Définition et enjeux

Construction et herméneutique d'une économie de la puissance humaine

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Argent et concurrence

Pour l'investisseur, l'activité de production de valeur économique est tournée vers le profit. Cet investisseur consacre de l'argent accaparé sur le travail des employés à une activité économique soumise à de la concurrence pour générer de la plus-value, pour s'enrichir quel que soit le type d'activité concrète de l'entreprise : l'investisseur peut acheter des actions dans le nucléaire, les poupées gonflables ou l'aide aux personnes âgées, cela n'a pas d'importance, il veut récupérer son investissement avec une plus-value la plus élevée possible.

Proposition 35
La valeur économique détermine des intérêts sociaux antagoniques.


Dans cette opération, le goût du lucre, l'avidité de l'investisseur aura déterminé la nature du travail concret, elle aura organisé la production, la gestion de la main-d’œuvre, l'encadrement, la façon de produire et la nature de la production sans considération pour le point de vue de l'intérêt public ou pour celui des producteurs soumis au terrorisme de l'aiguillon de la nécessité. Ce que Marx appelle le fétichisme de la marchandise consiste à gommer toute trace, toute visibilité au goût du lucre de l'investisseur mais aussi aux conditions de travail des employés. La marchandise se présente au consommateur vierge de toute condition de réalisation, vierge de l'avidité du patron ou de la sueur de l'ouvrier, vierge des vallées détruites ou du management par la haine.

Note 22. Le marché et le capitalisme

Le fétiche de la plus-value



Le fétichisme de la marchandise voile la logique capitaliste par excellence en tant que fétiche. Quand il se produit des marchandises dans la logique capitaliste, pour Marx, la marchandise initiale M devient une autre marchandise M' via le capital.



(5.1)

M-C-C'-M'



avec M=la valeur des marchandises initiales (en termes comptables, les consommations intermédiaires, ce qu'il faut acheter pour produire)



avec C=la valeur du capital investi (salaire et investissements)



avec C'=la valeur du capital après le travail (la différence entre C et C', est la valeur ajoutée, produite exclusivement par les travailleurs, hors emploi et dans l'emploi)



avec M'=la valeur des nouvelles marchandises qui réalisent C', que le capital constitué permet d'acheter.



Le principe de cette équation, de ce mouvement de la marchandise, c'est l'accumulation. Nous l'avons vu, l'accumulation s'inscrit dans une logique exponentielle, c'est une arnaque type pyramide de Ponzi. C'est cette logique de l’appât du gain que la marchandise voile.



Pour autant, il nous faut distinguer la logique de la marchandise et celle du capitalisme du marché. Le marché est l'ensemble des biens et des services, des productions économiques qui ont un prix. Tous les biens et les services qui ont un prix ne sont pas nécessairement produits de manière capitaliste.



La logique capitaliste repose sur quatre institutions selon l'économiste Bernard Friot. Ces quatre institutions déterminent le caractère capitaliste de la production économique alors que les prix déterminent le caractère mercantile de la production économique. Le fait d'être soumis à un marché, le fait que les marchandises soient liées à des prix n'implique pas nécessairement une production capitaliste.



Les quatre institutions capitalistes



1. La propriété lucrative des moyens de production permet aux actionnaires ou aux créanciers de s'accaparer les fruits du travail des employés, ils s'attribuent aussi bien les dividendes que la gestion des investissements - tous produits par le travail des employés et des hors emploi.



2. La convention du travail capitaliste mesure la valeur produite par le travail en se référant à la mesure de la quantité de temps. Ceci marque profondément le travail concret dans les usines, dans les bureaux. Il faut aller vite et produire le plus rapidement possible de la valeur.



3. La concurrence organise l'activité. Il faut être plus rapides que les autres, il faut produire davantage de valeur ajoutée par unité de temps, etc. L'emploi est organisé par un marché du travail. Le temps humain est alors une marchandise comme une autre. Le but des employeurs est logiquement d'en diminuer le coût.



4. Le crédit privé finance l'investissement et la dépense. Ce crédit est assorti de taux d'intérêt qui, combinés à une échelle macro-économique, constituent eux aussi une fonction exponentielle qui concentre mécaniquement la richesse.



Marchandises à prix et capitalisme



On peut imaginer



- des marchandises à prix disponibles sur un marché qui ne soient pas capitalistes.



Par exemple: les marchandises d'un petit artisan sans dette; la part du prix de toutes les marchandises qui correspond à la valeur produite hors du capitalisme par les retraités, les chômeurs, les malades, les médecins, les instituteurs ou les fonctionnaires. Cette part du prix est intégrée via l'impôt pour les salaires des fonctionnaires ou les cotisations sociales pour les salariés hors emploi.



- des marchandises à prix disponibles sur le marché qui soient capitalistes.



C'est le cas de tout ce qui est produit par des sociétés à actions privée dans un but lucratif. Les sodas, les meubles ou le ciment en font généralement partie. Les économistes vulgaires croient et tentent de nous faire croire que ce type de marchandise est le seul qui crée de la valeur économique légitime, « réelle ».



- des biens et des services sans prix qui soient capitalistes.



C'est le cas des dépenses de l'État, les dépenses d'énergie, d'infrastructure ou de restauration immobilière, par exemple. Elles ne coûtent rien directement, elles sont intégrées dans les prix des autres marchandises par l'impôt mais elles sont produites par des sociétés privées selon la logique capitaliste.



- des biens et des services sans prix qui ne soient pas capitalistes.



C'est le cas aussi bien de l'économie domestique vampirisée par l'économie lucrative que des services publics gratuits - les écoles, les hôpitaux, les commissariats, les casernes de pompier, les routes (sauf si elles sont sous-traitées au privé), etc.



La mise en cause de l'emploi et des institutions capitalistes comme rapport d'asservissement exclut la logique capitaliste mais pas nécessairement le marché, l'échange de marchandises à prix. Les prix intègrent la notion de consommation intermédiaire et de valeur ajoutée. Cette valeur ajoutée est créée par les salaires – mais la gratuité rend la nécessité des salaires moins prégnante.


Proposition 36
La marchandise agit comme fétiche : elle se cache pour ce qu'elle est et se montre pour ce qu’elle n’est pas. Elle détermine les actes des agents économiques.


La gratuité doit être intégrée dans les prix des marchandises à prix et, à l'extrême, pour reprendre l'exemple d'école que Bernard Friot m'évoquait, si une seule marchandise à prix se trouve sur le marché, elle doit intégrer dans son prix toute la valeur ajoutée utile aux salaires et aux investissements de toute la production économique gratuite - ce qui la rendrait assurément impayable, sauf à travailler pour rien mais c'est là une démarche qui risque de mettre à l'encan les acquis des luttes féministes ou des luttes antiesclavagistes. L'argent permet de gérer la violence sociale en se dégageant des structures de violence sociale antérieure, des structures personnelles, lige, féodales. L'argent est le prix, en quelque sorte, de cette émancipation des structures traditionnelles. Ce prix peut lui-même générer, soutenir, construire une violence sociale intimement liée à celle qu'il peut dépasser.



La nature de la cristallisation de la violence sociale doit être réfléchie quand on opte pour la gratuité. On peut imaginer une société qui s'émancipe des prix et des salaires à condition qu'elle ait pensé la violence sociale incarnée par la féodalité puis par le capitalisme de telle sorte qu'elle constitue un devenir désirable pour ses membres. Pour le dire en terme simple, si la gratuité implique la fuite dans une communauté sous le joug d'un gourou, elle ne constitue pas un devenir souhaitable pour nous qui avons connu la libération de ce type de liens de soumission grâce à l'argent – nous éprouverons des difficultés à revenir en arrière, à revenir à l'époque des prêtres tout-puissants ou des seigneurs plus ou moins bienveillants parce que nous avons bénéficié de la neutralisation sociale et de la distanciation de la violence sociale par l'argent. Pour autant, la piste de la gratuité universelle n'est pas à exclure dans la mesure où elle intègre le dépassement des structures traditionnelles de domination, de violence sociale.



Note 23. La violence sociale chez Engels


Pour Engels, ce sont les infrastructures économiques qui déterminent les superstructures sociales, religieuses ou politiques. Pour faire simple, c'est le moulin à vent qui donne le Moyen-Âge et non la religion, l'organisation sociale ou les enjeux politiques qui donnent le moulin à vent.



Résumé de l'extrait.



La société ante-capitaliste s'organise en gens (mot latin signifiant la famille, prononcé avec le "g" de gaffe et le "en" comme "haine" et le "s"), en groupes de familles élargies, en tribus. Au moment où l'évolution technique de la production agricole permet la sédentarisation, les champs, les cultures et l'échange, de ce fait, entre gentes.



La sédentarisation a rendu la main d’œuvre nécessaire, ce qui a ouvert la voie de l'esclavage. La maîtrise du fer a amené la division du travail entre artisans et paysans et, avec elle le commerce. Le commerce a fait apparaître les riches et les pauvres et, avec cette stratification sociale, l'apparition de la famille comme unité économique de la société. La division du travail fait aussi apparaître les commerçants, intermédiaires parasites entre les producteurs. Cette organisation du travail rend les anciennes institutions tribales caduques. Elle lui substitue l'État - et ses élections bourgeoises - en intermédiaire soi-disant neutre.



Le développement de la production dans toutes les branches - élevage, culture, artisanat, domestique - permit à la force de travail humaine de créer plus de produits que n'en exigeait son entretien. En même temps, il augmentait la somme de travail journalier qui incombait à chaque membre de la gens, de la communauté familiale ou de la communauté isolée.

L'acquisition de nouvelles forces de travail devint utile. La guerre les fournit [Engels lie les formes deux et trois de la violence dès l'origine]: les prisonniers de guerre furent réduits en esclavage. La première grande division sociale du travail accru la productivité du travail, donc de la richesse. Elle étendit le champ de la production [la création de richesse sociales est liée à la violence sociale et physique](...). De la première grande division sociale du travail, jaillit la première division de la société en deux classes: maîtres et esclaves, exploiteurs et exploités.

(...)

La même cause qui assurait autrefois la prédominance de la femme dans la maison, c'est-à-dire son emploi exclusif au travail ménager, cette même cause assurait désormais l'autorité de l'homme: celui-ci était tout, l'autre, un complément insignifiant.

(...)


Le fer permit [ensuite] de cultiver de plus grandes étendues de terre et de défricher d'immenses espaces boisés. Il donna au travail manuel un instrument d'une dureté et d'un tranchant dont pas une pierre, pas un autre métal ne pouvait fournir l'équivalent.

(...)

La richesse se développait rapidement, mais comme propriété individuelle. Le tissage, la métallurgie et les autres travaux manufacturiers, qui se distinguaient de plus en plus les uns des autres, créèrent une différenciation croissante des branches de la production. (...) Une activité si variée ne pouvait plus être exercée par les mêmes individus:
la deuxième grande division du travail s'opéra, le travail artisanal se sépara de l'agriculture.

(...)

Avec la division de la production en deux grandes branches: l'agriculture et l'artisanat, naît la production destinée expressément à l'échange, la production de marchandise, ainsi que le commerce, non seulement à l'intérieur de la tribu, ou avec ses voisins, mais déjà par mer.

(...)

À côté de la distinction entre hommes libres et esclaves apparaît la distinction entre riches et pauvres. C'est une nouvelle division de la société en classes que provoque la nouvelle division du travail. L'inégalité entre chefs de famille selon les richesses dont chacun est propriétaire privé fait disparaître l'antique communauté villageoise. (...) La terre labourable fut assignée aux familles privées d'abord temporairement, plus tard de façon définitive. Sa transformation intégrale en propriété privée s'opéra graduellement et parallèlement avec la transformation du mariage syndiasmique en monogamie. La cellule familiale commençait à devenir l'unité économique de base de la société.

(...)

La guerre qui autrefois n'était déclarée que pour se venger des offenses ou pour étendre le territoire devenu trop étroit, fonctionne maintenant comme moyen de pillage. Elle devient une industrie permanente.

(...)

 [L]es organes de l'organisation gentilice se détachent progressivement de leur racine - le peuple, la gens, la phratrie, la tribu - toute l'organisation gentilice se transforme en son contraire: d'une organisation de tribus établie en vue de régler librement leurs propres affaires, elle devient une organisation destinée au pillage et à l'oppression des voisins. Parallèlement à cette transformation, les organes de la volonté populaire deviennent des institutions indépendantes dont la raison d'être est la domination exercée sur le peuple et son oppression.

(...)


[La civilisation] s'ouvre par un nouveau progrès de la division du travail. Dans une période barbare inférieure, les hommes ne produisaient qu'en vue de leurs propres besoins. L'échange n'intervenait que rarement et portait sur des produits qui se trouvaient par hasard en surabondance.

(...)

La civilisation consacre et développe toutes les formes antérieures de division du travail. Elle accentue notamment l'opposition entre la ville et la campagne (d'où dérive la possibilité pour la ville de dominer économiquement la campagne, comme dans l'antiquité, ou pour la campagne d'exercer la même prédominance sur la ville, comme au Moyen-Âge). Et elle ajoute
une troisième division du travail qui lui est propre, et qui a une importance décisive: elle enfante une classe qui ne s'occupe plus de la production, mais de l'échange des produits, exclusivement: les marchands.

(...)

Voici que,
pour la première fois, apparaît une classe qui, sans prendre part d'une façon quelconque à la production, en acquière la direction complète et asservit économiquement les producteurs, qui se fait l'intermédiaire indispensable entre deux producteurs et les exploite tous les deux. (...) Tant que dure la civilisation, elle est appelée à recevoir de nouveaux honneurs et à exercer une domination croissante sur la production - jusqu'au jour où elle produit enfin elle-même quelque chose: les crises commerciales périodiques.

(...)

Les institutions gentilices étaient nées d'une société qui ne connaissait point d'antagonisme internes et elles n'étaient adaptées qu'à une pareille société. Elles ne disposaient d'aucun moyen de contrainte en dehors de l'opinion publique. Maintenant, au contraire, nous sommes en présence d'une société qui, en vertu des conditions générales de la vie économique, dut se diviser en hommes libres et en esclaves, en riches exploiteurs et en pauvres exploités, d'une société qui non seulement est impuissante à résoudre ses antagonismes, mais doit les accentuer de plus en plus. Semblable société avait seulement le choix entre deux solutions: ou bien vivre en état de lutte ouverte, permanente, opposant ses classes entre elles, ou bien se placer sous l'autorité d'une troisième puissance qui, planant en apparence au-dessus des classes en guerre, paralyserait les actes de violence et ne permettrait à la lutte des classes rien de plus que des affrontements soi-disant légaux sur le terrain économique. Les institutions gentilices avaient vécu. Elles avaient succombé sous la pression de la division du travail et de son produit, la division de la société en classes. Elles furent remplacées par l'État.

Engels, Théorie de la violence, 10/18, 1972, pp. 228-233, nous mettons en gras.

Proposition 37
La valeur économique est une forme d'organisation de la violence sociale.

La valeur d'échange se manifeste par les prix, par une quantité d'argent allouée à un bien ou à un service produit dans la sphère du marché – de manière capitaliste ou non. Mais la valeur exprimée par les prix ne reprend pas la seule valeur d'échange de la marchandise à prix. Dans le prix sont inclus les impôts – donc de la valeur ajoutée créée par les salaires des fonctionnaires – les cotisations sociales – donc de la valeur ajoutée créée par les salaires sociaux des retraités, des chômeurs ou des invalides.

Comme les prix permettent la création de valeur ajoutée, les salaires sont finalement reconnus par les prix – ce qui est susceptible d'en faire l'intérêt. L'extension de la gratuité impliquerait l'augmentation des prix des marchandises à prix sauf à supprimer les salaires.

L'argent est donc un vecteur de valeur économique. Différentes valeurs économiques créées par les salaires s'agrègent de manière spécifique dans les prix. Mais les prix servent également de vecteurs à la concurrencesoit indirectement dans le cas de guerre de monnaie, de dévaluation compétitive, soit comme expression directe de cette concurrence dans les prix.

Mais l'argent en soi, le fait qu'il soit ou non gagé sur des biens de valeur, le fait qu'il y ait création monétaire n'est pas nécessairement déterminant par rapport à l'inflation. Nous avons vu que c'est la nature de l'affectation de l'argent qui va déterminer la nature inflationniste (ou non) de la création monétaire. L'argent affecté au salaire n'est pas inflationniste, il crée du PIB puisqu'il est réalisé et l'argent dévolu à l'épargne, à la thésaurisation, à l'accumulation disparaît des circuits productifs qui sont alors sujets l'inflation.

Note 24. La concurrence et l'externalisation

Messieurs, il n’y a qu’un moyen d’abolir la guerre entre les peuples, c’est abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie — qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille — un régime de concorde sociale et d’unité.

J. Jaurès



Dans la vulgate libérale, la concurrence permet au meilleur de l'emporter. C'est par elle que passe 'la main invisible' du marché qui va régir nos activités au mieux des intérêts communs.



Dans les faits, du point de vue de l'emploi, nous sommes obligés de constater que les choses ne se passent pas tout à fait comme cela. Si, dans un premier temps, on peut avoir une niche, une innovation particulière qui permet à une entreprise donnée de faire de plantureux bénéfices sans concurrence, dans un second temps, quand la concurrence joue, les entreprises vont se livrer une guerre entre elles en baissant les prix.



Pour baisser les prix et l'emporter sur la concurrence, il faut diminuer la valeur ajoutée et, pour ce faire, réduire l'un des postes qui la constitue.



- Soit on diminue les dividendes. C'est une solution de dernier recours puisque, du point de vue des propriétaires des entreprises qui décident de la nature de l'activité et de son organisation, cette solution rend leur investissement moins lucratif.



- Soit on dégrade la qualité du produit vendu en utilisant des matières premières de moins bonne facture, en réduisant les frais de fabrication, ce que, en comptabilité, on appelle les consommations intermédiaires. Cette solution a pour inconvénient de faire fuir les consommateurs à long terme. Elle n'est donc pas tenable dans la durée sauf pour ce qui est de l'externalisation des coûts: l'entreprise la plus polluante (celle qui consacre le moins d'argent à prévenir les dégâts écologiques que son activité pourrait générer) retire un avantage concurrentiel.



- Soit on comprime les salaires. C'est toujours cette solution qui a la faveur des propriétaires. La compression des salaires peut impliquer



- une augmentation de la production par unité de temps par travailleur,

- une réduction des salaires bruts,

- une réduction des salaires sociaux,

- le recours à l'emploi au noir (ce qui réduit les salaires sociaux et individuels), l'augmentation de la durée de travail par salarié sans compensation salariale (heures supplémentaires gratuites obligatoires, non indemnisation des trajets, des déchargements, etc.)

- une pression accrue sur la production horaire, ce qui implique un management par la haine, une dévalorisation des prestations de l'employé, une pression à faire vite, des injonctions paradoxales (faire vite mais faire bien, ce que l'employé doit traduire par faire vite et cacher les malfaçons)

- le recours à une main d’œuvre flexible, aux contrats précaires. Surexploitation d'un personnel en 'turn-over' permanent: les travailleurs s'épuisent rapidement à la tâche et sont remplacés constamment par des chômeurs en besoin de salaire. La sécurité sociale doit couvrir les soins et l'incapacité des malades produits par ces pratiques managériales



Comme, du fait de la concurrence, toutes les entreprises ont les mêmes pratiques, l'avantage concurrentiel final est nul puisqu'elles sont finalement contraintes de réduire le prix de vente de leurs productions plutôt que d'augmenter leurs marges. Par contre, l'entreprise à la pointe de ces pratiques, celles qui les mettra en œuvre le plus rapidement et le plus complètement en retirera un avantage concurrentiel relatif. En termes économique, c'est le taux d'exploitation (Plus-value/V, avec V=les salaires) qui augmente avec ces pratiques mais, comme elles affectent tous les producteurs, c'est la réalisation du capital produit qui va diminuer avec la part salariale dans la valeur ajoutée (la composition organique du capital C/V, le capital fixe, les machines, sur le capital vivant, les salaires). Avec la diminution de ρ, la réalisation du capital antérieur, du PIB, c'est la quantité totale de PIB qui diminue de pair avec la part qui en est consacrée aux salaires (nous avons démontré que le PIB était produit par les salaires).



La concurrence ne récompense donc pas les entreprises les plus efficaces mais celles qui maltraitent le plus leurs employés et celles qui parviennent à externaliser leurs coûts - notamment écologiques et sociaux - sur le contribuable ou sur la sécurité sociale.



Les entreprises en concurrence vendent les biens et les services produits par les producteurs, par les travailleurs à un certain prix.


Le prix se compose de la valeur ajoutée et des frais. Comme toutes les entreprises sont en concurrence, elles ont toutes intérêt à vendre leurs biens et leurs services au prix le plus bas pour l'emporter sur la concurrence. Par ailleurs, les propriétaires des entreprises ont intérêt à maximiser leurs marges et leurs dividendes. Pour ce faire, à prix constant, ils peuvent bien sûr réduire les salaires en augmentant leurs dividendes, ce qui laissent le prix et la valeur ajoutée inchangés mais ils peuvent aussi augmenter la valeur ajoutée et diminuer les frais.



L'externalisation est la diminution des frais de production. Elle permet d'augmenter la valeur ajoutée pour le même prix (et donc les dividendes) ou de baisser les prix (et donc de vitrifier la concurrence).

Concrètement, l'externalisation peut avoir bien des formes:

- les coûts écologiques sont déplacés sur la collectivité, sur l'impôt acquitté par les classes moyennes. L'entreprise qui pollue ne dépollue pas, l'entreprise qui pille les ressources naturelles ne les reconstitue pas, etc.

- les coûts d'infrastructure sont assumés par la collectivité - c'est la principale ambition du projet économique de l'Europe pour le moment et le principal projet économique de la Belgique ou de la France. L'impôt des classes moyennes finance les autoroutes, les ports et les aéroports qui permettent aux entreprises de délocaliser sans surcoût et de pratiquer les flux tendus. La pollution produite par toute cette politique de transport délirant provoque des dégâts économiques et sanitaires également financés par les contribuables.

- les coûts sanitaires des managements modernes sont assumés par la sécurité sociale. C'est l'entreprise qui encaisse les gains de productivité, c'est la sécurité sociale ou la charité publique qui assument les frais liés au surmenage que génère la surproductivité des employés, ce sont elles qui paient les turn-over, les burn-out, les complications, les frais de santé, l'invalidité provisoire ou permanente des producteurs suite à ces mauvais traitements

- les coûts de formation, d'éducation sont assumés par la collectivité. Tant qu'il s'agit de formation ou d'éducation généraliste, tout va bien. À partir du moment où ce sont les exigences de productivité de l'entreprise qui déterminent les contenus et les méthodes d'enseignement, l'entreprise charge la collectivité du financement de la formation de ses cadres, elle se défausse de cette responsabilité et de ces frais.

Bien sûr, du fait de la concurrence, l'externalisation permet de survivre si elle est généralisée dans le secteur, elle permet de dégager des bénéfices plantureux pour l'entreprise si la concurrence n'y a pas recours. Elle récompense l'irresponsabilité des propriétaires et le caractère sociopathique de l'entreprise lucrative comme acteur économique.

C'est pourtant la concurrence et son corollaire, l'externalisation, qui sont gravées dans le marbre des institutions européennes, c'est cette concurrence et l'externalisation que veut favoriser une série de futurs traités internationaux négociés dans le plus grand secret.



Vu qu'il s'agit de favoriser la maltraitance des salariés (employés, ouvriers, chômeurs, retraités, etc.) qui constituent la grande majorité du corps social de ces pays, vu qu'il s'agit de supprimer toute entrave au pillage des ressources dont nous avons tous besoin au profit d'une activité lucrative pour une infime minorité, on peut comprendre cette discrétion.



Proposition 38
La concurrence entre les travailleurs contraint à la guerre aux salaires, à la dégradation des conditions de travail et à l'augmentation du taux d'exploitation. Elle est antilibérale puisque ce type de concurrence n’organise pas l’efficacité mais le moins-disant social.