Pour
Harribey, les impôts fonctionnent au niveau collectif comme un
supplément obligatoire de valeur. Ce supplément vécu comme une
ponction au niveau individuel est un ajout au niveau social :
lesdits prélèvements obligatoires sont effectués sur un produit
global déjà augmenté de l'activité non marchande, c'est-à-dire
du fruit du travail des salariés qui y sont employés1.
Selon l'économiste français, ce supplément ne fonctionne que
dans une économie de sous emploi : dès lors qu'on est en
situation de sous-emploi et qu'il n'y a pas de substitution probable
d'activités non marchandes à des activités marchandes2.
(…)
[L]es services publics ne sont donc pas fournis à partir d'un
prélèvement sur quelque chose de préexistant. Leur valeur
monétaire, mais non marchande, n'est pas ponctionnée et détournée ;
elle est produite. Dès lors, dire que l'investissement public
évince l'investissement privé n'a pas plus de sens que dire que
l'investissement de Renaud évince celui de Peugeot-S.A. ou de Vinci.
Dire que les salaires des fonctionnaires sont payés grâce à une
ponction sur les revenus tirés de la seule activité privée n'a pas
plus de portée que si l'on affirmait que les salaires du secteur
privé sont payés grâce à une ponction sur les consommateurs3.
Sans
nous prononcer sur ce que Marx appelait l'extension de la classe
servile, nous serons tentés d'extraire de cette proposition toutes
ses conséquences. L'impôt est une création de valeur qui s'ajoute
au PIB. De la même façon, comme le souligne B. Friot, les
cotisations sociales sont un ajout de PIB, de valeur ajoutée, c'est
un mode de création de valeur. De manière encore plus générale,
c'est l'ensemble des salaires qui constitue le PIB, la valeur
ajoutée, c'est l'ensemble des salaires qui est un supplément de
valeur économique que la rente parasite. En considérant ce que les
économistes vulgaires nomment des coûts comme la source de
la richesse économique, nous
-
adoptons un autre point de vue, celui de l'économie et non celui,
individuel, de la maximisation des profits ; nous quittons la
chrématistique pour entrer dans l'économie
-
nuançons (ainsi que le fait Harribey lui-même) la proposition
« l'impôt crée la valeur » en divisant l'impôt en deux
catégories : la partie qui est dévolue aux salaires est un
supplément économique et la partie dévolue aux créanciers est un
parasitage, un gaspillage inutile et contre productif.
1J.-M.
Harribey, La richesse, la valeur et l'inestimable,
Les Liens qui Libèrent, 2013, p. 368 sqq.
2Ibidem,
p. 370.