L'ère industrielle marque l'entrée
en scène d'un nouvel acteur dans l'action humaine et la violence
sociale qui la structure et qu'elle structure : la machine. Pour
éclairer notre propos, de manière un peu simpliste, nous allons
distinguer la machine de la technique. La technique est construite
par tout objet
technique susceptible d'individuer
le sujet qui l'utilise. Un piano en tant qu'instrument, l'écriture
en tant que vecteur d'expression, une voiture comme objet de conduite
singulière sont des techniques. La machine, par contre, impose son
rythme, son existence, son mode propre à qui l'utilise. C'est la
machine qui détermine l'utilisation de l'objet-machine alors
que c'est l'utilisateur qui détermine l'utilisation de l'objet35.
Un piano comme machine est l'ensemble des cordes, des vis, des
cadres, du bois du piano que le pianiste ne maîtrise pas – qu'il
doit considérer comme un donné sans pouvoir s'investir, devenir en
chipotant, en transformant cet objet, sacré inaccessible et
vaguement menaçant. De la même façon, l'écriture peut servir à
afficher des slogans creux que les passants subissent ou la voiture
est un ensemble de durites, de mécanique, dangereux et confusément
inquiétant pour le profane. À ces titres, le piano, l'écriture ou
la voiture sont des machines.
Proposition
127
La
machine est ce qui utilise l'usager.
Proposition
128
La
technique est ce qu'utilise l'usager pour rendre le monde apte à
son existence.
Proposition
129
L'accumulation
de capital sous forme fixe, sous forme d'investissements, le C
marxiste, est une machine.
Proposition
130
La
prolétarisation remplace la technique par la machine, la
puissance par l'efficacité, le désir par la gestion.
Proposition
131
L'augmentation
du capital fixe diminue mécaniquement le taux de profit et
augmente le taux d'exploitation.
Proposition
132
La
machine de l'acte productif se nomme management ou protocole.
Proposition
133
La
machine des relations humaines se nomme « coaching ».
Proposition
134
Le
projet intrinsèque de la machine est totalitaire. Il entend
s'étendre à tout et à tous dans le cadre de l'accumulation à
l'infini.
|
Dans le cadre de la production
économique, la machine permet de réaliser, de produire. Les
machines agglomèrent ce qu'en termes marxistes on appelle le capital
fixe (C dans nos équations), de la plus-value extraite du travail
abstrait (en maîtrisant le travail concret), comme nous l'avons vu.
Le capital fixe C dans son
ensemble devient des machines qui permettent de produire davantage en
moins de temps – ce qui, à terme, modifie la structure organique
du capital et, partant, le taux de profit, comme nous l'avons établi.
Le prix de la marchandise intègre pour une partie substantielle
celui des machines, de l'outil de production, que le travail abstrait
des travailleurs a financé
mais que la propriété lucrative s'est approprié.
Le C, le travail ossifié, se retourne contre les travailleurs
puisque – à travail concret égal mais le travail abstrait va
forcément baisser – en investissant des machines plus productives,
l'employeur peut se passer de main-d’œuvre. La machinisation s'est
opérée par addition de quanta de travail à l'ouvrage initial. Le
travail sous la pression de la machine s'est morcelé, spécialisé
pour répondre aux besoins spécifiques des machines. La machine a
envahi tous les secteurs économiques, des plus matériels aux plus
immatériels : les messes sont télévisées ; l'énergie
de la marche est devenue celle du pétrole extrait à l'autre bout du
monde (et des cardiologues) ; la vie de la société s'est
retranchée dans les médias de masse ; les affinités sont
mises en scène par la publicité ; le paysage lui-même est
devenu une machine économique. La machine a triomphé de la
technique parce qu'elle était plus productive du point de vue de
l'accumulation de la valeur économique et qu'elle permettait de
normaliser davantage la production, d'en diminuer les propriétés
intrinsèques.
L'homo
faber est devenu
étranger à tout travail métabolique, la beauté de l'art a retiré
tout utilitarisme au travail concret alors que le travail concret se
prolétarisait et devenait alimentaire, automatique, sans référence
symbolique, esthétique, poétique dans son exercice. Le travail
concret se faisait exiler de la vie, des intérêts, des goûts, de
la volonté, de la créativité, de l'impression, du temps-même.
L'artisan a dû s'équiper et organiser son travail selon les mêmes
modalités sous la pression de la concurrence. Les prix des
marchandises sans machine sont supérieurs – à toutes autres
choses égales par ailleurs – au prix des marchandises avec
machine puisque les prix sans
machine concentrent davantage de travail vivant, de salaire (V).
La sphère domestique a été affectée par l'industrialisation, par
le règne de la machine dans la production. Comme les travailleuses
et les travailleuses devaient adopter leurs rythmes de vie à la
machine, aux trois huit ou aux horaires coupés, la vie de famille a
dû se calquer, se conformer aux exigences induites par ces rythmes,
elle a dû intégrer les contraintes alimentaires, les contraintes de
mobilité géographique liées à l'emploi. Alors que l'on a vendu la
machine comme un moyen de libération du temps humain, de libération
des tâches pénibles, l'extension de la machine a réduit
globalement le temps de loisir et a rendu le travail économique plus
pénible, plus lassant, plus répétitif et plus usant. Mais la
machine est entrée dans les foyers – ce qui a fait entrer
l'efficacité, la rapidité de la machine dans les tâches ménagères.
La lessive était l'occasion de socialisation féminine sur les
places des villes et des villages, c'est maintenant une tâche
organisée scientifiquement dans les machines à laver industrielles,
le savon était l'objet d'un savoir-faire, il est maintenant
industrialisé et phagocyté par l'économie productive de valeur à
l'instar de tout ce qu'on appelait l'économie domestique.
L'argent et la famille sont
affectés par le faire de la machine, par le faire industriel. Les
possibilités de création, les possibilités de singularisation dans
l'acte de production – ce que nous avons lié à la technique –
s'amenuisent à mesure que
la machine industrielle impose
son rythme, son ergonomie, sa gestion du temps, de la production, son
management.
Note 40. Le management
Définition
Ensemble
de techniques pour gérer la main d’œuvre afin d'en extraire un
maximum de profit. Le management entend maximiser la production de
valeur ajoutée par unité de temps par les producteurs.
Cette
course à la productivité est un jeu de dupe à l'échelle
macro-économique puisque les gains de productivité de nouvelles
techniques managériales sont détruites par le principe de la
concurrence. Au départ, une innovation managériale permet à
l'entreprise de se mettre au-dessus de la concurrence et d'augmenter
ses dividendes. Mais, dans un second temps, les autres acteurs
économiques adaptent les mêmes pratiques de gestion du personnel et
obtiennent les mêmes gains de productivité horaire. La concurrence
oblige les producteurs à
baisser leurs prix ce qui finalement annule les gains de productivité
des nouvelles pratiques managériales. Ce qui était au départ pensé
pour augmenter les marges devient une obligation de survie face à la
concurrence économique.
Pratiques
Les
pratiques managériales sont de plusieurs types.
-
La mécanisation et la division du travail rendent
les tâches plus répétitives et leur exécution plus rapides. C’est
ce qu’on nomme le taylorisme.
À terme, il sape le moral
des travailleurs puisqu'il leur reconnaît peu de qualification et
peu de perspective de créativité professionnelle. À l'époque,
Ford avait dû consentir de gros salaires à ses ouvriers pour éviter
qu'ils ne fuient le travail à la chaîne abrutissant. Les salaires
sont devenus un outil de
management, un moyen d’individualiser la notion de performance, de
punir ou de récompenser la main d’œuvre, de la gérer.
La mécanisation avait
d'emblée suscité des mouvements de résistance – que l'on songe
au luddisme en Grande-Bretagne ou aux Canuts en France qui avaient
cassé les machines qui les condamnaient au chômage et à la misère.
Outre la misère que provoquait la machine, c'est la question de
l'individuation dans le travail que les machines menaçait. La tâche
intelligente, adroite de l'artisan est remplacée par une série
d'actes répétés, sans intérêts qui doivent être exécutés
aussi rapidement que possible. Alors que l’artisan pensait l’acte,
l’ouvrier doit l’exécuter après Taylor. Les mouvements
anti-machine défendaient l'excellence, le savoir-faire de l'artisan
et le plaisir de la belle ouvrage.
-
L'implication dans le procès de production des ouvriers
a constitué une petite révolution.
Les travailleurs émettent des suggestions pour améliorer la chaîne,
pour la rendre plus efficace. L'ergonomie et le feed-back font leur
entrée dans le management.
-
La gestion par projet,
par liste de choses à faire, en finit avec les contre-maîtres.
L'équipe se voit attribuer des objectifs de production et gère
elle-même ses techniques de travail et son cadre de travail pour y
arriver. La pression de l'équipe se fait alors sentir sur les
personnes malades, enceintes ou moins efficaces sans que
l'encadrement doive se salir les mains.
-
Les employés sont impliqués affectivement dans la vie de
l'entreprise. Ils doivent en
quelque sorte adhérer, 'aimer' leur entreprise (qui n'est pas une
personne douée d'affect mais une machine à valeur détenue par des
propriétaires lucratifs). Ce sont alors des événements
d'entreprise, des week-end aventures pour cadre, des concerts, des
soirées-entreprises voire des crèches ou des clubs de rencontre
pour employés. L'identité de l'entreprise (factice et spectaculaire
par définition puisque l'entreprise n'est pas une personne) doit
devenir celle de l'employé. C'est le patron 'cool' de la start-up ou
la participation obligée à des compétitions sportives. C'est le
genre de pratiques en œuvre dans ce que Haefliger36
appelle le loft management.
-
L'individualisation des salaires et des statuts
professionnels isole les
producteurs, morcelle le collectif de productif. Il faut bien
distinguer l'individualisation
qui isole les individus
les uns des autres, qui les transforment en atomes sans interaction
de l'individuation qui
est l'ensemble des processus de devenir impliquant aussi bien
l'individu que son environnement. Dans le premier cas, l'individu se
bat contre son environnement, dans le second, il devient
du fait de son environnement, avec
lui.
-
Le management par la haine sape
systématiquement les qualifications des employés. Il minimise leur
réalisation, oppose les employés entre eux dans une course au
meilleur, attribue des enveloppes fixes de récompenses aux meilleurs
– c'est-à-dire aux plus obséquieux, aux plus serviles. Il ne
s'agit pas d'être bon, performant, convainquant ou efficace mais
d'être meilleur
que les autres. C'est l'ouvrier du
mois, l'employé du mois, c'est aussi la tyrannie permanente de
l'évaluation. Ce type de management ne peut fonctionner qu'avec un
chômage de masse parce qu'il épuise rapidement les employés, les
pousse à prester des heures supplémentaires gratuites - sans que ce
travail supplémentaire ne soit jamais sanctionné par une récompense
définitive. Ce management utilise les techniques de manipulations
mentales suivantes :
-
opposition des employés entre eux
-
précarisation des emplois, recours à la peur, à l'angoisse, à la
menace
-
individualisation des salaires, recours aux primes aux 'meilleurs' et
faiblesse du salaire fixe garanti
-
turn-over permanent: le personnel est remplacé en permanence, c'est
l'obsolescence programmée des travailleurs; l'entreprise demande un
engagement sans qu'elle ne s'engage à rien
-
ce que nous appellerons l'obligation du salaud: l'entreprise force
les employés à prendre des décisions immorales dans le cadre de
leur emploi ce qui les rend complices de décisions qu'ils
n'approuvent pas. Cette technique fait perdre les repères aux sujets
les plus équilibrés, les rend manipulables et fragiles. Leurs
désirs deviennent flous, leur moi s'anémie.
-
le benchmarking consiste à comparer les performances des différentes
équipes mises en concurrence, le but est d'induire une compétition
permanente et de saper l'entraide, la solidarité entre les
travailleurs.
Toutes
ces techniques de management sont extrêmement dommageables à la
santé des employés (quels que soient leurs niveaux de qualification
et de rémunération). Elles coûtent une fortune à la sécurité
sociale et aux intéressés. Elles permettent à l'entreprise de se
défausser d'une partie de ses responsabilités dans les gains de
productivité sur la collectivité, d'externaliser ses frais.
Les
modèles de production, taylorisme, fordisme, toyotisme et hondisme
Taylorisme
Le
développement du cadre économique productif a industrialisé les
modes de production par le biais de la mise en concurrence des
produits et a divisé la société en classes définies par des
rapports de production spécifiques.
L'action
réalisatrice d'un ouvrage est socialisée par l'outil de production.
Si un artisan peut utiliser des techniques ou des horaires propres
pour réaliser un ouvrage commandé par le marché, s'il peut adapter
le rythme de son travail à ses besoins sociaux ou à son état
physique ou psychique, l'omniprésence de la machine et de ses règles
rigides impose au producteur sa cadence et sa logique propres. Il ne
s'agit pas alors d'une technique dans laquelle le sujet peut investir
une quelconque créativité, il s'agit d'une machine conçue pour
produire de la valeur ajoutée le plus rapidement possible dans un
système de concurrence, c'est-à-dire une machine qui ne souffre pas
d'autre objectif que celui-là, qui maximise la plus-value horaire du
travail vivant.
Le
producteur adapte sa production à la variété de la demande et à
sa solvabilité. Le modèle tayloriste
prédétermine
les tâches à accomplir [...] par l'établissement de modes
opératoires à suivre, et de temps alloués à respecter, définis
par les intéressés par un service spécialisé37.
En
conséquence, les actes posés par le travailleur sont réfléchis à
l'avance et sont pensés pour maximiser leur rapidité. Au moment où
le travailleur pose ces actes, il ne doit plus les penser - fût-ce
pour en maximiser la productivité en terme de valeur.
Le
travail à la chaîne implique
un
temps uniforme à chaque poste de travail [...] et une longueur de
pas identique. [...] Il faut que les opérateurs aient à chaque
poste de travail un nombre d'opérations dont le temps et l'espace
d'exécution [...] se rapprochent le plus possible du temps de cycle
et de la longueur du "pas"38.
La
quantification marchande du temps affecte tous les instants de la
production du travailleur. Tous les mouvements, tous les gestes et,
dans les modèles productifs plus récents, tous les affects du
travailleur sont calibrés au moment où il travaille en fonction de
sa productivité horaire. Le travail ne peut donc plus singulariser,
il incarne une logique sociale sur laquelle ni le travailleur, ni
même d'ailleurs l'employeur, n'ont prise. Cette logique sociale est
déconnectée de la sensibilité particulière des travailleurs, des
consommateurs ou des investisseurs.
Fordisme
Cette
tendance s'accentue dans le modèle fordiste dans lequel
l'organisation productive est
fortement
centralisée, séquentiellement intégrée en ligne continue,
mécanisée et cadencée, fondée sur la prédétermination et la
standardisation d'opérations élémentaires distribuées entre les
postes de travail de manière indépendante et indifférenciée pour
saturer le temps du cycle 39.
Dans
ce modèle productif, le travailleur est intéressé à une partie
des bénéfices sans que son rendement personnel soit directement
déterminant. Il s'agit aussi bien de pouvoir écouler les
marchandises produites en soutenant les salaires des producteurs que
d'éviter que, rebutés par les tâches répétitives et
déqualifiées, les travailleurs ne s'en aillent ailleurs.
Toyotisme
et Hondisme
Dans
ces modèles de production plus individualisés, le travailleur est
intéressé au niveau salarial au rendement de son travail. Il doit
intérioriser la logique productiviste pour maximiser son propre gain
horaire. Il devient complice actif et finalement toujours malheureux
de son exploitation.
Dans
le modèle toyotiste, la relation salariale
incite
les salariés et les fournisseurs à contribuer à la réduction des
coûts: les premiers par un système de salaire qui fait dépendre
[les] montants mensuels de la réduction des temps au sein de chaque
équipe, et les seconds par l'engagement d'une réduction
pluriannuelle des coûts40.
Dans
le modèle hondiste, la relation salariale valorise
l'expertise
et l'initiative individuelles, tant au niveau du recrutement, de la
formation, du salaire que de la promotion, afin de susciter au sein
de l'entreprise l'émergence d'innovateurs et de développer la
capacité à changer rapidement d'activité41.
La
créativité du travail elle-même est alors liée à une évaluation
individuelle permanente et doit toujours in fine maximiser la
rentabilité lucrative du travail. L'intériorisation de la logique
de la plus-value dans les traits les plus personnels de la personne,
dans sa créativité, dans sa capacité à innover, dissout ces
traits de personnalité dans la logique économique.
Évaluation
L'évaluation
est le mode de management ultime puisqu'il légitime et naturalise
aussi bien la rémunération que les rapports qui la sous-tendent.
Dans les managements traditionnels, l'évaluation est le fait de
supérieurs hiérarchiques, dans des versions plus perverses, on
demande à l'employé, sous la pression du chantage de la misère du
chômage, à produire un discours d'évaluation conforme à ce qu'il
pense que son employeur attend.
Paradoxalement,
l'augmentation de la productivité horaire n'a pas nécessairement
diminué la quantité de travail concret dans l'industrie,
l'augmentation de la productivité concrète (une usine, un secteur
industriel produit davantage de biens et de services par an)
n'augmente pas nécessairement la productivité abstraite (la
production de valeur économique par unité de temps). Par exemple,
l'agriculture européenne produit maintenant beaucoup plus qu'à la
Libération en quantité mais la valorisation des matières premières
agricoles est devenue insignifiante en terme de valeur ajoutée
totale et, si un céréalier devait vivre de sa seule production, il
n'aurait pas grand-chose pour vivre. L'augmentation de production
concrète ne
s'accompagne pas de diminution de travail concret.
Pour le dire comme Marx,
si la machinerie est le moyen le plus puissant pour accroître la
productivité du travail, c'est-à-dire réduire le temps de travail
nécessaire à la production d'une marchandise, elle devient en tant
que porteur de capital, et d'abord dans les industries qu'elle
affecte directement, le moyen de prolonger la journée de travail
au-delà de toute limite naturelle42.
Le
travail concret qu'organise la machinisation va de pair avec un
chômage de masse cyclique et endémique depuis la fin du
XVIIIe. Ceux qui ont un emploi se tuent à la tâche et ceux
qui n'en ont pas sont plongés dans la misère faute de salaire.
L'emploi se structure alors comme un marché. Les employeurs ont
intérêt à organiser la rareté de l'emploi – c'est-à-dire la
surabondance du travail disponible – pour baisser le prix du
travail, le salaire. La concurrence entre producteurs devient féroce
et détruit les bases du travail concret et du travail abstrait aussi
sûrement que la sécheresse ou les sauterelles détruisent le
précieux travail des paysans. Les travailleurs étranglés par la
perspective de la misère sont contraints à baisser leurs exigences
salariales (les salaires, le travail abstrait, le fondement de la
valeur économique) et à laisser dégrader leurs conditions de
travail concret en acceptant des augmentations de cadences, des flux
tendus, des augmentations d'horaire de travail, des horaires
découpés, nocturnes, décalés, des conditions de sécurité remise
en cause, etc.
Nous
avons vu que ces reculs des travailleurs augmentent le taux
d'exploitation (et nourrissent la baisse du taux de profit). Les
travailleurs sont de plus en plus absorbés par la production
économique. Au terme de leur journée, il ne leur reste plus
d'énergie pour la nécessaire créativité humaine. Ils ne peuvent
que se mettre devant une télévision, devant des spectacles
industriels, devant des machines à désir, à représentation. Le
travailleur brûle alors le symbolique, ce petit bâton brisé qui
rassemblait deux éléments, ce petit bâton qui matérialisait les
retrouvailles de deux amis éloignés par la vie.
Proposition
135
Les
gains de productivité du travail concret ne diminuent pas la
quantité de travail abstrait global. En rendant le travail
abstrait plus abondant, ils en diminuent la valeur. La machine
n'affranchira jamais du travail.
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