Le groupe Krisis19
démonte les mythes actuels autour de la religion implicite du
travail en se référant notamment à Marx et à l'école de
Francfort. Ce groupe allemand de réflexion économique souligne la
contradiction entre l'évolution des techniques de production
capitalistes et l'essence-même du capitalisme. Alors que les
techniques évoluent – sous la pression de la concurrence et grâce
à l'accumulation – l'essence du capitalisme demeure. Le système
capitaliste cherche à augmenter la productivité horaire du travail
vivant en investissant dans le travail mort, dans le « C »,
le capital fixe, les outils de production. Cette augmentation
pourrait se heurter à ses propres limites : le travail vivant
deviendrait alors inutile, sa valeur abstraite tendrait
définitivement vers zéro, ce qui serait la fin de la valeur ajoutée
et de la valeur économique. Avec un travail sans valeur économique
s'écroule l'idée de propriété lucrative et d'État. Ce cas
d'école peut expliquer – toutes proportions gardées - une des
contradictions des propriétaires. Ils ont intérêt à mécaniser la
production, à réduire le travail vivant inclus dans le produit. En
faisant cela, ils imaginent augmenter leurs profits mais, passé une
brève première phase, ce ne sont pas les profits qui augmentent
mais les prix qui diminuent. En sapant les salaires, le travail
vivant et le travail abstrait, les capitalistes tuent leur poule aux
œufs d'or, ils détruisent la source de la valeur économique que
leurs profits parasitent. Cela ouvre la porte à la barbarie à moins
que … en effet, si le travail ne vaut plus rien en termes
économiques, abstraits, pourquoi les travailleurs s'obstineraient à
continuer à vendre leur temps ? Si plus personne ne preste de
travail abstrait, l'origine de la valeur, ce qui peut être acquis
contre de l'argent s'écroule : si le travail abstrait ne vaut
plus rien, l'argent ne donne plus accès à rien, la valeur de l'un
et de l'autre tendent ensemble vers zéro. C'est le retour du potager
et du travail concret dans un grand mouvement de destruction de
l'économie … pour celles et ceux qui le peuvent.
Nous répétons que le travail concret et le travail abstrait sont
deux choses distinctes. Le fait que la productivité du travail
concret augmente
diminue la valeur abstraite, économique
des
objets produits : il faut produire davantage de biens et de
service par une quantité de travail concret inchangée et pour une
quantité de valeur abstraite, économique, inchangée. On fabrique
plus de machins mais
leur valeur économique baisse : la quantité de travail concret
ne diminue pas avec la productivité, avec l’augmentation du nombre
de machins produits et la diminution de la valeur d’échange
desdits machins. La quantité de machins augmente mais la valeur
économique produite demeure inchangée. Marx avait déjà constaté
l'augmentation de la classe servile à chaque gain de productivité.
Cette augmentation de la classe servile continue de nos jours et
prévient l'effondrement du système de production de valeur
économique. Ce phénomène explique pourquoi, à mesure que la
productivité du travail concret augmentait, le travail abstrait ne
diminuait pas en quantité. L'économie multipliait les besoins
à
satisfaire, la nécessité d'acquérir des gadgets toujours plus
nombreux et l'obsolescence de la production. Depuis soixante-dix ans,
la durée de travail hebdomadaire (ou quotidienne) n'a pour ainsi
dire pas bougé alors qu'on passait du charbon au nucléaire, de la
plume au PC, du télégramme à internet.
En
tout cas, selon Krisis, la valeur du travail baisse avec l'extension
du capital sans que l'extension de l'activité et de l'importance de
la classe servile ne puisse contrecarrer le phénomène. Lors
de la troisième révolution industrielle, celle de la
micro-électronique, le mécanisme de compensation par expansion qui
fonctionnait jusqu'à ce moment-là s'effondre. Certes, on diminue le
prix de bien des produits grâce à la micro-électronique et on en
crée de nouveaux (surtout dans le secteur des médias). Mais, pour
la première fois, le rythme des innovations du procès de production
dépasse le rythme des innovations des produits. Pour la première
fois, on rationalise davantage de travail que ce que la croissance du
marché peut absorber. Dans la suite logique de la rationalisation,
la robotique électronique remplace l'énergie humaine ou les
nouvelles technologies de communication rendent le travail inutile.
Des secteurs entiers et des pans de la construction, de la
production, du marketing, de l'entreposage, de la distribution et
même du management s'écroulent20.
Comme
la valeur économique du travail concret et le travail comme valeur
éthique disparaissent ensemble, il ne reste plus de raison de se
soumettre aux diktats du l'idéologie du travail.
Dans les faits, une fois de plus, pourtant, la productivité accrue
ces vingt dernières années a surtout permis l'expansion de nouveaux
secteurs de services – conformément à la théorie de
l'accroissement de la classe servile de Marx. La téléphonie, les
services en ligne, la vente par correspondance ou l'administration en
ligne ont multiplié les prestations de services et, pour ce faire,
ils ont mobilisé (en partie) la main-d’œuvre dégagée par les
gains de productivité. Le complexe militaro-industriel ou
l'industrie du loisir ont aussi pu tirer leurs marrons du feu.
On
remarque d'ailleurs que la gauche du capital réclame (de manière
parfaitement cohérente et légitime) davantage de services publics,
plus de services aux personnes et elle souhaite augmenter
quantitativement l'importance du secteur associatif. Le bras armé du
capital, l'État, vole les salaires sociaux pour « activer »
les chômeurs, pour les pousser à « créer » leur
emploi. Ces emplois créés doivent répondre à la demande d'une
clientèle solvable – c'est-à-dire que ces emplois « créés »
ne peuvent l'être que dans la mesure où il y une clientèle, un
cahier de commande, des salariés derrière qui dépensent un
salaire. Le secteur des services s'organise selon ces principes.
Selon Krisis, l'augmentation de cette classe servile ne suit plus
l'augmentation de productivité du travail. C'est dire que la valeur
abstraite du travail est diminuée par les gains de productivité du
travail concret parce qu'ils
dépassent
les capacités de la demande des marchés, c'est-à-dire in
fine,
les salaires.
Nous ne suivons pas les conclusions de Krisis mais elles ont le
mérite de permettre un débat avec Gorz ou Hadrey sur la réduction
du travail concret socialement valorisé en travail abstrait comme
sortie de la crise. En tout cas, le caractère insupportable du
travail en emploi, du travail soumis à l'appétit de lucre d'un
employeur ne devient pas plus supportable du fait que le temps de
travail en emploi diminue.
Note 45. L'activation
Définition
Selon
les recommandations de l'OCDE, il faut activer les dépenses
sociales, il faut les transformer en aiguillon pour augmenter l'offre
de travailleurs sur le marché de l'emploi. L'augmentation de l'offre
de travailleurs sur le marché de l'emploi va faire baisser le coût
du travail conformément au principe de la loi de l'offre et de la
demande. La baisse du coût du travail, c'est la diminution des
salaires et la dégradation des conditions de travail en emploi.
Concrètement,
les dépenses sociales doivent servir à former les chômeurs ou les
malades, elles doivent servir à les encadrer, à les harceler pour
qu'ils cherchent un emploi. Elles doivent être conditionnées au
fait que le chômeur est actif, c'est-à-dire qu'il cherche à
placer son activité dans un cadre lucratif en vendant sa force de
travail à quelqu'un qui entend en retirer de l'argent, à un
propriétaire lucratif. En creux, si le chômeurs prend soin de ses
proches, s'il rénove des bâtiments, s'il aide ses voisins, s'il
fait de la musique ou du jardinage, il ne sera pas réputé actif
selon
cette étrange définition.
Nous
précisons que la notion même de dépense sociale est aberrante
puisque les salaires socialisés créent la valeur économique et
qu'ils constituent donc un investissement et non une dépense – ces
salaires comme tous les salaires créent – et sont à la source de
– la valeur économique.
Histoire
Depuis
1964, l'OCDE
recommande
que l’on investisse dans le développement des ressources humaines,
les stratégies pour la création d'emplois et l’amélioration des
conditions de travail, la mobilité géographique, la prévision des
besoins de main-d’œuvre, l'emploi des groupes marginaux et la mise
en place de programmes de protection du revenu pendant le chômage.
Cette approche encourage le transfert des ressources consacrées aux
mesures passives du marché du travail vers les mesures actives
[21]
Régulièrement,
en 1976, en 1994, en 2006, les rapports de l'OCDE renouvellent ces
recommandations employistes. Concrètement, il s'agit
-
de pousser les chômeurs à suivre n'importe quelle formation
-
de les sanctionner en les privant de salaires socialisés si leur
comportement n'est pas jugé assez actif (au curieux sens de
« chercheur de travail en emploi ».
-
de payer des aides à l'embauche aux employeurs, ces aides augmentent
directement les profits des actionnaires
-
de multiplier les sous-statuts, les emplois aidés.
Les
salaires socialisés sont des conquêtes de la lutte sociale
arrachées au sortir de la seconde guerre mondiale. Ce sont des
salaires dans les pays bismarkiens (France, Allemagne, Belgique,
Pays-Bas, etc.). Le fait que ces salaires soient soumis à des
conditions est un abus de pouvoir, une négation de la conflictualité
historique dans laquelle ils s'inscrivent, et une immense régression
sociale par rapport aux conquêtes de la Libération.
L'activation
des dépenses sociales a été mise en œuvre dans de nombreux pays
sans jamais avoir infléchi la courbe du chômage. Depuis
1964, l'activation n'a jamais prouvé son efficacité mais
elle continue à être l'alpha et l'oméga des politiques sociales.
-
En Belgique: l'activation des chômeurs a été mise en place en
2004; l'activation des minimexés a été initiée en 1976 avec
l'article 60. Les divers plans d'aide à l'emploi, les divers plans
d'indemnisation des employeurs coûtent plus de 11 milliards22
à la Belgique dont plus de 3 milliards sont à charge de la sécurité
sociale, pris sur les salaires socialisés. Pour donner une idée de
l'ampleur de cette somme, il faut préciser que ces 3 milliards
représentent la moitié de l'entièreté des prestations de chômage,
prépensions et chômage intempérie compris.
Les
chômeurs doivent prouver qu'ils cherchent activement de l'emploi
pour conserver leurs droits. Ces preuves s'établissent au cours
d'entretiens (en tout cas tous les 16 mois, parfois tous les 4 mois).
Ce sont les chômeurs qui doivent apporter la preuve de leur activité
et non les contrôleurs qui doivent apporter les preuves de
l'inactivité des chômeurs.
En
1976, le taux de chômage était de 5,5% (sur des critères larges :
il suffit de se déclarer au chômage pour être compté comme
chômeur).
En
2003, le taux de chômage était de 8,5%
En
2013, le taux de chômage était de 8,7% (sur des critères étroits:
un travailleurs qui preste quelques heures de travail en emploi sur
le mois quitte les statistiques23).
-
En France, les Rmistes (puis Rmastes) doivent signer un contrat
d'insertion avec leur assistant social. Ce contrat est adapté aux
situations personnelles, aux problèmes du rmaste. De manière
générale, la recherche d'emploi est considérée comme le critère
ultime d'insertion, comme la condition de « mérite »
pour avoir droit à des « aides sociales ». Cette
idéologie culpabilisante du « bon pauvre » fait peser
sur le pauvre la responsabilité de sa pauvreté et, de manière plus
insidieuse et plus aberrante en termes économiques, fait passer les
salaires socialisés, les prestations sociales, pour un coût alors
qu'ils sont au principe même de la création de valeur économique.
De même, les chômeurs indemnisés sont tenus de chercher un emploi
faute de voir leurs prestations suspendues. Là aussi, le taux de
chômage poursuit sa tendance à la hausse sur le temps long.
L'ensemble des aides à l'emploi inconditionnelles aux employeurs
atteint, en France aussi, des sommes astronomiques - que l'on songe
au pacte de responsabilité qui promet 50 milliards d'€ aux
employeurs - sans que le taux de chômage ait esquissé le début
d'un retournement de courbe.
Depuis
2004, les employeurs qui embauchent des rmastes en touchent le
montant à leur place. Les dépenses sociales sont activées: elles
sont directement versées aux actionnaires.
-
En Allemagne, c'est la politique de Hartz IV: il s'agit de harceler
les chômeurs, de les contraindre à accepter n'importe quel boulot.
Selon diverses études, ces mesure maintiennent les chômeurs au
chômage, dégradent l'image qu'ils ont d'eux-mêmes et les
condamnent à la misère24.
Conséquences
Le
fait de parler « activation » des « dépenses »
de chômage n'est pas neutre. C'est une opération idéologique qui
vise à faire passer l'activité hors emploi pour quelque chose
d'inutile, de passif et les prestations sociales à l'origine de la
valeur économique pour un coût. Cette opération de manipulation
permet de faire la guerre aux salaires et de modifier le rapport de
force au sein de la violence sociale capitaliste au bénéfice des
propriétaires lucratifs et au détriment des salariés, avec emploi
ou non.
1.
L'activité est assimilée à la seule recherche d'emploi voire au
seul emploi.
2.
Le concept et la pratique d'activation sèment la confusion quant à
la différence entre emploi et travail.
3.
La population présente sur le marché de l'emploi (le taux de
population active) augmente.
Alors
que dans les pays où il n'y a pas ou peu de politique d'activation,
la proportion de la population active sur la population totale a
tendance à baisser (comme aux États-Unis), les pays qui ont une
politique sociale forte et s'en servent pour pousser les gens sur le
marché de l'emploi ont une population active en croissance. La
baisse de la population active aux États-Unis (118 millions d'actifs
pour une population totale de 360 millions d'habitants) n'est pas
nécessairement un bon signe. Un tiers des Américains est exclu de
la création de richesses économiques et vit probablement pour une
partie importante de ces gens dans une misère qui leur nuit et
détruit le tissu économique.
4.
La croissance de la population active augmente mécaniquement le taux
de chômage.
Le
harcèlement institutionnel des chômeurs fait pression sur leurs
exigences en terme de conditions de travail et de salaire. L'ensemble
des travailleurs, sous la pression de cette concurrence "activée"
voit ses conditions de travail se dégrader.
5.
Comme les chômeurs sont tous harcelés, que le chômage est présent
durablement, les recherches d'emploi s'avèrent souvent
infructueuses. Chaque « offre » d'emploi est l'occasion
d'un concours impitoyable entre de nombreux candidats qui rentrent
tous bredouilles
(sauf un).
On
ne crée aucun emploi par la peur et on ne fait rien de précieux
dans l'emploi sous la menace de la misère, sous le chantage au
chômage d'un employeur animé par l'appétit du gain. Mais la santé
mentale des chômeurs est mise en danger par le harcèlement
administratif qu’ils subissent. Les chômeurs culpabilisent alors
qu'ils sont confrontés au déclassement et à la misère, ils ont
honte de leur statut. Cette honte participe à leur désocialisation
ce qui, après que ces travailleurs aient été exclus de la valeur
économique, les exclut de la valeur concrète. Il s'agit d'une
privation du droit au travail concret, d'une torture analogue à la
privation sensorielle, d'une vie sous la menace perpétuelle d'une
sanction arbitraire. Les institutions sociales, fruits de luttes
sociales acharnées, se retournent contre les chômeurs qu'elles sont
censées protéger, elles les affaiblissent, les mettent sous
dépendance et cultivent leur crainte. Les sujets soumis à la
crainte, à la dépendance et à l'affaiblissement voient leur moi
disparaître25
et obéissent à n'importe quelle injonction, ils sont prêts à
prendre n'importe quel emploi à n'importe quelle condition – ce
qui est le but de l'odieuse manœuvre.
6.
L'activation construit une vision du monde producériste,
conservatrice, dans laquelle il faut "gagner sa croûte",
dans laquelle le mérite conditionne le revenu et la soumission à un
employeur et à ses exigences vénale conditionne le mérite. Les
revenus liés à la propriété lucrative ne sont jamais remis en
question, ce qui révèle ce qu'est cette politique : une guerre
de classe, une guerre des possédants contre les prolétaires.
L'idée
implicite de l'activation, c'est qu'on ne travaille bien que sous la
contrainte. Ceci implique que le travail est nécessairement pénible
et cela justifie, au fond, le carottage. L'activation crée l'image
d'un employeur utile (alors que les travailleurs s'en passent
aisément) et d'un employé suspect.
7.
L'activation en tant qu'aides à l'emploi, qu'aides aux actionnaires,
crée l'idée que l'employeur a du mérite à employer, qu'il est
généreux et bon parce qu'il emploie et, surtout, que le travailleur
est un coût qu'il faut baisser. Cette politique baisse mécaniquement
la part des salaires dans le PIB et augmente la part des dividendes.
Les
salaires socialisés, les prestations de chômage, les pensions, sont
des salaires de plein droit et créent la valeur économique à
l'instar des autres salaires. Utiliser les salaires contre les
salariés (et à leurs dépends) sans leur aval est un vol qualifié
puisque les salaires sont la propriété des salariés, qu'ils soient
individuels ou socialisés.
8.
L'humain activé est un homo œconomicus, un être animé par ses
seuls intérêts lucratifs. C'est le monstre sans qualité sur lequel
les anthropologues de comptoir libéraux fantasment. Comme cet humain
n'existe pas, comme c’est une utopie agissante, les politiques
mises en œuvre en son nom sont inefficaces, inadaptées et
contre-productives et ce à l'aune des critères de réussite
producéristes eux-mêmes. Par contre, ces politiques comme guerre de
classe sont terriblement efficaces. Les salaires s'effondrent et les
profits explosent.
Le
débat sur les effets des gains de productivité tourne autour de la
question de savoir si le capitalisme va pouvoir intégrer ces gains
de productivité par l'élargissement du marché du travail, par
l'accroissement de la classe servile ou non. Le fait que tous
les
gains de productivité antérieurs, la division du travail,
la
machine, l'usine, le charbon, le pétrole, les médias de masse,
l'informatique, la robotique, aient pu être absorbés par un
élargissement de la classe servile (la quantité de travail n'a pas
diminué depuis plus de soixante ans dans la plupart des pays
européens). Krisis (et, avec lui, de manière encore moins
convaincante, un Gortz26)
amène la question de savoir si le système va se réguler en
inventant
toutes
sortes de services aux personnes (et aux entreprises), si les métiers
les plus abscons vont se multiplier pour pallier le fait qu'il n'y a
plus d'emploi ou
si le temps de travail va diminuer pour permettre à
tout le monde de travailler en emploi. Cette hypothèse ferait
baisser la pression exercée par la concurrence sur les travailleurs
et remettrait le système dans une dynamique keynésienne peu
probable à l'heure où les ressources naturelles et humaines
s'épuisent du fait de leur surexploitation.
Les
différentes phases du capitalisme que nous avons grossièrement
esquissées, le capitalisme marchand, industriel, fordiste puis le
capitalisme du désir, ne s'annihilent pas mais s'additionnent,
cohabitent à des niveaux
distincts.
Au sein du capital, la quantité d'heures de travail ouvrées au
niveau mondial n'a sans doute jamais été aussi importante, le
travail en emploi n'a jamais été aussi intense,
mais
le chômage affecte une part significative de la population
prolétaire de manière permanente depuis quarante ans. Si ce chômage
avait pu marquer le pas pendant les trente glorieuses, il a toujours
été omniprésent dans les sociétés industrielles. Le capital a
exproprié les modes de vies antérieurs, les ressources dont elles
dépendaient, contraignant les prolétarisés, les dépossédés à
se vendre comme force de travail ou à chômer.