Résumé1 et extraits
Le monde du travail connaît de nouvelles formes de domination.
1. L'évaluation individualisée des performances dont l'auto-contrôle est la forme la plus achevée. L'évaluation individualisée est couplée à des contrats d'objectifs, ce qui organise la concurrence de tous contre tous.
Le monde du travail connaît de nouvelles formes de domination.
1. L'évaluation individualisée des performances dont l'auto-contrôle est la forme la plus achevée. L'évaluation individualisée est couplée à des contrats d'objectifs, ce qui organise la concurrence de tous contre tous.
Le résultat final de l’évaluation et des dispositifs connexes est principalement la déstructuration en profondeur de la confiance, du vivre-ensemble et de la solidarité. Et, au-delà, c’est l’abrasion des ressources défensives contre les effets pathogènes de la souffrance et des contraintes de travail. L’isolation et la méfiance s’installent et ouvrent la voie à ce qu’on appelle les pathologies de la solitude, qui me semblent être un des dénominateurs communs des nouvelles pathologies dans le monde du travail.
2. La qualité totale
Il y a un décalage entre les prescriptions et le travail effectif. De ce fait, les pathologies mentales se développent au travail. Comme il n'existe pas de production parfaite, les producteurs font la course aux infractions, aux tricheries, aux fraudes. Cette manière de faire met les travailleurs en porte-à-faux par rapport à leur éthique.
En imposant la qualité totale, qui est en fait une chimère, on génère inévitablement une course aux infractions, aux tricheries, voire aux fraudes. Car il faut bien satisfaire aux contrôles et aux audits pour obtenir une certification ISO 9 000 ou 13 000, etc. Annoncer la qualité totale, non pas comme un objectif, mais comme une contrainte, génère toute une série d’effets pervers qui vont avoir des incidences désastreuses. Ces fraudes inévitables générées par la qualité totale ont, en effet, un coût psychique énorme, non seulement en termes d’augmentation de la charge de travail – tout le monde peut en témoigner –, mais aussi en termes de problèmes psychologiques. La contrainte à mentir, à frauder, à tricher avec les contrôles met beaucoup d’agents en porte-à-faux avec leur métier, avec leur éthique professionnelle et avec leur éthique personnelle.
Il en résulte une souffrance psychique qui est en cause dans les syndromes de désorientation, de confusion, de perte de confiance en soi et de perte de confiance dans les autres, dans les crises d’identité et dans les dépressions pouvant aller jusqu’au suicide, notamment lorsqu’un agent se voit entraîné malgré lui à participer à des pratiques que, moralement, il réprouve.
3. Le coaching
L'évaluation individualisée et l'aide individualisée cassent les solidarités. Il s'agit d'entretenir le moral, le zèle du cadre. Au mieux, l'aide individualisée atténue les effets délétères de l'évaluation, au pire elle en fait intérioriser les principes.
4. La gestion du stress
L'évaluation individualisée et l'aide individualisée cassent les solidarités. Il s'agit d'entretenir le moral, le zèle du cadre. Au mieux, l'aide individualisée atténue les effets délétères de l'évaluation, au pire elle en fait intérioriser les principes.
4. La gestion du stress
L’autre méthode largement utilisée est la « gestion du stress ». Elle vise aussi à corriger les effets pervers de l’organisation du travail qui poussent tendanciellement vers la surcharge de travail, le surmenage, l’épuisement et leur cortège de dégradations de l’activité, d’irritabilité dans les relations avec les collègues et de risque de décompensations psychopathologiques (cf. les pathologies de surcharge).
(…)
Les nouvelles formes de pathologie mentale au travail montrent que, aujourd’hui, c’est bien plutôt la désolation qui progresse. Parce que les hommes se sont engagés depuis quelques années dans le consentement zélé à développer des formes d’organisation du travail qui détruisent le monde, c’est-à-dire l’espace de la solidarité et du politique, la société d’aujourd’hui entretient un rapport ambigu avec l’aliénation.
Dejours prend le point de vue de la clinique pour penser le travail. Nous sommes dans une démarche inverse : nous pensons le travail à partir des rapports de production et c'est à partir du travail que nous contextualisons la clinique. Néanmoins, la richesse du changement de cadre qu'offre le regard clinique, appuie notre point de vue, le questionne et fait écho, au fond, à la souffrance très personnelle à l'origine de ce livre.
1C.
Dejours, Aliénation et clinique du travail, in Actuel
Marx 1/ 2006 (n° 39), p. 123-144. URL
: <www.cairn.info/revue-actuel-marx-2006-1-page-123.htm>.