Nous
avons vu que l'appréciation de la richesse concrète
était
liée au travail concret et
aux ressources naturelles – ce qui pourrait se résumer par les
seules ressources naturelles si l'on considère le temps et
l'activité humaines comme des ressources naturelles. Mais la valeur
économique est
créée par les salaires, en dernier ressort, et le processus de
création de valeur économique est parasité par la propriété
lucrative qui en détourne une partie (l'ε)
et prolétarise l'acte productif en le dissociant de l'acte
d'utilisation, de la consommation. C'est la propriété lucrative et
la direction particulière qu'elle donne à la production concrète
économique qui sont problématiques du points de vue des ressources
naturelles et humaines, pas la production économique en soi. Par
l'absurde, on pourrait imaginer une gestion de la violence sociale
par l'argent et par les salaires qui n'implique pas de production
concrète dangereuse pour les ressources humaines et naturelles. Si
on distribue des salaires, qu'on crée de la valeur ajoutée ce
faisant, on peut imaginer une production concrète de marchandises à
prix qui ne soit pas hostile aux ressources naturelles et humaine.
Pour ce faire, il nous faut bien comprendre ce qu'est la violence
sociale de la propriété lucrative et en quoi elle prévient toute
considération écologique ou sociale dans l'organisation de la
production concrète – et ce en dépit des discours moralisateurs
dont se prévalent les propriétaires lucratifs. Si on reprend la
convention capitaliste du travail telle que
Friot
la décrit, nous avons la notion de propriété lucrative, de marché
de l'emploi et de dette qui mettent tous
les
acteurs économiques sous la coupe
des
propriétaires lucratifs. Les propriétaires lucratifs ne subissent
pas de pression mais veulent maximiser leurs retours sur
investissements. Pour ce faire, en nous référant à la définition
de la valeur ajoutée, ils peuvent manipuler les différents termes
des équations
(2.2)
et (2.4) ci-dessus pour
-
augmenter le taux d'exploitation, diminuer les salaires et augmenter
le temps de travail pour un même salaire, cette politique gaspille
les ressources humaines et naturelles à des seules fins vénales
serviles
-
diminuer les investissements mais, à terme, sous la pression de la
concurrence, cette politique condamne l'entreprise … et ses
bénéfices. C'est néanmoins une stratégie utilisée par les fonds
vautour qui achètent les outils de production pour les dépecer et
en licencier le personnel
-
diminuer les consommations intermédiaires en dégradant la qualité
des produits vendus. C'est là aussi une stratégie qui ne tient que
sur un très court terme, avant la disparition sous la pression d'une
concurrence de meilleure qualité
-
pratiquer un management extrême, une gestion du personnel qui les
sollicite au maximum quitte à assumer une certaine rotation du
personnel, quitte à externaliser les frais de santé du personnel
victime de cette politique sur la sécurité sociale
-
externaliser les coûts de production. L'inventivité vénale ne
connaît pas de limite en la matière, mais citons les principales :
laisser les coûts de dépollution de l'activité industrielle aux
pouvoirs publics (et abandonner les bénéfices aux seuls
actionnaires) ; fiscaliser les salaires, les faire payer par la
collectivité, au moyen d'aide à l'emploi ou d'exemption des
cotisations (c'est-à-dire de baisse de salaire)12.
Proposition
58
La
propriété lucrative déresponsabilise les producteurs ce qui la
rend incompatible avec l'écologie ou l'éthique.
|
Tous
ces moyens pour augmenter le taux de profit mettent à mal les
finances publiques, les salaires, ils augmentent le taux
d'exploitation et pillent les ressources naturelles et humaines. Les
agents économiques sont mis sous pression par l'aiguillon de la
nécessité, par la peur de la misère,
soit
parce qu'ils sont prolétaires et doivent vendre leur force de
travail – c'est le marché de l'emploi dans la convention
capitaliste du travail selon Friot – soit parce qu'ils sont
endettés et doivent payer leur créancier et
les intérêts,
intérêts qui définissent des fonctions de type exponentiel, qui
définissent donc une pyramide de Ponzi comme nous l'avons vu. Les
agents économiques sont donc tous sous pression (à part les
propriétaires lucratifs qui sont des parasites économiques, nous
l'avons vu) et doivent se conformer à l'impératif de productivité.
C'est dans ce cadre qu'ils participent au pillage des ressources
humaines, sociales et naturelles communes. C'est donc ce cadre qui
est problématique – et nullement les activités économiques
ou concrètes en
tant que telles. Il faut donc nécessairement changer ce cadre si
l'on veut cesser le pillage des ressources humaines et naturelles.
Pour ce faire, il faut a
minima un
cadre de production économique et concrète qui
-
permette
la liberté de l'agent économique d'accepter ou de refuser de
participer au pillage des ressources dont
il dépend aussi. Pour
ce faire, il faut dissocier le droit à la participation économique
de l'activité concrète, il faut dissocier le salaire, la
reconnaissance de la création de valeur économique du travail
concret
-
définisse un cadre – législatif ou démocratique – qui limite
les activités concrètes à valeur d'usage négatif. Pour ce faire,
il faut amener la démocratie dans la production concrète et
économique,
ce qui peut faire l'objet d'étude en soi (voir Friot).
-
associe la décision relative à l'usage d'une ressource naturelle ou
humaine à celles ou ceux qui seront touchés par l'affectation, par
l'usage de cette ressource. En premier lieu, il faut que le
producteur (abstrait, salarié ou concret, travailleur dans l'emploi
ou hors emploi) puisse décider de
manière souveraine, sans aiguillon de la nécessité,
comment allouer
les
ressources humaines dont il est porteur.