On peut distinguer
deux sortes de communautés : celles dans lesquelles les membres peuvent
s'investir, créer un sens du faire commun, dans lesquelles ils peuvent
agir directement sur la réalité – appelons-les les sociétés – et celles
qui rendent impossible la singularisation de l'individu par le faire,
qui rendent impossible le processus de construction de sens –
appelons-les les asociétés. Dans les asociétés, les actions ne sont pas
menées pour elles-mêmes, elles sont hétérotéliques – elles ne trouvent
pas leur sens en elles-mêmes mais dans des éléments extérieurs, les
aspirations des membres se structurent dans un système symbolique et
matériel ossifié – tel les champs sociaux chers à Bourdieu. Le sujet des
asociétés est l'individu sans lien avec les autres, sans faille interne
ou sans division non plus. Il est extrait de tout rapport singulier au
temps ou à la rencontre. Chaque individu, radicalement seul et sans
lien, évolue au sein d'une réalité sur laquelle il n'a pas de prise.
L'individu ne peut agir de manière déterminante sur le cadre posé,
l'individu orphelin de ses actes vit dans l'oubli de sa créativité,
identique aux autres, sans qualité1. Dans l'imaginaire de l'asociété, seules demeurent actives les scories de la pensée dominante, inflexible et irrationnelle.
Par rapport à ce clivage entre société et asociété, nous posons que
Par rapport à ce clivage entre société et asociété, nous posons que
- l'émergence de l'asociété a tout à voir avec la prolétarisation et avec les notions d'épargne (notre ε) et de ce qui la génère, la propriété lucrativeL'accumulation, nous l'avons vu, mène à l'appropriation lucrative privée des moyens de production. Cette accumulation impose la prolétarisation du faire, du savoir-faire et l'expropriation des travailleurs des moyens de production. Par ailleurs, nous l'avons vu, la consommation est une composante essentielle à la production de valeur économique et, du point de vue des propriétaires lucratifs des entreprises, elle est fondamentale pour écouler leur production et empocher leur plus-value. Or, pour prouver que l'accumulation fait émerger l'asociété, il nous reste à démonter le fonctionnement de la publicité elle-même, le fait de rendre l'achat désirable, gai et agréable par des techniques de manipulation mentales qui construisent l'économie psychique de l'individu-masse, à voir en quoi l'asociété est liée à l'individu-masse.
- le sujet de l'asociété, est un individu-masse, sans qualité, soumis à un ordre symbolique
- l’asociété est une utopie agissante, c’est une idée sans lieu qui est l’objet d’un travail permanent pour demeurer non en tant que lieu mais en tant que force de conformation à un ordre économique.