En cas de conflit armé, un pays concentre sa production sur
l'économie de guerre, sur la production d'arme, de munition ou
d'autres produits plus ou moins techniques pour faire la guerre.
Cette production de guerre disparaît pour la demande civile
intérieure demeurée, elle, inchangée. La guerre fait donc
augmenter les prix par rapport aux salaires et constitue une baisse
de pouvoir d'achat pour les salariés. On en voit dans toutes les
guerres qui font travailler leurs enfants, qui mangent des aliments
méprisés ou qui sautent des repas, qui se promènent en guenille,
qui ne peuvent se soigner ou investir dans l'éducation de ses
enfants.
La guerre est toujours une guerre au salaire. Ce sont toujours les
salariés qui voient leur niveau de vie, leur niveau de rémunération
baisser, qui voient l'aiguillon de la nécessité se faire plus
piquant, qui voient leur liberté se dissoudre, qui voient leurs
conditions de vie et de travail se dégrader. De même, la guerre aux
salaires que mènent les employeurs a toujours débouché soit sur
des guerres armées soit sur l'abandon de cette politique.
Note 11. La mort cyclique annoncée du laisser-faire (Polanyi)2
Le
laisser-faire, le libéralisme économique croule de manière
cyclique sous le poids de ses contradictions. Il dégénère en
guerres atroces ou en régime autoritaire. Cette description du
fonctionnement de l'économie libérale au sortir du conflit le plus
abominable qu'ait connu le vieux continent glace les sangs au moment
où, après quarante années de laisser-faire, de dérégulation, de
libéralisation des échanges et de désinvestissement de l'État
dans l'économie, le contexte politique actuel s'apparente de plus en
plus avec celui qui a vu naître la seconde guerre mondiale.
C'est
que la dérégulation et le désinvestissement de l'État font naître
les contradictions économiques de l'accumulation et de la
concentration. La concentration mine les bases de la libre-entreprise
et le laisser-faire, la dérégulation, accentue les effets de
cycles, de crises spéculatives qui obèrent l'économie productive.
Le
cycle se déroule toujours de la même façon, que ce soit pour la
première guerre mondiale, pour la seconde ou pour les crises
antérieures. Les thuriféraires du laisser-faire prônent la liberté
d'entreprendre. Ils acquièrent peu à peu de l'importance puisqu'ils
sont soutenus et financés par les capitalistes les plus riches. Leur
point de vue s'impose progressivement et, avec lui, l'État se retire
de l'économie, il cesse d'intervenir dans la répartition salariale
ou dans l'encadrement de l'activité économique. Les contradictions
économiques se font jour sous forme de crise économique laquelle se
résout immanquablement par un retour de l'État, de la
régulation et de l'intervention salariale au terme d'une période de
famine, de faillites, de guerres ou de fascisme. Ce retour de
l'autorité régulatrice a toujours été constaté depuis la
plus haute antiquité mais il peut être brutal, féroce ou
humaniste ; nous pouvons avoir le Front Populaire ou Hitler. En
voyant les différentes option du retour de l'État et de la
régulation, l'enjeu de la nature de la fin du laisser-faire
économique est considérable.
La
mécanique du cycle est tellement imparable qu'elle correspond en
tous points au cycle actuel de libéralisation (depuis les années
1970) et de crise (depuis les années 2000), que la montée de formes
nouvelles d'autoritarismes politiques s'accentue alors que les
interventions se multiplient pour appeler au retour et de la
régulation et de l'intervention politique.
Au cours des deux derniers siècles, les guerres ont touché de plus
en plus de civils proportionnellement – et, monsieur de La Palisse
ne me contredirait pas, de moins en moins de militaires. La guerre de
14 était une boucherie militaire, la guerre de 40 a fait de
nombreuses victimes, aussi bien militaires que civiles, la guerre du
Vietnam a tué davantage de civils mais la guerre en Irak n'a touché
pour ainsi dire que des civils. On peut alors assister,
au sortir de la guerre comme au sortir des épidémies de peste au
moyen-âge, à une baisse de la demande qui favorise une augmentation
des salaires par rapport aux prix. Les bras se font rares dans un
tissu industriel en friche, les plus nantis soutiennent la demande,
ils doivent investir dans les salaires – et, à défaut, ils
abandonnent toute production et toute valorisation de leur capital.
La pression sur le marché du travail en faveur des travailleurs
permet alors d'augmenter les salaires et d'améliorer les conditions
de travail sans entrer dans une spirale d'inflation salariale.
Proposition
19
La
guerre crée une inflation salariale
|
Ce rapport de force favorable aux producteurs se produit
nécessairement dans une économie en reconstruction après une
guerre, une économie dans laquelle la demande de main-d’œuvre est
forte ou dans un contexte de létalité élevée, au sortir des
épidémies ravageuses, par exemple. Ne nous y trompons cependant
pas : la nécessité économique de la valorisation salariale
que nous avons démontrée plus haut, la nécessité d'expropriation
du capital peut s'imposer dans des contextes beaucoup moins
dramatiques.