En
termes commerciaux, l'obsolescence de la marchandise, des machines, de
l'apparence ou des modes production préfigure celle des travailleurs et
des consommateurs. Force reste à la seule logique du toujours plus, du
quantifiable. Le sujet capitaliste après été individualisé par
l'industrie et le capital doit intégrer son identité substantielle et
les ersatz de son existence dans un système économique. L'utopie de
l'épanouissement de soi s'érige comme modèle de conduite paradoxal :
pour s'épanouir, il faut se conformer à la dynamique imposée par un
système hétéronome. Il ne s'agit plus alors de se dévouer à une cause
politique, de se sacrifier à une religion altruiste ou de se fondre dans
une communauté sacrée. L'individu-masse est sommé d'obéir à un
impératif du bonheur personnel, de l'accomplissement personnel … sur les
décombres de sa propre volonté, sur les décombres de sa vitalité, de sa
puissance. Il choisit d'obéir, il décide de suivre.
Comme le capitalisme régit une violence sociale entre égaux en droit, l'esprit de compétition traduit l'utopie de l'égalité de tous en compétition et leur nécessaire et permanente hiérarchisation quantitative. La mystique du loisir incarnée par le Club Méditerranée personnifie l'impératif du bonheur individuel pour tous16. Ce bonheur peut être pris en groupe, il n'est jamais partagé puisqu'il concerne des atomes qui ne s'engagent pas et ne mettent rien en commun – comment le pourraient-ils puisqu'ils sont en conformation permanente d'un ordre étranger à leur volonté. Ceci débouche sur ce que Ehrenberg appelle l'individu incertain17. Cet individu se gère comme s'il était un objet extérieur à lui-même en tant que gestionnaire et doit obéir à cette injonction paradoxale : sois toi-même (comment être soi-même en obéissant à un tiers par principe, comment obéir en étant soi-même?). Il doit se réaliser dans des modalités, selon des principes qui lui demeurent étrangers.
Comme le capitalisme régit une violence sociale entre égaux en droit, l'esprit de compétition traduit l'utopie de l'égalité de tous en compétition et leur nécessaire et permanente hiérarchisation quantitative. La mystique du loisir incarnée par le Club Méditerranée personnifie l'impératif du bonheur individuel pour tous16. Ce bonheur peut être pris en groupe, il n'est jamais partagé puisqu'il concerne des atomes qui ne s'engagent pas et ne mettent rien en commun – comment le pourraient-ils puisqu'ils sont en conformation permanente d'un ordre étranger à leur volonté. Ceci débouche sur ce que Ehrenberg appelle l'individu incertain17. Cet individu se gère comme s'il était un objet extérieur à lui-même en tant que gestionnaire et doit obéir à cette injonction paradoxale : sois toi-même (comment être soi-même en obéissant à un tiers par principe, comment obéir en étant soi-même?). Il doit se réaliser dans des modalités, selon des principes qui lui demeurent étrangers.
Proposition
96
Les
fins de l'acte échappent à l'individu capitaliste. Il en devient
un individu incertain.
Proposition
97
La
diminution du temps de travail ne modifie pas l'organisation du
travail – au mieux, elle rend supportable l'éthique
capitaliste.
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La
médiation du capital dans la construction psychique de l'individu et de
la société atteint un degré tel que ce n'est plus le capitaliste qui se
sert du capital mais le capital qui se sert du capitaliste comme dans
les antiques religions sanglantes. Tous les représentants patronaux
réclament une diminution des prestations sociales – qu'ils associent
avec beaucoup de zèle, de mauvaise foi ou de naïveté à un coût – alors
que leur intérêt en tant que travailleurs est d'en bénéficier et que
leur intérêts en tant que patrons est de conserver des marchés solvables
pour remplir leurs carnets de commande18.
Mais, dans un réflexe pavlovien de l'ordre du syndrome de Stockholm,
ils entendent pourtant saper les bases de ce qui fait leur activité
concrète comme producteurs et abstraite comme propriétaires.
De même, les syndicats qui réclament un partage du temps de travail pèchent par simplisme, par manque de rigueur intellectuelle ou par duplicité – après tout, les syndicats sont aussi des employeurs. Le travail concret doit être libéré de la logique délétère qui régit le travail abstrait et, si la chose se fait, la question du temps de travail deviendra une question privée d'équilibre entre la vie de famille et la passion professionnelle. Diminuer la quantité de travail (c'est-à-dire du travail concret régit par le travail abstrait) ne répond en rien à la problématique, à mon sens essentielle, de la dépossession de la volonté dans le capitalisme, dans l'absence de singularisation, dans la conformation qu'entraîne l'organisation de la production par le capital et la gestion des désirs des individus par des machines de masse19. Au contraire, la réduction du temps d'un travail rendu pénible par l'organisation économique capitaliste fait l'impasse sur la question des principes qui régissent ce travail. On diminue l'insupportable – ce qui le rend pénible mais supportable – au lieu d'affranchir l'insupportable des contraintes qui le gangrènent.
La lutte contre la conformation, contre l'aliénation ou contre la prolétarisation ne signifie pas qu'il faille lutter contre le travail, contre l'activité concrète, elle ne signifie pas non plus qu'il faille jeter le bébé de la valeur économique du salaire avec l'eau de cette prolétarisation, elle signifie au contraire qu'il faut réaligner la volonté, la singularisation, le savoir-faire et la qualification dans l'acte productif concret et dans l'utilisation de techniques, il faut abolir la machine pour faire émerger la technique.
De même, les syndicats qui réclament un partage du temps de travail pèchent par simplisme, par manque de rigueur intellectuelle ou par duplicité – après tout, les syndicats sont aussi des employeurs. Le travail concret doit être libéré de la logique délétère qui régit le travail abstrait et, si la chose se fait, la question du temps de travail deviendra une question privée d'équilibre entre la vie de famille et la passion professionnelle. Diminuer la quantité de travail (c'est-à-dire du travail concret régit par le travail abstrait) ne répond en rien à la problématique, à mon sens essentielle, de la dépossession de la volonté dans le capitalisme, dans l'absence de singularisation, dans la conformation qu'entraîne l'organisation de la production par le capital et la gestion des désirs des individus par des machines de masse19. Au contraire, la réduction du temps d'un travail rendu pénible par l'organisation économique capitaliste fait l'impasse sur la question des principes qui régissent ce travail. On diminue l'insupportable – ce qui le rend pénible mais supportable – au lieu d'affranchir l'insupportable des contraintes qui le gangrènent.
La lutte contre la conformation, contre l'aliénation ou contre la prolétarisation ne signifie pas qu'il faille lutter contre le travail, contre l'activité concrète, elle ne signifie pas non plus qu'il faille jeter le bébé de la valeur économique du salaire avec l'eau de cette prolétarisation, elle signifie au contraire qu'il faut réaligner la volonté, la singularisation, le savoir-faire et la qualification dans l'acte productif concret et dans l'utilisation de techniques, il faut abolir la machine pour faire émerger la technique.