L'accaparement des ressources et la généralisation de la propriété
lucrative mettent les prolétaires en situation de dépendance par
rapport au vouloir des propriétaires des outils de production. Sous
la pression du besoin, de la nécessité de gagner un salaire, les
prolétaires exécutent les tâches les plus éloignées de leurs
propres intérêts : ils financent l'accumulation de capital qui
se retourne contre eux. Ceci explique pourquoi la démocratie reste
une utopie quand on passe dans le monde professionnel, quand on
franchit les portes de l'entreprise ou du bureau, ceci explique
pourquoi les conditions de vie, la qualité de l'environnement, des
travailleurs est dégradée par l'activité-même de ces
travailleurs.
Nous avons donc
- un système économique qui accapare les ressources humaines et
naturelles et les épuise (A)
- ce système a besoin d'un extérieur, de marché extérieur pour
solvabiliser la valeur économique distraite par l'accumulation ε
(B).
En équation logique, nous
avons :
(9.4)
capitalisme → A et capitalisme
→ B
avec
(9.5)
A →
si les ressources extérieures,
si les marchés extérieurs sont épuisés (A), il n'y a plus de
marché extérieur pour solvabiliser la valeur ajoutée non réalisée
(
)
or, de (9.4) on peut déduire –
c'est un modus
tollens, une
forme de logique qui fonctionne comme dans cet exemple :
si
tous les hommes sont mortels (A → B) et que mon chef-d’œuvre est
immortel (
), alors mon chef-d’œuvre n'est pas un homme (
→
).
(9.6)
il n'y a plus de marché
extérieur (
) → il n'y a plus de capitalisme (
)
Le
capitalisme épuise l'extérieur dont il a besoin pour se maintenir
et pour s'étendre. Cet extérieur, c'est aussi bien la psychologie
humaine, le désir, les forêts vierges, les ressources naturelles,
le pétrole ou le temps humain. Cette façon de poser les choses a
quelque chose de oiseux : si les êtres humains disparaissent
tous, la question de la pérennité du capitalisme perd toute
importance.
Nous
avons donc le système économique (A) qui génère son
contradictoire (
) : à terme, dans la mesure où l'extériorité du capitalisme
est épuisable, cela entraîne la disparition du capitalisme, le
capitalisme est un système paradoxal selon les termes que nous avons
définis.
Par
contre, indépendamment de ce paradoxe d'un système économique qui
tue sa poule aux œufs d'or, le sort des ressources pillées demeure
en suspend. Si le capitalisme doit disparaître de son paradoxe, il
doit entraîner avec lui le
dans notre équation (9.5), c'est-à-dire la disparition de
l'intégralité de l'extérieur pillé par le marché capitaliste.
Ceci implique donc la disparition de l'intégralité des terres
vierges exploitables, de l'ensemble de la connaissance et des
savoirs-faire humains utiles au travail concret, de la volonté et de
la puissance de singularité humaine, de la faune exploitable, du
temps libre, des ressources minérales et énergétiques. Aussi
incroyable, aussi énorme que paraisse le paradoxe capitaliste des
ressources, c'est celui que la mer, la terre, les humains, les
loisirs, l'intelligence, la créativité, la singularité et la
volonté humaine traversent en ce moment. Le fait que l'ensemble
de
l'extérieur au capital soit impliqué dans ce paradoxe unit des
réalités, humaines, sociales, psychiques ou biologiques, des
réalités animales et minérales, pose de
facto un
nouveau sujet pour penser l'économie : ce qui est extérieur
aux marchés capitaliste et, en tant que tel, est menacé dans la
nécessaire extension destructrice infinie de ce système.
On
mesure sans peine l'immensité des enjeux qu'esquisse notre étude de
l'économie à la lumière de ce lien entre la disparition paradoxale
et inéluctable d'un mode d'organisation de la violence sociale, d'un
mode de production et de ce qui lui est extérieur tant la vie-même,
l'être ensemble, la sensibilité, le devenir de l'espèce et de son
écosystème sont menacés. Avant ces disparitions, pour les éviter
autant que pour les comprendre ou pour analyser la formidable
entreprise d'appauvrissement en cours3,
il fallait que nous menions notre réflexion au bout. Mais, une fois
le paradoxe principal posé, voyons d'autres modalités logiques à
l’œuvre dans ce
qui
se passe.
Proposition
151
Le
système capitaliste menace les ressources extérieures dont il se
dépend. Il est paradoxal et menace de disparaître en faisant
disparaître tout ce qui lui est extérieur, les ressources
naturelles et humaines.
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