Bernard Stiegler41 lie diverses situations de l'humain post-moderne au vote frontiste. Sans nous prononcer sur la pertinence de ce lien ou sur l'analyse du vote frontiste (ce n'est pas l'objet de notre étude), nous relèverons des traits psychiques de l'individu post-moderne et les lierons à la question de l'économie :
- Un hyper consumérisme de masse est accompagné d'un appauvrissement symbolique.
- Les électeurs ont besoin qu'on s'occupe d'eux, qu'on prenne soin d'eux.
- La désintégration du social rend impossible toute intégration (et pas seulement celle des immigrés).
- L'insolvabilité structurelle du système provoque une crise de confiance.
- L'automatisation menace l'existence même de l'emploi et condamne à l'inactivité la population sauf à explorer des solutions alternatives.
L'analyse de Stiegler s'inscrit dans un cadre original, elle se montre riche mais, du point de vue de l'économie, elle appelle quelques commentaires.
- La baisse de l'emploi liée à l'automatisation n'est malheureusement pas toujours une réalité : Marx soulignait déjà au XIXe que les gains de productivité étaient absorbés par l'extension de la classe domestique, de la classe servile. Au regard de nos réflexions, ceci s'explique facilement : les gains de productivité se font dans la sphère de la production et du travail concret mais ces gains s'annulent dans la sphère de l'économie abstraite, du travail abstrait. On produit davantage de biens et de services par unité de temps-salarié mais cette production n'augmente pas en valeur économique (sauf à augmenter les salaires, nous l'avons vu, mais cette augmentation n'est pas à l'ordre du jour).
- L'insolvabilité structurelle correspond à la fonction d'accumulation mortelle ε pour l'économie concrète et abstraite.
- Le besoin de soin des électeurs se pose dans les deux sens. L'absence de sens que génère la prolétarisation touche l'individuation, la possibilité d'incarnation de la volonté humaine : sans action sur la nature (et sans que la nature n'agisse sur le sujet, sans soin), le sujet périclite en tant que force de vie, il se réfugie dans des passions tristes, ennemies de son conatus. Au nombre de ces passions tristes, on compte la fascisation, l'aspiration à l'autorité et à l'homogénéité socio-politique.
- L'automatisation ne condamne pas nécessairement à l'inactivité – la pression à la productivité, à l'activité dans l'emploi se fait très forte mais c'est du sens et de la singularité de l'acte dont sont orphelins les producteurs. L'impuissance de la volonté est également entretenue par l'ubiquité sociale des sujets, victimes et bénéficiaires d'une violence sociale qu'ils ont en même temps intérêt à faire disparaître et à entretenir.
La pensée de Stiegler se montre décisive dans notre raisonnement car elle élargit le problème de la nécessaire individuation de l'individu-sujet au nécessaire individu-objet de cette singularisation. La volonté humaine réclame aussi bien d'agir sur la nature que d'être agi par son environnement.
Proposition
112
L'appauvrissement
de l'automation et de la gestion crée un défaut d'individuation.
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