inflationniste.
On
peut, en tout état de cause, s'interroger sur la pertinence de
l'obsession anti-inflationniste des politiques dites monétaristes.
Si le salaire passe de 100 à 110, si les prix à la consommation
passent de 100 à 110, si la valeur des comptes épargnes passe de
100 à 110 et si la valorisation immobilière passe elle de 100 à
110, il y a bien techniquement inflation avec un effet sur les prix
mais elle ne modifie ni la nature de la valeur économique, ni ce
qu'elle implique comme activité, ni la création de valeur
économique, ni le fonctionnement de l'économie concrète. Si les
prix augmentent, si les salaires augmentent et si l'épargne est
rémunérée à hauteur de l'inflation, l'inflation ne pose pas
nécessairement problème. Quand les prix augmentent moins vite que
les salaires et dépassent la rémunération de l'épargne, cela ne
pose pas non plus de problème à long terme pour l'économie puisque
une inflation de ce type annule le caractère exponentiel des
fonctions d'accumulation du capital moyen.
Proposition
17
La
seule inflation problématique est l'inflation salariale, c'est le
fait que les salaires baissent en valeur réelle.
|
Non
considérerons comme problématique du point de vue de l'économie
telle que nous l'avons définie au premier chapitre et dans
l'introduction la seule inflation qui affecte les salaires, qui en
diminue la valeur effective. Cette inflation diminue les salaires
réels,
ce qui contracte l'économie, le PIB réel.
Par réel, j'entends le pouvoir d'achat, le confort ou le niveau de
vie que permet un salaire ou un PIB donné. Pour prendre un exemple
simple, quand la France est passée du franc à l'euro, son PIB
numéraire a été divisé par 6,6 alors que ce chiffre correspondait
à une production de valeur économique, à une production de biens
et de services inchangée, alors que l'ensemble des valeurs ajoutée
organisait une violence sociale identique en dépit du changement de
devise. Inversement, si les salaires augmentent en chiffre
mais
diminuent en
terme de valeur correspondant, l'ensemble du PIB réalisé va
diminuer en valeur économique à terme, ce qui génère une crise.
Nous nommerons ce type d'inflation, l'inflation des prix qui affecte
les salaires, l'inflation salariale – à ne pas confondre avec
l'augmentation généralisée des salaires qui fera l'objet d'une
réflexion ultérieure. Répétons-le, si l'inflation des prix
s'accompagne
d'augmentation des salaires à proportion, elle n'est en rien
problématique. Ce type d’inflation a tendance à diminuer les prix
à l’exportation – ce qui favorise l’industrie nationale par
rapport à ses compétiteurs étrangers – et à augmenter les prix
à l’importation – ce qui a l’effet inverse.
Nous
considérerons comme problématique la seule inflation salariale.
L'inflation qui diminue la valeur des comptes épargne, du patrimoine
mobilier ou immobilier, ne sera pas considérée comme problématique
de notre point de vue puisqu’elle augmente le taux de réalisation
du capital. Cette inflation est induite quand la quantité de valeur
économique de biens et de marchandises demandée est supérieure à
la quantité de biens et de marchandises (en valeur économique)
offerte par l'ensemble de la production d'un ensemble monétaire
donné. En soi, non seulement, elle ne pose de problème par rapport
à l'efficience de l'ensemble des outils de production mais
« l'euthanasie du rentier1 »
a comme intérêt d'augmenter la réalisation globale de la valeur
ajoutée produite – le ε
diminue – et, ce faisant, de
pérenniser, de sécuriser le fonctionnement de l'économie
productive sur le long terme. En disant cela, nous ne nous
interdisons pas d'évaluer la pertinence de la prolongation du
fonctionnement de l'économie productive. Cela point sera traité
ultérieurement.
Études des causes de l'inflation salariale
Les
causes de cette inflation salariale sont à chercher du côté de la
baisse de l'offre ou de l'augmentation de la demande. Avant
d'examiner le fonctionnement de l'inflation salariale en général,
nous allons en examiner trois causes certaines – la crise de
surproduction, la guerre et la dette en devises étrangères – et
une cause possible – la création monétaire.
Surproduction et austérité
L'importance
du taux de concentration du capital (moyen ou extrême) obère
l'outil industriel. Les salariés dans l'emploi et hors emploi ne
peuvent plus soutenir l'appareil productif par leur demande salariale
et, à partir du moment où l'appareil productif s'effondre, la rare
production qui demeure devient impayable pour les rares salariés
épargnés. Étrangement, cette inflation salariale au sens où nous
l'avons défini correspond à une diminution des prix
et
à un effondrement des salaires.
Pour prendre un exemple qui parle aux Espagnols ou aux Grecs, si les
prix baissent de 20 % et les salaires baissent de 60 %, il
y a bien une inflation salariale en
dépit de la baisse des prix, en dépit de la déflation technique.
Les gens s'appauvrissent en Espagne et en Grèce au moment où nous
écrivons ces lignes, la demande s'effondre dans ces pays, la machine
économique se grippe et le chômage, la misère se généralisent.
Proposition
18
Une
politique dite d'austérité crée de l'inflation salariale et de
la déflation des prix. Elle rend les dettes impayables.
|
Cette inflation salariale est induite par la guerre aux salaires, par
les mesures dites de rigueur dans les années 1980 puis d'austérité
depuis les années 2000 qui contractent globalement les salaires,
rendant les biens et les services inaccessibles aux salariés.
Note
10. La surproduction et la crise (rappel)
La
surproduction, c'est une crise liée à la hausse de productivité.
Comme toutes les entreprises sont en concurrence, elles tentent
d'augmenter leur productivité, leur production horaire de valeur
ajoutée. Pour ce faire, elles compriment les salaires et, comme
toutes les entreprises agissent de la même façon, au bout du
compte, elles deviennent toutes plus productives alors que les
salaires sont globalement diminués.
En
terme de valeur économique, les gains de productivité sont annulés
par la déflation, les calculs individuels, égoïstes des
entrepreneurs vont contre leurs intérêts économiques
macro-économiques: en comprimant individuellement les salaires pour
réduire les coûts de leur entreprise et l'emporter face à la
concurrence, les patrons sapent la solvabilité de leur clientèle à
tous, c'est-à-dire leur potentiel à tous à produire de la valeur
ajoutée de vendre, d'écouler leur production.
La
demande repose d'abord sur les salaires, notamment les petits
salaires puisqu'ils sont intégralement dépensés et beaucoup moins
sur les gros salaires ou sur les dividendes sujets à épargne.
L'offre,
par contre, dépend de la valeur ajoutée dans son ensemble. La
surproduction, c'est quand la demande ne parvient pas à suivre
l'offre.
Comme
les salaires sont moindres, les marchandises produites ne trouvent
plus acheteurs, ce qui contraint les entreprises à licencier, ce qui
diminue les salaires, via la pression du chômage, chose qui diminue
le chiffre d'affaire, la valeur ajoutée des entreprise. De ce fait,
comme les salaires sont comprimés, la demande est anémiée: les
marchandises ne peuvent trouver preneurs, etc.
L'austérité
est justifiée par la dette et par l'équilibre des comptes publics.
La dette est détenue par des gens qui ont pu épargner sur leurs
revenus. Nous l'avons vu, les gens qui peuvent épargner sont
essentiellement des gros revenus - soit des salaires mirobolants,
soit des revenus issus des dividendes, éventuellement par le
truchement de produits financiers plus ou moins exotiques. Si c'est
une épargne issue de salaires mirobolants, elle grève la
productivité puisqu'il s'agit d'une partie non dépensée du capital
produit ; si c'est de l'épargne issue de dividendes, il s'agit
d'un vol de valeur ajoutée au producteur.
Nous
avons donc une dette publique qui justifie une série de mesures
d'austérité. Voyons en quoi consistent les politiques d'austérité.
Elles
réduisent les dépenses publiques, c'est-à-dire la partie de la
valeur ajoutée qui correspond à la reconnaissance de la valeur
créée hors du marché de l'emploi par les fonctionnaires. Cette
mesure pousse une partie des fonctionnaires au chômage, ce qui les
oblige à se mettre sur le marché de l'emploi.
L'austérité
ampute également les budgets sociaux, les prestations de la sécurité
sociale dues aux chômeurs ou aux retraités. Ces coupes ont comme
effet de diminuer le PIB, la valeur ajoutée nationale et elles
privent de reconnaissance économique une série d'agents économiques
hors de l'emploi. De nouveau, les sexagénaires et les chômeurs sont
poussés à accepter n'importe quel emploi à n'importe quel prix sur
le marché de l'emploi.
Comme
les chômeurs, les anciens-futurs retraités et les anciens
fonctionnaires cherchent de l'emploi à tout prix, les salaires des
employés diminuent du fait de l'austérité. Ceci grève la
productivité nationale, fait baisser le PIB et prolonge la crise
économique.
Au
final, les politiques d'austérité favorisent l'emploi et tuent le
salaire. Elles
- font baisser les salaires,
notamment les salaires socialisés, indépendants du marché de
l'emploi
- interviennent dans la lutte
entre les producteurs et les propriétaires à l'avantage des seconds
- poussent les actifs à se
vendre sur le marché de l'emploi
- diminuent les revenus
publics (alors qu'elles sont censées éponger des dettes)
- diminuent les revenus
nationaux (ce qui rend le pays moins solvable et les dettes plus
compliquées à honorer).
Souvent,
les politiques d'austérité s'accompagnent de dégradations des
conditions de travail, de recul du droit du travail et
d'appauvrissement des travailleurs. Elles n'ont pas d'effet positif
sur les comptes publics mais pourrissent le rapport du force dans le
monde de l'emploi, elles permettent de sauver, d'augmenter les
dividendes alors que l'économie sombre et que les employés sont de
plus en plus exploités - mais c'est peut-être là leur véritable
objectif. En favorisant l’accumulation au détriment de la
réalisation du capital par les salariés, les politiques d’austérité
sapent tous les fondements de l’économie productive et rendent les
dettes impaybles du fait de la déflation des prix qu’elles
induisent.
La guerre
En cas de conflit armé, un pays concentre sa production sur
l'économie de guerre, sur la production d'arme, de munition ou
d'autres produits plus ou moins techniques pour faire la guerre.
Cette production de guerre disparaît pour la demande civile
intérieure demeurée, elle, inchangée. La guerre fait donc
augmenter les prix par rapport aux salaires et constitue une baisse
de pouvoir d'achat pour les salariés. On en voit dans toutes les
guerres qui font travailler leurs enfants, qui mangent des aliments
méprisés ou qui sautent des repas, qui se promènent en guenille,
qui ne peuvent se soigner ou investir dans l'éducation de ses
enfants.
La guerre est toujours une guerre au salaire. Ce sont toujours les
salariés qui voient leur niveau de vie, leur niveau de rémunération
baisser, qui voient l'aiguillon de la nécessité se faire plus
piquant, qui voient leur liberté se dissoudre, qui voient leurs
conditions de vie et de travail se dégrader. De même, la guerre aux
salaires que mènent les employeurs a toujours débouché soit sur
des guerres armées soit sur l'abandon de cette politique.
Note 11. La mort cyclique annoncée du laisser-faire (Polanyi)2
Le
laisser-faire, le libéralisme économique croule de manière
cyclique sous le poids de ses contradictions. Il dégénère en
guerres atroces ou en régime autoritaire. Cette description du
fonctionnement de l'économie libérale au sortir du conflit le plus
abominable qu'ait connu le vieux continent glace les sangs au moment
où, après quarante années de laisser-faire, de dérégulation, de
libéralisation des échanges et de désinvestissement de l'État
dans l'économie, le contexte politique actuel s'apparente de plus en
plus avec celui qui a vu naître la seconde guerre mondiale.
C'est
que la dérégulation et le désinvestissement de l'État font naître
les contradictions économiques de l'accumulation et de la
concentration. La concentration mine les bases de la libre-entreprise
et le laisser-faire, la dérégulation, accentue les effets de
cycles, de crises spéculatives qui obèrent l'économie productive.
Le
cycle se déroule toujours de la même façon, que ce soit pour la
première guerre mondiale, pour la seconde ou pour les crises
antérieures. Les thuriféraires du laisser-faire prônent la liberté
d'entreprendre. Ils acquièrent peu à peu de l'importance puisqu'ils
sont soutenus et financés par les capitalistes les plus riches. Leur
point de vue s'impose progressivement et, avec lui, l'État se retire
de l'économie, il cesse d'intervenir dans la répartition salariale
ou dans l'encadrement de l'activité économique. Les contradictions
économiques se font jour sous forme de crise économique laquelle se
résout immanquablement par un retour de l'État, de la
régulation et de l'intervention salariale au terme d'une période de
famine, de faillites, de guerres ou de fascisme. Ce retour de
l'autorité régulatrice a toujours été constaté depuis la
plus haute antiquité mais il peut être brutal, féroce ou
humaniste ; nous pouvons avoir le Front Populaire ou Hitler. En
voyant les différentes option du retour de l'État et de la
régulation, l'enjeu de la nature de la fin du laisser-faire
économique est considérable.
La
mécanique du cycle est tellement imparable qu'elle correspond en
tous points au cycle actuel de libéralisation (depuis les années
1970) et de crise (depuis les années 2000), que la montée de formes
nouvelles d'autoritarismes politiques s'accentue alors que les
interventions se multiplient pour appeler au retour et de la
régulation et de l'intervention politique.
Au cours des deux derniers siècles, les guerres ont touché de plus
en plus de civils proportionnellement – et, monsieur de La Palisse
ne me contredirait pas, de moins en moins de militaires. La guerre de
14 était une boucherie militaire, la guerre de 40 a fait de
nombreuses victimes, aussi bien militaires que civiles, la guerre du
Vietnam a tué davantage de civils mais la guerre en Irak n'a touché
pour ainsi dire que des civils. On peut alors assister,
au sortir de la guerre comme au sortir des épidémies de peste au
moyen-âge, à une baisse de la demande qui favorise une augmentation
des salaires par rapport aux prix. Les bras se font rares dans un
tissu industriel en friche, les plus nantis soutiennent la demande,
ils doivent investir dans les salaires – et, à défaut, ils
abandonnent toute production et toute valorisation de leur capital.
La pression sur le marché du travail en faveur des travailleurs
permet alors d'augmenter les salaires et d'améliorer les conditions
de travail sans entrer dans une spirale d'inflation salariale.
Proposition
19
La
guerre crée une inflation salariale
|
Ce rapport de force favorable aux producteurs se produit
nécessairement dans une économie en reconstruction après une
guerre, une économie dans laquelle la demande de main-d’œuvre est
forte ou dans un contexte de létalité élevée, au sortir des
épidémies ravageuses, par exemple. Ne nous y trompons cependant
pas : la nécessité économique de la valorisation salariale
que nous avons démontrée plus haut, la nécessité d'expropriation
du capital peut s'imposer dans des contextes beaucoup moins
dramatiques.
La dette en monnaies étrangères
À
la fin des années 1920, l'Allemagne avait contractée des dettes de
guerre impayables. Ces dettes étaient libellées en monnaie
étrangère. Une dette en devise nationale peut être facilement
épongée par l'inflation des prix ou, plus simplement encore, par ce
qu'on appelle la monétisation. La monétisation, c'est le fait de
créer de la monnaie – que ce soit de la monnaie papier ou de la
monnaie électronique, peu importe – et de rembourser la dette au
moyen de cette monnaie créée.
Quand
nous parlons d'inflation ici, nous réfléchissons ici à la seule
augmentation des prix, qu'elle soit accompagnée d'inflation
salariale ou non. Nous l'avons dit, ce type d'inflation, appelons-la
l'inflation des prix, ne pose pas de problème dans la mesure où
elle ne s'accompagne pas d'inflation salariale. Les prix augmentent,
les salaires augmentent, les loyers augmentent, tout augmente, ce qui
diminue le poids de la rente sauf à avoir une explosion des taux
d'intérêt. L'inflation diminue mécaniquement le poids de la dette
parce que, comme les revenus augmentent, comme les prix augmentent,
le pouvoir d'achat d'une somme épargnée, d'un capital baisse sauf
si les taux d'intérêt sont très élevés. L'investisseur, le
capitaliste perd de
l'argent avec l'augmentation des prix, avec l'inflation économique.
Note
12. L'inflation fait fondre la dette
Par
rapport à la dette, imaginons que la France ait une dette de 150 %
de son PIB avec un taux d'intérêt de 5 %. Si l'inflation
économique ne va pas de pair avec une inflation salariale, si cette
inflation atteint par exemple 20 % par an, l'ensemble des
salaires va augmenter d'autant et, avec eux, le PIB de l'année
suivante. Si le PIB vaut 100 milliards, par exemple, la dette va
passer de 150 à 157,5 milliards pendant que le PIB passe de 100 à
120 milliards. L'année suivante, le PIB passe de 120 à 144
milliards et la dette de 157,5,5 à 165 milliards.
En
cinq ans,
sans rien faire, sans débourser le moindre centime ni pour l'intérêt
ni pour le principal, sans imprimer le moindre billet, le PIB aura
presque atteint 250 milliards alors que la dette sera à 191
milliards, une proportion beaucoup plus supportable (la dette
représente alors 76% du nouveau PIB). En dix ans, le PIB atteint 619
milliards et la dette 244 milliards, la dette s'élève alors à
39 %
du PIB : la
dette a disparu en tant que problème budgétaire sans que personne
n'ait payé un
centime, ni en principal, ni en intérêt.
Si
ce scénario vous semble étrange, rappelez-vous que c'est exactement
celui qui a été mis en place
à
la fin des années 1940 en France à un moment où
les
salaires augmentaient en termes
réels,
à une période où il n'y avait pas d'inflation salariale, où
l'inflation des prix était forte. La gigantesque dette publique à
la Libération s'est évaporée de la sorte, sans aucun effort. Par
contre, cette option qui préserve les salaires et l'activité
économique a le tort de diminuer la valeur réelle de l'épargne,
des avoirs capitalistes. Les intérêts des détenteurs de capital
s'opposent à l'inflation
des
prix. Les capitalistes prônent une politique monétariste, une
politique de préservation de la valeur de l'argent, au détriment de
la valeur des salaires et de l'activité économique. C'est le choix
du « consensus de Washington » imposé aussi bien en
Europe que dans le tiers-monde par le truchement de mécanisme de
crédit internationaux. L’inflation des prix au Venezuela est un
cas particulier : l’inflation des prix touche les salaires
tant elle est élevée mais les classes propriétaires protègent
leurs avoirs en les plaçant à l’étranger, en devises étrangères.
Paradoxalement, dans cette situation, la combinaison d’un
hyper-endettement en devise nationale et d’une hyper-inflation des
prix et sans inflation salariale pourrait être la solution à la
dévitalisation économique subie par le pays. Ce serait une manière
élégante de réaliser les avoirs des propriétaires et de les
convertir en salaires.
Proposition
20
L'inflation
des prix diminue mécaniquement les dettes.
Proposition
21
L'inflation
des prix ne crée pas nécessairement d'inflation salariale.
Proposition
22
La
dette dans une devise qui empêche la monétisation et l'inflation
des prix définit une fonction exponentielle – elle est de toute
façon impayable à terme.
|
Par
ailleurs, comme la banque nationale imprime les billets (ou crédite
les comptes des banques privées), il lui est facile d'imprimer de
l’argent ou de créditer les comptes comme elle veut. Elle peut
alors facilement imprimer le montant de la dette en espèce ou en
bits ou sous quelque forme que ce soit. Les créanciers se paient et
les pouvoirs publics sont alors libérés de tout taux d'intérêt.
Si la monétisation n'a pas les faveurs des économistes vulgaires,
il faut tout de même lui reconnaître un mérite : elle sabote
le processus de concentration capitalistique ce qui augmente la part
relative des salaires dans le PIB – facteur qui augmente le PIB
réel, nous l'avons vu et stimule le tissu économique.
Par
contre, quand la dette est détenue en devises étrangères ou dans
une monnaie locale sanctuarisée, telle l’euro, ni l'inflation
économique intérieure, ni la monétisation de la dette par la
banque nationale ne sont possibles. Quand les leviers de l'inflation
et de la monétisation sont en panne, il y a alors nécessairement
une crise de la dette. Le pays endetté va devoir détourner une
partie de la valeur ajoutée produite annuellement pour payer ses
créanciers et les intérêts. L'offre de biens et de services en
valeur ajoutée est alors mobilisée pour rembourser une dette
impossible à rembourser. Il y a rupture entre une demande inchangée
et une offre intérieure anémiée – c'est l'inflation salariale.
Les créanciers sont servis avant les salariés. Dans cette
situation, celle de l'Allemagne de la fin des années 20, les
entreprises convertissent leurs avoirs en devises étrangères ce qui
renforce le phénomène d'augmentation des prix via la
dépréciation de la monnaie nationale. Au niveau national, la
production économique s'oriente donc vers l'extérieur pour trouver
une demande solvable. Le pays ruiné devient un atelier au rabais
pour les pays créanciers, ce qui correspond à l’effarant projet
économique de la troïka pour la Grèce, l’Espagne ou la France,
par exemple.
Il
nous faut bien insister sur trois points par rapport à cette notion
d'inflation salariale liée à une dette en devise étrangère ou en
monnaie sanctuarisée.
D'abord,
nous rappelons que l'inflation salariale induit une crise de
surproduction puisque les salariés ne peuvent plus acheter les
productions de biens et de services – ce qui induit une cessation
des activités industrielles, un chômage de masse et un effondrement
de la production.
Ensuite,
une déflation économique peut cacher une inflation salariale –
comme en Espagne ou en Grèce pour le moment. Les prix stagnent –
ils peuvent même baisser, il s'agit alors d'une déflation des prix
– mais les salaires baissent davantage.
L'inflation salariale correspond à une baisse des salaires réels, à
une baisse de la valeur économique des salaires. Comme les salariés
forment l'essentiel de la demande de biens et de services à prix, la
baisse de la valeur économique de leurs salaires contracte la
demande intérieure en terme de valeur économique. En termes réels,
les salaires baissent malgré la baisse des prix, ce qui correspond
également à une inflation salariale, problématique de notre point
de vue.
Enfin, la notion de dette en devises étrangères doit être affinée.
Nous avons écrit que la dette pouvait se monétiser ou être annulée
par une inflation économique sans inflation salariale. Une devise
nationale peut, pour des raisons politiques, avoir les mêmes
propriétés qu'une devise étrangère : si la banque centrale
est indépendante, comme la BCE, par exemple, si la marge politique
du gouvernement ne lui permet pas de mener une politique d'inflation
des prix, d'augmenter les salaires et les investissements en les
finançant par la monétisation, il est alors clair que la devise
dite nationale comme l'euro en Grèce, en Espagne ou en France pour
le moment, a toutes les propriétés d'une devise étrangère quant à
la dette de ces pays.
Nous constatons que tant dans le cas de la guerre que dans celui de
la dette en monnaies étrangères, l'inflation est liée à une
destruction de
valeur économique et non pas à des dépenses ni à de la création
monétaire.
Pour venir à bout de ces dettes, il suffit de réintroduire les
marges de manœuvre d'une monnaie nationale : monétisation des
investissements (on imprime de l'argent qui finance des outils de
production, des infrastructures), des augmentations de salaires et
des remboursements de dette. Faute de mettre en place ces politiques,
les défauts successifs, partiels, sur la dette deviennent
inévitables et, un beau jour, vu le caractère de pyramide de Ponzi
de la dette à intérêt sans inflation et sans monétisation, à une
banqueroute en bonne et due forme.
Note 13. L'hyperinflation en République de Weimar
De
1921 à 1924, la République de Weimar, l'actuelle Allemagne, est en
proie à une hyperinflation.
Précisons
d'emblée que cette inflation n'a pas porté Hitler au pouvoir
puisqu'il a accédé à la magistrature suprême en 1933 seulement,
près de dix ans après les faits. Par contre, les
politiques monétaristes mises en œuvre en réaction à
l'hyperinflation ont généré un chômage de masse qui,
lui, a favorisé la montée des partis les plus autoritaires.
Au
moment de l'hyperinflation, les ouvriers exigeaient d'être payés
deux fois par jour tant la valeur de l'argent diminuait rapidement.
En suivant la chronologie donnée par Wikipédia, nous pouvons
reconstituer les causes et les conséquences de l'inflation à ce
moment-là.
Acte
I. Les dettes des Allemands en monnaie étrangères atteignent 132
milliards de marks-or pour un PIB de 3 milliards de marks-or.
Jusqu'en 1922, cependant, malgré cet endettement, l'économie
allemande est forte, il y a un plein emploi et des salaires en
augmentation.
Acte
II. Après la première guerre mondiale, l'appareil productif est
détruit, la production réelle chute. Le pays emprunte sur les
marchés internationaux.
Les salaires sont indexés. L'hyperinflation ne signifie pas
inflation salariale.
Acte
III. La vitesse de circulation de la monnaie augmente, ce qui génère
de l'inflation économique. Les entreprises convertisent leurs avoirs
en devises, en titres étrangers, ce qui diminue la demande de marks
et en baisse le prix.
Acte
IV. Le docteur Schacht intervient. Il va mener une politique de
stabilisation du cours de la monnaie et des prix. C'est ce qu'on
appelle une politique monétariste. Cette politique va arrêter
l'inflation des prix, provoquer un chômage de masse et une …
inflation salariale. Il cesse d'émettre des billets de banque – il
diminue la quantité de monnaie en circulation. Il diminue le volume
des moyens officiels de paiement et gèle le crédit. De ce fait, la
spéculation est bloquée : les spéculateurs se retrouvent avec
une monnaie sans valeur. Par ailleurs, Schacht arrête la politique
de réescompte3.
La création monétaire
La création monétaire a la
réputation d'être nécessairement inflationniste. Pourtant, il nous
suffira d'évoquer deux contre-exemples à
cette assertion pour en invalider le caractère universel. Le
Greenback dans les années 1860, jusqu'à l'assassinat de Lincoln a
été imprimé aux États-Unis sans
aucune contre-valeur.
Selon
Ellen Brown4,
cette monnaie imprimée par l'État n'a généré aucune inflation
(jusqu'à la guerre de Sécession
– qui
a connu une inflation normale dans le cadre d'un conflit de cette
nature : la guerre est inflationniste, comme nous l'avons vu).
La création monétaire épongeait les dettes de l'État (ce qui lui
permettait d'entreprendre d'ambitieux projets et, par ailleurs, elle
finançait l'embauche des chômeurs à des travaux utiles). Cette
politique a eu un soutien populaire constant, elle n'a, répétons-le,
provoqué
aucune
inflation (hors conflit). C'est pourtant l'argument de l'inflation
qui été avancé à l'époque par les 'silveries', par les tenants
de l'argent gagé sur les réserves du précieux métal pour mettre
fin à cette expérience.
Notre
approche théorique de la réalisation de la valeur ajoutée explique
facilement cette absence d'inflation : comme l'argent créé à
partir de rien a été dévolu exclusivement aux
salaires,
cet argent créé sous la forme de salaire
a
été
intégralement dépensé. Les dépenses ont permis à la production
industrielle de s'écouler, elles ont permis au capital produit de se
réaliser, laissant un souvenir de prospérité générale.
Par
contre, si on prend l'exemple de l'Assignat, en France, il était
imprimé en étant gagé sur les biens nationalisés de l'église. Il
s'agissait de propriétés terriennes, de bâtiments, d'atelier ou
d'ouvrage d'art dont la valeur ne souffre aucune discussion.
L'Assignat était gagé sur des biens plus solides que l'or ou
l'argent sujets à variations de cours, il était gagé sur une bonne
partie des terres arables de France. Ces Assignats (1789-1797, en
France) souffriront d'une inflation élevée tout au long de leur
courte vie. Ils auront servi exclusivement à payer les créanciers
de la jeune République, les rentiers, le capital et, une fois
dépensés à cet effet, leur valeur faciale a été
retirée
de la circulation économique vu le faible taux de réalisation de ce
type de capital surtout à sur une échelle de temps si courte. La
valeur économique produite baisse alors puisque, globalement, la
valeur antérieure se réalise peu, alors que la demande demeure
constante. Il y a donc une rupture de l'offre et une inflation. Le
grand nombre d'Assignats
imprimés
très rapidement a en effet massivement été thésaurisé et n'a que
peu servi à la population, aux salaires et, par manque d'effet de
rebond de la demande, à l'économie concrète.
Ces
deux exemples prouvent que l'inflation n'est pas
nécessairement
induite
par la création monétaire. De même, si l'on a coutume de voir la
création monétaire comme la cause de l'hyperinflation des prix dans
l'Allemagne des années 20, on peut aussi la voir comme conséquence
de
cette inflation. C'est la dette en monnaie étrangère qui paralyse
la production économique et c'est la paralysie de la production
économique qui crée une inflation des prix face à une demande
inchangée.
On pourra rétorquer que le système économique libéral actuel crée
peu d'inflation des prix en Europe, par exemple, alors que les
salaires y sont malmenés depuis quarante ans et que la partie
susceptible de ne pas être réalisée de la valeur ajoutée, la
rémunération du capital, est en augmentation. C'est faire l'impasse
sur deux éléments. D'une part, l'inflation salariale est bel et
bien à l’œuvre en Europe pour la plupart des travailleurs. Les
salaires ont baissé en termes réels – ce qui est notre définition
de l'inflation salariale, seule problématique pour nous. D'autre
part, certains facteurs sont éliminés du « panier de la
ménagère » qui sert à mesurer l'inflation : si les
loyers ont fortement augmenté, la valorisation des propriétés
immobilières a, elle, explosé. Ce phénomène menace
particulièrement les classes moyennes tant en France qu'en
Grande-Bretagne ou aux États-Unis. Il s'agit d'un phénomène
d'inflation salariale (et même d'inflation des prix) aussi discret
que nuisible. En Espagne, la classe moyenne est chassée de ses
logements ; ses enfants restent chez leurs parents au-delà de
leur quarantième printemps et les logements vides pourrissent,
vides, hors de prix.
L'inflation salariale sous la forme de flambée de l'immobilier
atteste la faible productivité du capital industriel, c'est un
placement de dépit. L'investisseur a un meilleur retour sur
investissement en achetant de la pierre qu'en achetant une partie
d'usine. Le taux de profit de l'usine est devenu trop faible.
La flambée des prix immobilier atteste aussi la force
monétaire des créanciers, des accumulateurs de capital qui, crédit
faisant, trouvent le moyen de ponctionner davantage l'économie
productive dans des circuits bancaires. Les classes moyennes et les
classes populaires sous emprunt hypothécaire sont les nouveaux
empires coloniaux que se sont trouvés les excédents ε
d'une classe capitaliste en mal de débouchés.
Comme le crédit n'est pas un don, sa pratique ne fait que retarder
et aggraver des crises inéluctables : la différence entre la
valeur ajoutée produite et la valeur ajoutée réalisée ne trouve
plus de marché extérieur pour écouler le manque de demande.
L'accumulation correspond à la partie de la valeur qui n'est pas
dépensée. Cette partie manque à la réalisation de la valeur
ajoutée extérieure. C'est précisément ce manque, cette épargne
(ε)
dont
nous avons parlé au premier chapitre qui doit
trouver des marchés extérieurs (à hauteur de ε)
pour combler le déficit de valeur ajoutée (de ε)
dans les cycles suivants.
Note 14. Lutte de classe, définition et distribution de la valeur
économique
L'augmentation
des salaires en général et l'indexation en particulier augmentent
la part relative des
salaires dans le PIB, ce qui, du point de vue économique, contribue
à sa stabilisation puisque, nous l'avons vu, les salaires sont
réalisés, mais, du point de vue politique, la lutte des salaires
contre les profits apparaît comme un des aspects de la lutte des
classes.
Ce
n'est pas le seul puisque la définition de la valeur économique
intervient aussi bien que sa distribution dans les tensions entre les
classes. Les propriétaires veulent avoir l'exclusivité de la
définition de la valeur économique – par la logique de l'emploi
ou par la privation de ressources utiles à la survie, notamment –
alors que les travailleurs ont intérêt, en tant que classe, à
libérer leur travail concret du joug de l'employeur, de
l'actionnaire, du propriétaire.
La
lutte de classe oppose donc des définitions de la valeur économique
et de
la répartition de cette valeur. Les travailleurs sont payés en
salaires, les propriétaires sont payés en rente, en dividendes. Si
la valeur ajoutée produite à l'occasion du travail abstrait est
consacrée à la rente, elle n'est pas consacrée aux salaires et
vice versa. De même, si la valeur économique est définie sans
référence à l'emploi, les propriétaires perdent l'exclusive de la
définition de la valeur économique ; si, au contraire, les
propriétaires demeurent les seuls à définir la valeur économique
dans l'emploi, il n'y a pas de place pour d'autres définitions de
cette valeur. Ceci explique pourquoi les grands actionnaires luttent
contre l'index et pour l'exclusivité de l'emploi comme mode de
définition de la valeur économique – ils se positionnent
systématiquement contre le statu hors emploi des
fonctionnaires,
ils stigmatisent les sans emploi, les chômeurs, les retraités ou
les invalides, c'est-à-dire tous les salariés hors emploi qui
produisent de la valeur ajoutée sans employeur, sans actionnaire.
Par contre, la faiblesse de la réponse syndicale laisse supposer que
ces syndicats ne défendent pas correctement les intérêts de la
classe des travailleurs. Sans doute ont-ils quelque obscure intérêt
à tenir une position ambivalente.
L'équation de Fischer
Résumé
des développements mathématiques du chapitre
Comme
la production de valeur économique dépend de ce qui est dépensé,
ce qui crée l'inflation, ce n'est pas la production de monnaie
mais c'est ce à quoi est consacrée la monnaie produite. Une
monnaie créée dévolue aux salaires ne crée pas d'inflation
salariale parce qu'elle stimule la production de marchandises dans
un jeu à somme nulle : il y a plus d'argent en circulation
(ou autant d'argent en circulation plus rapide) pour plus de
marchandises produites. Il n'y a donc pas de tension entre l'offre
et la demande. La demande augmente exactement de la même façon
que l'offre. Par contre, si l'on consacre la création monétaire
à la rétribution de rentiers, comme ils ne dépensent pas leur
argent, la quantité d'argent en circulation augmente, le rythme
de circulation baisse, l'argent disponible pour les dépenses
baisse au total et comme l'appareil productif est moins sollicité,
comme, de ce fait, la production de marchandises diminue,
l'inflation salariale, le coût des biens et des services par
rapport aux salaires disponibles, s'impose. La création monétaire
n'est pas inflationniste à condition d'être dévolue aux seuls
salaires ; la création monétaire est inflationniste dans la
mesure où elle est dévolue à la rétribution des actionnaires,
des créanciers et des rentiers.
|
Après
avoir déterminé les causes de l'inflation, les dettes en monnaie
étrangère et les guerres, nous avons découvert que l'inflation
salariale, la baisse de pouvoir d'achat des salaires, était la seule
problématique d'un point de vue de la pérennité de l'outil
économique et de la prospérité générale. À la lumière de ces
quelques considérations, nous allons examiner l'équation de
Fischer. Soit
(3)
Avec
M = la masse monétaire, V= la vitesse de circulation moyenne de
cette masse monétaire ; P=les prix et Q la production.
Critique
générale : l'équation ne tient compte que des prix et
n'examine pas l'inflation par rapport à ses impacts sur l'économie.
Si les prix augmentent et que cela soutient la machine économique et
les producteurs, cette augmentation n'est en rien problématique.
Seule est problématique l'augmentation des prix par rapport aux
salaires puisque, comme nous l'avons vu, cette augmentation diminue
la part des salaires dans la valeur ajoutée et, partant, diminue le
taux de réalisation de la valeur ajoutée – ce qui sabote
rapidement la machine économique et la prospérité des
travailleurs.
Cette
équation implique que
- à
masse monétaire et à vitesse de circulation monétaire constantes,
les prix seront inversement proportionnels à la
production. C'est alors la loi simple de l'offre et de la demande
reformulée.
Critique
1 : la notion de production est floue. En économie, on
parle de production de valeur économique, ce qui n'a rien à voir
avec la production de biens et de services.
Par
exemple, l'agriculture européenne produit beaucoup plus d'aliments
qu'au sortir de la deuxième guerre mondiale mais la valorisation des
produits agricoles est devenue marginale sur le vieux continent. Pour
éviter l'augmentation des prix – ce qui est l'option discutable
d'un Friedman qui reprend cette équation quantitativiste à son
compte – il faut produire davantage. Si l'on intègre notre
critique, pour éviter l'inflation – mais il ne nous importe
d'éviter que l'inflation salariale – il faut augmenter la
production de valeur économique, c'est-à-dire augmenter les
salaires, notamment les bas salaires entièrement réalisés et
diminuer l'ε
synonyme d'inflation salariale.
Critique
2 : une approche anti-inflationniste vulgaire des choses,
tend à assimiler toute dépense à un comportement inflationniste.
C'est toujours vrai à court terme mais, à moyen terme, c'est
souvent absolument faux (et ce, même dans une perspective
d’inflation des prix et non d'inflation salariale).
Si
un industriel achète une usine de pneus, il tend le marché et
induit une légère inflation dans l'immédiat puisqu'il achète des
matériaux, des machines, des matières premières pour son usine
mais, une fois l'usine construite, l'investissement initial et
l'activité économique ultérieure entraîneront les prix du pneu à
la baisse et sera in fine déflationniste.
De même, si un particulier isole sa maison, il achètera des
matériaux, il fera appel à de la main d’œuvre ce qui, dans
l'immédiat, augmentera la demande de ces choses sans augmenter
l'offre et sera donc potentiellement inflationniste mais, dans un
second temps, la diminution de dépenses de chauffage sera
déflationniste.
Une
partie importante
des
dépenses sont donc éminemment productives, elles
simulent
l'offre plus qu'elles ne simulent la demande de
biens et de services sans
considération pour leur valeur économique intrinsèque. L'idée
qu'une dépense est nécessairement un poids pour la société (elle
augmente la demande et n'augmente pas l'offre), l'idée que l'offre,
que la production est nécessairement un soutien pour la société ne
sont pas neutres. Il s'y dessine en filigrane les traits d'une
société où le travail productif est le seul légitimé et où
l'épargne, l'accumulation est la fin de toute vie humaine.
Sans
nous prononcer sur cet horizon métaphysique, nous nous permettons de
rappeler que, selon nos conclusions, plus cette morale sera
appliquée, plus le ε sera élevé, plus l'accumulation sera rapide
– c'est-à-dire,
plus l'économie, faute de trouver des débouchés extérieurs, se
trouvera à terme dans l'impasse. D'un point de vue strictement
économique, il est impératif de s'extraire de ce piège.
-
à toutes autres choses égales, la
création monétaire est inflationniste
Critique
1 : ceci ne résiste pas aux faits, comme nous l'avons
expliqué : la création monétaire stimule l'activité
économique, elle augmente la production de valeur économique – ce
que, dans cette équation, on désigne approximativement par le Q, la
« production ».
Comme
Q (au sens de « production de valeur économique »)
augmente mécaniquement avec la création monétaire, la création
monétaire n'a pas d'effet inflationniste.
Critique
2 : nous avons vu un peu plus haut dans le sous-chapitre sur
la création monétaire, que ce qui est déterminant dans le
caractère inflationniste de la création monétaire, ce n'est pas de
savoir si la monnaie créée a une contre-valeur quelque part mais
c'est son taux de réalisation. Paradoxalement, au niveau
macro-économique, plus on dépense, plus on permet la création de
valeur économique, moins les prix augmentent.
Ce
taux de réalisation sera d'autant plus élevé – c'est-à-dire que
la monnaie créée sera d'autant moins inflationniste – que la
monnaie créée sera dévolue à des salaires et, notamment, à des
petits salaires de sorte que cette création monétaire puisse
s'intégrer dans le PIB et compenser l'épargne ε
qui le grève.
-
l'augmentation de la vitesse de circulation de l'argent est
inflationniste
Critique :
cette thèse semble difficile à soutenir alors que les échanges
électroniques ont rendu cette circulation infiniment rapide sans
qu'il s'en suive d'hyperinflation.
Ce
n'est certes pas parce que les échanges d'argent sont plus rapides
que la vitesse de circulation moyenne de l'argent va augmenter mais,
à examiner la quantité quotidienne d'échange mondiaux sur les
produits dérivés ou sur les monnaies, de l'ordre du tiers du PIB
mondial, il devrait y avoir une inflation gigantesque dès que les
bourses se mettent à spéculer sur des fonds spéculatifs or il n'en
est rien.
Reformulation de l'équation de Fischer
À la lumière de nos critiques, nous pouvons réécrire l'équation
de Fischer. Le Q, la « production », sera requalifié en
(voir 2.10). Cette production est égale à la réalisation de la
valeur ajoutée antérieure, soit, avec CM pour création monétaire,
avec l'ensemble des taux rapporté à la valeur du PIB prise dans son
ensemble :
(voir
2.19)
par
ailleurs, si l'on considère la fonction de taux de dépense de la
valeur ajoutée δ, on doit
considérer, de la même façon, l'intégrale de sa dérivée dans le
temps pour évaluer la somme des dépenses (
) dans une durée de temps donnée :
(3.1)
Explications :
l'ensemble de la masse monétaire multiplié par la vitesse de
dépense de cette masse monétaire équivaut à l'ensemble des
dépenses (l'intégration sur une donnée de temps donnée de la
dérivée dans le temps de la fonction de dépense de capital –
cette formulation signifie simplement qu'il faut additionner
l'ensemble des dépenses sur une période donnée) multipliée par un
coefficient qui intègre la création monétaire, soit
(3.1.1)
la
masse monétaire antérieure augmentée de la création monétaire
divisée par la masse monétaire antérieure. Ce coefficient est égal
à un quand il n'y a pas de création de monnaie (la fonction δ
porte alors sur la seule masse monétaire antérieure) et est
augmentée en proportion de la création monétaire antérieure.
L'expression (3.1.1) s'écrit indifféremment sous la forme reprise
dans l'équation (3.1) en divisant les membres de l'addition
séparément.
En
isolant les prix dans l'équation de Fischer (3), nous avons :
(3.2)
soit
en remplaçant les termes par les égalités (2.19) et (3.1)
(3.3)
En
négligeant la portion de la valeur ajoutée dévolue au capital
extrême dont la réalisation est faible ou nulle, en admettant que
le taux de réalisation Tρ
du salaire soit égal à un (que les salaires soient intégralement
dépensés, comme nous l'avons démontré ci-dessus), il vient :
(3.4)
avec
T(capital moyen) + T(salaire) = 1
Note
15. La création monétaire
On
voit immédiatement pourquoi la création monétaire peut ne pas
avoir d'effet sur les prix. Dans la mesure (comme nous l'avons
envisagé dans notre équation) où la création monétaire est
réalisée intégralement parce qu'elle est distribuée aux salaires,
elle nourrit aussi bien le numérateur (la réalisation de valeur
ajoutée) que le dénominateur (la création de valeur ajoutée) et
est donc sans effet sur les prix.
Avec
une création monétaire de 20 %, taux considérable s'il en
est, on aura le numérateur multiplié par 1,2 et le dénominateur
multiplié par … 1,2 si la réalisation de la création monétaire
est de 100 %. Si la réalisation est de 0 %, le
dénominateur n'augmente pas et les prix sont augmentés de 20 %
((3.4) avec T(capital moyen) = 0,2 (20%) et Tρ
(capital moyen)=100 %).
On
a
(3.4.1)
C'est-à-dire
que ce le numérateur et le dénominateur sont tous les deux
multipliés par 1,2 à condition que la
monnaie créée soit intégralement réalisée, soit parce qu'elle
est dévolue intégralement aux salaires, soit parce que la
réalisation du capital moyen est de 100 %. Mais nous avons vu
que les salaires étaient nécessairement intégralement réalisés
contrairement à la rente. La création monétaire dévolue à la
rente – au remboursement des créanciers, par exemple – est
nécessairement inflationniste.
Si
le capital ne se réalise pas et que l'argent créé est
intégralement consacré au capital, on voit que, dans ce cas
d'école, le numérateur est multiplié par 1,2 alors que le
dénominateur ne change pas de valeur, ce qui correspond à une
augmentation de P, des prix, de 20 %.
Pour
le dire simplement, la création monétaire ne crée aucune inflation
si elle est dépensée intégralement, si elle est consacrée à des
salaires et crée par contre une inflation (et une inflation
salariale) si elle n'est pas réalisée intégralement, notamment si
elle est consacrée à la rente, à l'accumulation, à l'épargne
inflationnistes. C'est ce qui explique pourquoi l'Assignat a été
inflationniste alors qu'il était gagé sur les biens de l'Église
nationalisés – il
nourrissait l'accumulation des rentiers – alors que le Greenback
qui n'était gagé sur rien du tout ne générait pas d'inflation
puisqu'il était intégralement dévolu à des salaires rapidement
dépensés.
Comme
le taux de réalisation du capital moyen est inférieur à un, plus
le taux du capital moyen sera élevé, plus les prix augmenteront. En
d'autres termes, à dépenses constantes, à niveau de vie, à
consommation de biens et de services inchangée, les prix doivent
augmenter à partir du moment où
-
une partie du PIB est dévolue à la rémunération du capital
-
la réalisation de ce capital augmenté par la rente n'est pas
intégrale.
En
conséquence, dès le moment où un propriétaire des outils de
production est rémunéré en tant que tel à titre lucratif, dès le
moment où ce propriétaire ne dépense pas l'intégralité de ce
qu'il a gagné, dès le moment où il y a accumulation dans les
sphères dominantes de l'économie, les prix augmentent (et il
s'agit, à toutes autres choses égales d'inflation salariale) et,
avec cette augmentation, ils grippent la réalisation du capital, la
part salariale du PIB et, partant, la pérennité du PIB lui-même,
la production de valeur économique elle-même. Ce constat fait écho
aux considérations de Karl Polanyi5 :
la concentration excessive des moyens de production provoque
l'effondrement économique et cette concentration est nécessairement
liée à
une politique de laisser-faire.
Proposition
23
La
création monétaire dévolue aux salaires ne crée pas
d'inflation salariale.
Proposition
24
La
création monétaire dévolue à la rente crée de l'inflation
salariale et génère des crises de surproduction.
|
Nos
conclusions éclairent en tout cas à la fois la réussite des
politiques keynésiennes et leur incapacité congénitale à dépasser
les contradictions fondamentales du système capitaliste
d'accumulation. Comme le keynésianisme relance les salaires, il
diminue la part de la valeur ajoutée vampirisée par l'accumulation
mortelle pour l'économie. En outre, l'augmentation des salaires –
sous quelque forme que ce soit – désarme l'effet délétère de
l'accumulation ε :
les salaires en augmentation ouvrent
de
nouveaux marchés susceptibles d'absorber la part de la valeur
ajoutée que l'épargne
ε
fait disparaître des cycles économiques. Ceci explique pourquoi,
entre 1945 et 1973, alors que la part des salaires et la valeur
ajoutée
augmentaient,
la production économique augmentait elle aussi et, par ailleurs, le
taux de profit baissait substantiellement. Par contre, cela explique
aussi pourquoi la guerre aux salaires à l’œuvre depuis 1973 a
d'abord remonté
le
taux de profit avant que ce taux de profit ne
reviennent
à
sa tendance à long terme à la baisse et que les crises économiques
à répétition ne reviennent elles aussi avec l'accumulation et le
défaut de réalisation de la valeur ajoutée6.
La
politique keynésienne de relance par le salaire ne dépasse pas les
contradictions inscrites dans le temps long. Les taux d'intérêt
nourrissent les créances des uns et les dettes des autres, les
actions rémunèrent des actionnaires qui ne dépensent pas tout
(sauf à les imposer en intégralité, solution qui a été adoptée
aux États-Unis un moment avec un succès indéniable), le taux de
profit baisse à long terme et la structure organique du capital
devient de plus en plus élevée.
Pour
contrecarrer
ces
tendances mortifères à terme, il faut que l'intégralité
du PIB soit consacrée au
salaire. Si
la rémunération du capital est abolie, cela implique
que
la propriété soit supprimée
en
tant que mode de rémunération, en tant que propriété lucrative.
Cela n'implique rien quant à la légitimité de la propriété
d'usage, quant à la propriété qui ne génère pas de revenu, de
rémunération puisque les contradictions liées aux taux de
réalisation des différentes formes de revenus n'affectent que la
propriété en tant que source de plus-value, de gains financiers.
L'abolition
de la propriété lucrative est une condition sine
qua non pour
pérenniser le système de production économique et la prospérité
qu'il permet. L'accumulation (ε), consubstantielle à la propriété
lucrative, pompe le numéraire, la valeur économique en circulation
sous forme monétaire. À terme, si les entreprises ne trouvent pas
de nouveaux
marchés
non capitalistes, de nouveaux marchés solvables extérieurs qui ne
sont pas aux prises avec l'accumulation, le capital accumulé non
réalisé manque à l'économie. Cela
pousse
au conflit armé, la disparition de la valeur
des
circuits économique amène à conquérir des marchés de manière
forcée, à les rendre captifs et à délocaliser les contradictions
économiques dans ces contrées.
À
long terme, le corps social a alors le choix – pour parler comme
Luxemburg – entre le socialisme, l'abolition de la propriété
lucrative, et la barbarie, le capitalisme comme mode d'accumulation
et d'organisation de la production, la guerre permanente de tous
contre tous au milieu des ruines de la civilisation et de
l'industrie. Les incantations répétées des gourous de la secte de
la barbarie ne feront jamais l'impasse – elles n'ont jamais réussi
à faire l'impasse – sur la pertinence de l'observation de cette
contradiction. Le caractère inéluctable des contradictions de
l'accumulation capitaliste ne doit pas nous égarer sur la nature
profondément conjoncturelle, historique du capitalisme lui-même
contrairement à ce que les thuriféraires de la barbarie tendent à
assimiler à un ordre « naturel » quand ils proclament
qu'il n'y a pas d'alternative, qu'il faut forcément payer ses
dettes, qu'il y a des dettes illégitimes (et d'autres légitimes,
sans doute). Parler de la sorte, c'est oublier le caractère
pyramidal, c'est oublier le caractère spéculatif de Ponzi de
l'économie de l'accumulation. La valeur ajoutée ne se réalise pas
dans son intégralité et ce qui n'est pas réalisé devient créances
sous des formes plus ou moins sophistiquées. Ces créances ruinent
les plus pauvres et épuisent l'appareil productif puis la production
elle-même sauf à délocaliser la violence économique dans un pays
tiers, sur un marché captif qui assumera cet ε,
cette part de la valeur ajoutée qui disparaît dans l'accumulation.
Proposition
25
La
dette asservit les pauvres et détruit l'économie au profit d'une
cleptocratie.
|
On
notera que l'interdit de l'usure – très strict pour l'Église
médiévale, pour Aristote7
ou
pour l'islam – prévient les comportements économiques
d'accumulation qui tuent à terme et l'économie productive et la
prospérité générale. On se souviendra aussi des remises de dettes
à intervalles réguliers dans l'Antiquité8.
Les empires qui n'ont pas remis périodiquement les dettes, qui n'ont
pas détruit périodiquement le
ε
ont été confrontés à l'effondrement de l'économie et à la
paupérisation des masses (puis des possédants eux-mêmes),
effondrement accompagné d'instabilité politique, de guerres
civiles, etc9.
Note
16. Le protectionnisme et la concurrence
La
mise en concurrence des différentes entreprises à travers
le
monde se traduit par une
concurrence
sur les prix. Nous avons vu dans la structure de la valeur ajoutée
que la seule possibilité de baisser le prix d'une marchandise
consiste à en baisser la rémunération salariale – en augmentant
le taux d'exploitation (Plus-value/Salaires), en diminuant les
salaires et en dégradant les conditions de travail. Un acteur
économique qui baisse les salaires fait assurément une bonne
affaire à
condition que les autres entreprises avec lesquelles il est en
concurrence ne fassent
pas la même chose.
Si
les concurrents font tous la même chose au même moment, les acteurs
économiques perdent des marchés à mesure que les salaires se
contractent, les carnets de commandes se vident et une crise de
surproduction se profile. C'est exactement le cas de figure actuel en
Europe et, de manière à peine moins certaine, à l'échelle du
monde entier. Les tentatives répétées de conquérir
de nouveaux marchés
par
des traités léonins plus ou moins cataclysmiques ne changent rien à
l'affaire : les nouveaux marchés sont également saturés et
ils amènent également de nouveaux producteurs qui viendront écouler
leur surproduction en Europe.
Face
aux tentations de libre-échange pour substituer le ε de
l'accumulation qui disparaît du PIB, de la valeur ajoutée, le
politique peut aussi vouloir, au contraire, fermer les frontières.
La fermeture des frontières veut empêcher le ε extérieur d'être
réalisé à l'intérieur des frontières et l'ouverture des
frontières veut exporter les contradictions du ε intérieur.
Dans
un contexte de libre-échange, la concurrence sur les prix des
marchandises peut pousser
-
à la dévaluation monétaire compétitive – les salaires
intérieurs sont alors artificiellement baissés en laissant couler
la monnaie nationale
-
à la déflation salariale directe – les salaires directs ou les
cotisations sociales baissent, les prestations salariales diminuent
ou sont assumées par le contribuable qui voit ses impôts augmenter
-
à la destruction des droits sociaux – pour ne pas effrayer les
investisseurs (dont nous avons prouvé qu'ils ne créent
rigoureusement aucune valeur économique mais ils parasitent le
processus de création de valeur économique)
-
à la protection du capital de rente – pour attirer les
investisseurs, cette politique augmente les prix des capitaux
spéculatifs comme l'immobilier. L'augmentation des prix de
l'immobilier diminue de fait les salaires réels.
Toutes
ces politiques impulsées par le libre-échange et la
libre-concurrence sont nécessairement des guerres au salaire – ce
qui, nous l'avons vu, contracte le PIB et compromet l'économie sur
le long terme.
La
lassitude populaire qu'engendrent les souffrances générées par ces
politiques de clochardisation du pays peut entraîner les élites
dirigeantes dans une autre voie, celle du protectionnisme. Il nous
faut insister d'emblée sur le caractère politiquement délicat du
protectionnisme : les voisins, les partenaires commerciaux qui
se débattent avec leur ε vont voir d'un mauvais œil la perte de
débouchés. Des guerres ont déjà éclaté pour moins que cela. En
outre, le protectionnisme peut rater son objectif si le pays
cadenassé se débat avec son accumulation nationale, son ε, sans
débouchés extérieurs pour l'écouler, pour remplacer le manque à
gagner que cette accumulation représente pour le PIB. C'est
précisément dans cette situation que risque de s'imposer la voie de
la guerre.
Le
protectionnisme ne résout pas les problèmes propres à
l'accumulation capitalistique et amène d'autres problèmes : le
risque d'une guerre. Il est vrai que, pour lever les contradictions
de l'accumulation, on peut périodiquement détruire une partie du
stock de valeur économique (par une guerre, par exemple, ou par une
crise immobilière) ce qui assainit très provisoirement la dynamique
de la création de valeur économique.
Face
aux contradictions de l'ε, il faut résoudre le problème de
l'accumulation. Il faut
-
consacrer l'intégralité du PIB au salaires
-
ôter à la propriété tout caractère vénal, lucratif.
Il
est peut-être délicat de le faire à échelle régionale ou
nationale dans un contexte de libre-échange mais l'absence de
rémunération du capital rend la production salariale très
compétitive en terme de coût. Par ailleurs, il est symptomatique
que les pays dont les salaires (individuels et sociaux) sont les plus
élevés ne sont pas nécessairement ceux où il y a le plus de
chômage.
En
tout état de cause, si, dans le cadre d'une politique favorable aux
salaires, une taxe devait limiter la circulation de produits en
provenance de l'étranger, il faudrait que cette taxe soit
-
intégralement consacrée aux salaires
-
perçue comme peu hostile par les partenaires commerciaux étrangers
-
une source de résolution des sources de la contradiction
ε
des partenaires commerciaux (sans quoi, leurs propres contradictions
les pousseront toujours sur le sentier de la guerre).
Pour
ce faire, nous ne voyons qu'un seul type de protectionnisme
envisageable, le protectionnisme amical (et il n'est pas certain
qu'une pratique salariale de la valeur, qu'une économie libérée du
joug de la propriété lucrative, doive y passer), celui d'une taxe
intégralement reversée au pays partenaire commercial sous forme de
salaire socialisé versé à ses travailleurs dans l'emploi ou hors
de l'emploi. Un embryon de ce que pourrait être un protectionnisme
amical existe déjà en Belgique avec la sécurité sociale
d'outre-mer (OSSOM). Des travailleurs à l'étranger cotisent dans
une caisse qui leur assure les mêmes prestations que celles de
travailleurs sur le territoire national. Il suffirait d'en étendre
l'usage aux non-nationaux.
1Selon
l’expression de Keynes signifiant qu’il fallait réduire le
pouvoir de nuisance des rentiers (et non les assassiner
physiquement, bien sûr) dans John Maynard Keynes, Théorie
générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie,
Paris, Bibliothèque scientifique Payot dans le livre VI, pp. 169
sqq. de l’édition en ligne
<http://classiques.uqac.ca//classiques/keynes_john_maynard/theorie_gen_emploi/theorie_emploi_monnaie_2.pdf>.
2Pour
cette note, nous nous référons à K. Polanyi, La Grande
Transformation, Gallimard,
2011, première édition en français, Gallimard, 1983, édition
originale, K. Polanyi, The Great Transformation,
1944, traduit de l'anglais par M. Angeno et C. Malamoud.
3Le
réescompte est l'ancêtre des produits dérivés ou de la
titrisation : on achète un titre pour ce qu'il va valoir à un
moment donné. Le titre s'achète et se vend à l'infini. Schacht
cesse d'acheter les titres escomptés
par
la banque centrale [c'est ce que continue à faire
Mario
Draghi avec la BCE actuellement avec les obligations sulfureuses].
Les entreprises doivent donc vendre leur épargne accumulée en
devises étrangères puisque, faute de pouvoir émettre des
escomptes, elles sont en besoin de liquidité. Les entreprises et la
banque centrale empruntent alors, à l'étranger. Le chômage
explose.
4Ellen
Brown, The Web of debts,
Third Millenium Press, 2010, p. 35.
5K.
Polanyi, La Grande Transformation,
op. cit.
6Voir
Michael Roberts
<http://tendanceclaire.npa.free.fr/contenu/autre/traduction-roberts.pdf>
7Voir
Aristote, La Politique,
livre I, trad. fr. P. Pellegrin, Nathan, 1983,
rééd. Flammarion, « GF », 1990. Au chapitre I
8-9 : On peut se demander si l'art d'acquérir
la richesse [khrêmatistikê]
est identique à l'art économique [oikonomikê],
ou s'il en est une partie ou l'auxiliaire. […] On voit clairement
que l'économique n'est pas identique à la chrématistique. Il
revient à ce dernier de procurer [porisasthai],
à l'autre d'utiliser [khrêsasthai].
Quel autre art que l'économie s'occupera de l'utilisation des biens
dans la maison ?
8Lévitique
(25:8–13) :
Tu compteras sept semaines d'années, sept fois sept ans,
c'est-à-dire le temps de sept semaines d'années, quarante-neuf
ans. Le septième mois, le dixième jour du mois tu feras retentir
l'appel de la trompe ; le jour des Expiations vous sonnerez de
la trompe dans tout le pays. Vous déclarerez sainte cette
cinquantième année et proclamerez l'affranchissement de tous les
habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé (יוֹבֵל) :
chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous
retournera dans son clan.