Résumé de l'extrait.
La société ante-capitaliste s'organise en gens (mot latin signifiant la famille, prononcé avec le "g" de gaffe et le "en" comme "haine" et le "s"), en groupes de familles élargies, en tribus. Au moment où l'évolution technique de la production agricole permet la sédentarisation, les champs, les cultures et l'échange, de ce fait, entre gentes.
La sédentarisation a rendu la main d’œuvre nécessaire, ce qui a ouvert la voie de l'esclavage. La maîtrise du fer a amené la division du travail entre artisans et paysans et, avec elle le commerce. Le commerce a fait apparaître les riches et les pauvres et, avec cette stratification sociale, l'apparition de la famille comme unité économique de la société. La division du travail fait aussi apparaître les commerçants, intermédiaires parasites entre les producteurs. Cette organisation du travail rend les anciennes institutions tribales caduques. Elle lui substitue l'État - et ses élections bourgeoises - en intermédiaire soi-disant neutre.
Le développement de la production dans toutes les branches - élevage, culture, artisanat, domestique - permit à la force de travail humaine de créer plus de produits que n'en exigeait son entretien. En même temps, il augmentait la somme de travail journalier qui incombait à chaque membre de la gens, de la communauté familiale ou de la communauté isolée.
L'acquisition de nouvelles forces de travail devint utile. La guerre les fournit [Engels lie les formes deux et trois de la violence dès l'origine]: les prisonniers de guerre furent réduits en esclavage. La première grande division sociale du travail accru la productivité du travail, donc de la richesse. Elle étendit le champ de la production [la création de richesse sociales est liée à la violence sociale et physique](...). De la première grande division sociale du travail, jaillit la première division de la société en deux classes: maîtres et esclaves, exploiteurs et exploités.
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La même cause qui assurait autrefois la prédominance de la femme dans la maison, c'est-à-dire son emploi exclusif au travail ménager, cette même cause assurait désormais l'autorité de l'homme: celui-ci était tout, l'autre, un complément insignifiant.
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Le fer permit [ensuite] de cultiver de plus grandes étendues de terre et de défricher d'immenses espaces boisés. Il donna au travail manuel un instrument d'une dureté et d'un tranchant dont pas une pierre, pas un autre métal ne pouvait fournir l'équivalent.
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La richesse se développait rapidement, mais comme propriété individuelle. Le tissage, la métallurgie et les autres travaux manufacturiers, qui se distinguaient de plus en plus les uns des autres, créèrent une différenciation croissante des branches de la production. (...) Une activité si variée ne pouvait plus être exercée par les mêmes individus: la deuxième grande division du travail s'opéra, le travail artisanal se sépara de l'agriculture.
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Avec la division de la production en deux grandes branches: l'agriculture et l'artisanat, naît la production destinée expressément à l'échange, la production de marchandise, ainsi que le commerce, non seulement à l'intérieur de la tribu, ou avec ses voisins, mais déjà par mer.
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À côté de la distinction entre hommes libres et esclaves apparaît la distinction entre riches et pauvres. C'est une nouvelle division de la société en classes que provoque la nouvelle division du travail. L'inégalité entre chefs de famille selon les richesses dont chacun est propriétaire privé fait disparaître l'antique communauté villageoise. (...) La terre labourable fut assignée aux familles privées d'abord temporairement, plus tard de façon définitive. Sa transformation intégrale en propriété privée s'opéra graduellement et parallèlement avec la transformation du mariage syndiasmique en monogamie. La cellule familiale commençait à devenir l'unité économique de base de la société.
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La guerre qui autrefois n'était déclarée que pour se venger des offenses ou pour étendre le territoire devenu trop étroit, fonctionne maintenant comme moyen de pillage. Elle devient une industrie permanente.
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[L]es organes de l'organisation gentilice se détachent progressivement de leur racine - le peuple, la gens, la phratrie, la tribu - toute l'organisation gentilice se transforme en son contraire: d'une organisation de tribus établie en vue de régler librement leurs propres affaires, elle devient une organisation destinée au pillage et à l'oppression des voisins. Parallèlement à cette transformation, les organes de la volonté populaire deviennent des institutions indépendantes dont la raison d'être est la domination exercée sur le peuple et son oppression.
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[La civilisation] s'ouvre par un nouveau progrès de la division du travail. Dans une période barbare inférieure, les hommes ne produisaient qu'en vue de leurs propres besoins. L'échange n'intervenait que rarement et portait sur des produits qui se trouvaient par hasard en surabondance.
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La civilisation consacre et développe toutes les formes antérieures de division du travail. Elle accentue notamment l'opposition entre la ville et la campagne (d'où dérive la possibilité pour la ville de dominer économiquement la campagne, comme dans l'antiquité, ou pour la campagne d'exercer la même prédominance sur la ville, comme au Moyen-Âge). Et elle ajoute une troisième division du travail qui lui est propre, et qui a une importance décisive: elle enfante une classe qui ne s'occupe plus de la production, mais de l'échange des produits, exclusivement: les marchands.
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Voici que, pour la première fois, apparaît une classe qui, sans prendre part d'une façon quelconque à la production, en acquière la direction complète et asservit économiquement les producteurs, qui se fait l'intermédiaire indispensable entre deux producteurs et les exploite tous les deux. (...) Tant que dure la civilisation, elle est appelée à recevoir de nouveaux honneurs et à exercer une domination croissante sur la production - jusqu'au jour où elle produit enfin elle-même quelque chose: les crises commerciales périodiques.
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Les institutions gentilices étaient nées d'une société qui ne connaissait point d'antagonisme internes et elles n'étaient adaptées qu'à une pareille société. Elles ne disposaient d'aucun moyen de contrainte en dehors de l'opinion publique. Maintenant, au contraire, nous sommes en présence d'une société qui, en vertu des conditions générales de la vie économique, dut se diviser en hommes libres et en esclaves, en riches exploiteurs et en pauvres exploités, d'une société qui non seulement est impuissante à résoudre ses antagonismes, mais doit les accentuer de plus en plus. Semblable société avait seulement le choix entre deux solutions: ou bien vivre en état de lutte ouverte, permanente, opposant ses classes entre elles, ou bien se placer sous l'autorité d'une troisième puissance qui, planant en apparence au-dessus des classes en guerre, paralyserait les actes de violence et ne permettrait à la lutte des classes rien de plus que des affrontements soi-disant légaux sur le terrain économique. Les institutions gentilices avaient vécu. Elles avaient succombé sous la pression de la division du travail et de son produit, la division de la société en classes. Elles furent remplacées par l'État.
Engels, Théorie de la violence, 10/18, 1972, pp. 228-233, nous mettons en gras.